Chine : le grand bond en avant d’Ethiopian Airlines
Multiplication de lignes, nouveaux appareils… Avec la croissance des échanges économiques, l’empire du Milieu offre la promesse d’un développement exponentiel à la compagnie africaine Ethiopian Airlines.
Les entreprises à l’assaut du ciel africain
Entre le tropisme chinois d’Ethiopian Airlines, les ambitions africaines de Bombardier ou le retour en grâce d’Air Mauritus qui vient de s’armer d’un nouveau directeur, le ciel africain est en plein boum.
Pékin, Shanghai, Canton, Hong Kong et depuis mai dernier Chengdu. Pour Ethiopian Airlines, en Chine, il ne saurait y avoir de cité interdite. Après avoir lancé sa cinquième destination chinoise, Yared Berta, directeur régional d’Ethiopian Airlines, voit loin, du haut de sa tour qui domine Jianguomenwai, l’une des plus célèbres artères de la capitale de l’empire du Milieu. Avec 35 vols de passagers par semaine, directs et quotidiens (à l’exception de Chengdu, opéré avec trois fréquences), et 15 vols cargo, la Chine constitue le plus gros marché de la compagnie en dehors de l’Afrique.
Elle est d’ailleurs l’une des plus anciennes à la desservir, opérant dans le pays depuis 1973. Mais c’est un nouveau grand bond en avant qu’entend y accomplir le géant des airs éthiopien, « stimulé par un trafic qui a crû en 2016 de 13 % par rapport à l’année précédente (soit 760 000 passagers transportés) et qui devrait progresser au même rythme durant les prochaines années », indique Yared Berta. « Une bonne partie des 62 nouveaux appareils commandés par Ethiopian dans le cadre de notre plan Vision 2025 serviront d’ailleurs à pourvoir à ce marché », assure à Jeune Afrique depuis Addis-Abeba son directeur général, Tewolde GebreMariam.
Trois routes supplémentaires
Pour Yared Berta, le potentiel est là : « Avec 1,4 milliard d’individus en Chine et 1 milliard en Afrique, cinq destinations, c’est encore trop peu. » En plus du passage prochain à deux vols quotidiens pour Shanghai (les discussions sont en cours avec l’aviation civile chinoise), ce sont trois routes supplémentaires que la compagnie inaugurera dans les mois à venir.
Avant Chongqing, dans l’Ouest, et Zhengzhou, dans le Centre, c’est à Shenzhen qu’Ethiopian devrait poser ses ailes. Incontournable, avec sa zone économique spéciale et son mégaport caractéristiques de la politique d’ouverture du président Deng Xiaoping inaugurée en 1989, cette ville du Sud-Est s’impose aujourd’hui comme la Silicon Valley chinoise, abritant notamment les sièges de Huawei et de ZTE. « Ce sera néanmoins un vrai défi d’y capter du trafic, car la ville se trouve à proximité de Canton et de Hong Kong », admet Mehari Assefa, directeur d’Ethiopian à Canton, qui se remémore la fermeture de Huangzhou, trop proche de Shanghai.
Objectif à terme : connecter l’ensemble des grands centres d’activités commerciales et industrielles chinois avec l’Éthiopie ainsi qu’avec le continent africain
Plus qu’optimiste, Yared Berta indique : « Nous observons les entreprises ayant des intérêts en Afrique, leur croissance potentielle et le trafic que celle-ci pourrait générer. Nous étudions tous les paramètres. Dès qu’une possibilité se dégage, nous n’attendons pas, nous ouvrons tout de suite la ligne. » Objectif à terme : connecter l’ensemble des grands centres d’activités commerciales et industrielles chinois avec l’Éthiopie ainsi qu’avec le continent africain.
Transactions commerciales
C’est ainsi qu’a été choisie Chengdu, capitale de la province du Sichuan, où sont situées les branches de plus de 260 entreprises du classement Fortune des 500 plus grandes entreprises mondiales. La ville produit de nombreuses machines-outils exportées vers l’Afrique. Y est notamment installée l’usine automobile Dongfeng, qui produira jusqu’en 2018 le nouveau pick-up que Peugeot destine aux marchés du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest.
Pas moins de 750 étudiants africains sont inscrits à l’université de Chengdu
Des sociétés que l’Éthiopie a su attirer « grâce à de bonnes infrastructures et à une énergie à bas coût », se félicite Wang Le Jun, directeur général de Shangtex, l’un des clients réguliers de la compagnie. Une entreprise qui fabrique 24 millions de vêtements par an, notamment pour Zara, Lacoste et Adidas. Pourtant, le développement des transactions commerciales et industrielles n’a pas été le seul motif d’ouverture de la ligne.
Avec ces dernières a aussi progressé le nombre de programmes d’échanges entre universités africaines et chinoises. Pas moins de 750 étudiants africains sont ainsi inscrits à l’université de Chengdu. Une des cartes majeures dans le jeu d’Ethiopian Airlines pour capter ces segments de clientèle réside avant tout dans l’attractivité de son hub d’Addis-Abeba, qui permet aux passagers de rejoindre facilement 56 destinations africaines, sur les 95 que détient la compagnie dans le monde.
Un atout que regardent avec attention les entreprises désirant s’installer sur le continent. « À l’avenir, nous souhaitons exporter mondialement nos marchandises produites en Afrique. Quand vous créez une usine, il faut considérer le marché sur lequel vous exportez, ainsi que la logistique », souligne le responsable de Shangtex.
Les vols en provenance de la Chine arrivent à destination tôt le matin pour permettre au voyageur d’accéder plus facilement à sa correspondance et de ne pas devoir attendre une journée – ce qui peut être le cas sur la grande plateforme concurrente de Kenya Airways à Nairobi, qui relie quant à elle la capitale à 54 villes du continent.
Menus chinois
Pour soigner cette nouvelle clientèle, outre des menus chinois proposés à bord et l’embauche de 48 hôtesses et stewards chinois, Ethiopian Airlines a ouvert un centre d’appels en mandarin, une plateforme d’achat sur l’application WeChat, très utilisée en Chine, ainsi qu’un comptoir d’assistance à l’aéroport d’Addis-Abeba, détaille Yared Berta. Il est possible depuis juin d’obtenir son visa pour l’Éthiopie en ligne.
Le nombre de visiteurs chinois en Afrique atteint désormais 121 millions, contre 31 millions en 2005
De quoi attirer aussi des touristes chinois, l’autre vivier de croissance sur lequel mise la compagnie. Il suffit en effet de se rendre à la Grande Muraille de Chine ou d’arpenter le parc du Centre de recherche sur les pandas de Chengdu pour s’en convaincre. Les infrastructures touristiques de l’empire du Milieu sont aujourd’hui beaucoup trop sous-dimensionnées pour faire face à un afflux de vacanciers chinois.
Le nombre de visiteurs atteint désormais 121 millions, contre 31 millions en 2005. Signe de l’attrait pour l’Afrique des touristes chinois, « il n’y a plus de basse ou de haute saison pour les safaris, la demande est constante toute l’année. En dépit du manque de facilités touristiques, l’Afrique est suffisamment grande pour absorber une bonne partie de la demande chinoise », note Gabury Ye, directeur Afrique et Moyen-Orient de l’agence shanghaïenne China International Travel Service (CITS), présente depuis vingt ans sur le continent et qui s’appuie sur le réseau d’Ethiopian Airlines.
« C’est l’une des seules compagnies à pouvoir répondre à cette demande avec Kenya Airways, alors qu’il existe 20 choix de vols entre Paris et Shanghai », regrette Gabury Ye. À l’occasion de la fête de l’Indépendance, le 1er octobre, période propice au tourisme, CITS n’a pas manqué d’inscrire l’Afrique à son catalogue, avec des destinations phares comme Maurice, l’Éthiopie, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, la Tunisie, le Maroc, l’Égypte, la Namibie, la Zambie et le Botswana.
Proposant désormais 20 circuits en Afrique, le tour-opérateur China Travel Service (CTS), aux allures de conglomérat avec ses agences de voyages, ses 130 hôtels dans le monde, ses duty free, ses parcs d’attractions, ses navires de croisière, ses golfs ainsi que ses centres d’obtention de visa, profite d’Ethiopian Airlines pour offrir le tour du monde à ses clients.
Contraste
C’est ainsi que ses séjours organisés s’arrêtent à Lomé, après Addis et avant de rejoindre Sao Paulo. Une ligne directe d’Ethiopian, en partage de code avec sa filiale Asky, est opérationnelle depuis mai 2016. Cependant, la croissance du trafic ne va pas en sens unique. « Nous étudions aussi quelles destinations peuvent intéresser les Africains, dans quelle partie de la Chine ils pourraient faire des affaires », rétorque Yared Berta.
Le contraste est d’ailleurs saisissant. Car la clientèle est presque exclusivement chinoise à destination de Pékin et de Shanghai, composée d’hommes d’affaires, d’investisseurs, d’employés d’entreprises d’État ou de sociétés privées… Mais depuis Canton et Hong Kong elle est en revanche quasi uniquement composée d’importateurs africains. Des passagers Platinum qui viennent parfois jusqu’à une fois par mois pour faire le plein de vêtements et de produits électroniques qui se retrouveront sur les étals des nombreux marchés du continent.
Concurrence
Afin de répondre à la croissance de cette demande, la compagnie éthiopienne envoie six fois par semaine ses Boeing 777 de grande capacité entièrement consacrés au cargo. Quarante pour cent des volumes vont au Nigeria, 40 % vers l’Afrique francophone, et le reste part en Afrique de l’Est. La desserte passagers de Canton passera à dix vols hebdomadaires à la mi-octobre lors de la traditionnelle foire de la ville, la plus grande du pays.
En 2016, ces trois fréquences supplémentaires avaient déjà été testées, mais suspendues au bout de trois mois à cause de la chute du prix des matières premières, qui a affecté les économies africaines. Les responsables régionaux d’Ethiopian prévoient de doubler à l’avenir les capacités de l’activité cargo. Car la concurrence est rude sur ce créneau.
À Canton, la compagnie éthiopienne n’est pas la seule à avoir ouvert plusieurs guichets et un entrepôt consacrés à l’expédition de marchandises. D’autres géants des airs comme Emirates, Qatar Airways, Turkish Airlines, Egyptair et Kenya Airways ont perçu le potentiel immense de clientèle et ripostent en envoyant eux aussi leurs plus gros porteurs.
Un second terminal cargo
Huit Boeing 777 à la fois. C’est ce que peut accueillir sur son parking le nouveau terminal cargo d’Ethiopian Airlines, opérationnel depuis septembre à l’aéroport d’Addis. Souhaitant rivaliser avec les terminaux d’Amsterdam Schiphol ou de Singapour, se targuant d’être le plus grand d’Afrique, ce second terminal d’Ethiopian pourra traiter 600 000 tonnes par an de marchandises, portant ainsi les capacités de la compagnie à un million. Il comprend différentes aires consacrées à l’exportation de fruits et légumes, de fleurs et autres denrées périssables qu’il peut maintenir à différents degrés de fraîcheur grâce à ses chambres froides.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles