Bénin : Samuel Dossou-Aworet, celui qui a vaincu Bolloré

L’homme d’affaires béninois Samuel Dossou-Aworet vient de remporter sa « bataille » juridique contre le géant français Bolloré dans le cadre du projet Épine dorsale. Reste à réaliser ce vaste chantier.

L’entrepreneur Samuel Dossou-Aworet a lutté des années pour faire valoir son droit. Pas en vain. © Vincent Fournier/JA

L’entrepreneur Samuel Dossou-Aworet a lutté des années pour faire valoir son droit. Pas en vain. © Vincent Fournier/JA

Fiacre Vidjingninou

Publié le 13 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

À 73 ans, Samuel Dossou-Aworet est un homme d’affaires prospère qui sait défendre ses intérêts. Il vient de gagner, en dernier ressort, son procès contre le groupe Bolloré dans la bataille pour le contrôle du projet de reconstruction de la ligne de chemin de fer entre Cotonou et Niamey, qui fait partie du gigantesque projet Épine dorsale – comprenant un port minéralier et pétrolier en eau profonde à Sèmè-Potji (proche de la frontière nigériane), un port sec à Parakou, un chemin de fer Cotonou-Niamey puis Niamey-Dosso et un aéroport.

Passé la victoire judiciaire, Samuel Dossou va désormais devoir confirmer sa capacité à concrétiser ce chantier. Car il ne le nie pas : il n’est pas cheminot, et un partenaire technique lui est indispensable. Les responsables du groupe Petrolin, qu’il a créé en 1992, n’ont pas encore pris de décision quant aux choix de ce coéquipier stratégique. Ils ont encore en mémoire la « trahison » de Bolloré, premier partenaire vers lequel ils se sont tournés quand le Bénin et le Niger leur ont notifié, en 2010, l’attribution provisoire de concessions sur le projet. Ils étaient loin de se douter que le groupe français prendrait les devants de l’initiative en signant une autre convention avec les autorités des deux pays.

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« Cela a été une vraie douche froide. Samuel a accusé le coup des jours durant avant de s’en remettre », confie l’un des amis d’enfance de l’homme d’affaires béninois qui a souhaité garder l’anonymat. Petrolin avait pourtant pris une précaution en signant avec Bolloré le 13 janvier 2013 un « engagement de confidentialité et d’exclusivité » qui oblige celui-ci à « ne pas mener ou être engagé ou intéressé […] dans un projet ayant un objet similaire ou qui entre en concurrence avec le projet » d’Épine dorsale. C’est justement ce détail qui va sauver Samuel Dossou dans la procédure judiciaire qui a ordonné, le 19 novembre 2015, la cessation des travaux engagés par le groupe hexagonal sur le territoire du Bénin avant qu’intervienne la décision en dernier ressort de la Cour suprême du Bénin, le 29 septembre, largement favorable à Petrolin.

Des activités éclectiques

« Sans un opérateur technique, difficile pour Samuel Dossou de tenir ses engagements sur le projet. C’est notre seul souci avec lui », affirme un cadre du ministère béninois des Transports. Malgré la profession de foi de Petrolin, le groupe a perdu de sa superbe depuis la disparition d’Omar Bongo Ondimba, son principal soutien politique, et la chute de Pascal Lissouba.

C’est dans l’univers de l’or noir que ce diplômé de l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs de Paris a bâti sa fortune. Petrolin, présent dans une douzaine de pays africains, revendiquait en 2013 un chiffre d’affaires de plus de 726 millions d’euros (les dernières données ne sont pas disponibles). Mais si les années où Samuel Dossou était le roi du négoce pétrolier en Afrique et le tout-puissant représentant du Gabon à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, qu’il a présidée à deux reprises, sont désormais loin, l’homme dispose encore de ressources. Il est aujourd’hui le deuxième producteur de gaz au Nigeria, où il contrôle 40 % du consortium ND Western, plus de 9 % de Niger Delta Exploration & Production et de 10 % de Seplat, l’un des principaux producteurs de pétrole au Nigeria.

Établi à Genève depuis quelques années, l’homme travaille à la diversification de ses affaires, notamment dans le secteur bancaire où il est actionnaire dans plusieurs établissements (Bank of Africa, Orabank Gabon, BGFI Bank Bénin, etc.) et dans l’aviation (il possède plusieurs jets privés). Sa compagnie d’aviation d’affaires, Comfort Jet Services, établie au Togo, dispose d’une flotte de plus de cent avions. Une diversification qui donne un second souffle à son groupe, mais lui offre-t-elle une assise financière confortable pour investir dans un domaine qui lui est étranger et où il a tout à prouver ? « Nous sommes prêts techniquement et financièrement. Nous allons mobiliser plus de 1 000 milliards de F CFA [1,5 milliard d’euros] pour réaliser le projet », assure-t-il.

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Restera cependant une autre équation à résoudre : la position du Niger dans ce dossier. « Notre pays ne se sent pas concerné par cette décision de la juridiction béninoise. Et pour nous, le partenaire sur cette question reste Bolloré. Toujours est-il que les deux chefs d’État sont en contact permanent sur la question », explique une source proche du palais de la présidence à Niamey.

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