Allemagne – France : le tandem s’équilibre
Je ne traiterai pas de l’Afrique cette semaine, mais des deux premières puissances économiques de l’Union européenne. Elles nous intéressent toutes les deux par leur situation actuelle et par leur évolution prévisible. Vous verrez que cette évolution comparée est étonnante.
Il s’agit, bien sûr, de l’Allemagne et de la France. Tout au long de ces dernières années, nous avons lu, entendu dire et répéter que l’Allemagne se portait bien, allant même de mieux en mieux, tandis que la France, qui avait été son alter ego, stagnait, se laissait distancer.
C’était exact et cela l’est encore dans une large mesure, comme le montrent les chiffres de la croissance économique, du pouvoir d’achat ou du chômage.
L’Allemagne, leader politique et économique de l’UE
La France est certes une puissance nucléaire, ce que l’Allemagne n’est pas et ne sera pas. Elle est également membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et consacre à ses armées une part plus importante de son PIB que l’Allemagne. Mais celle-ci est au centre de l’Europe, s’est réunifiée et réformée au point de devenir le leader politique et économique de l’Union européenne.
Les États-Unis étant imprévisibles et peu fiables depuis qu’ils ont élu Donald Trump à leur tête, on pousse de toutes parts la chancelière d’Allemagne à se poser en chef du monde occidental dans son ensemble. Nul n’a pensé au président français pour assumer un tel rôle…
Cela faisait plus de dix ans que l’Allemagne creusait l’écart en sa faveur, si bien que le monde s’était habitué à la voir dominer l’Europe, pendant que la France dégringolait, devenant même son premier subordonné.
Le début d’un nouveau cycle ?
Mais cette ère s’est achevée en 2017, et nous assistons en ce moment même au début d’un nouveau cycle, qui verra l’Allemagne plafonner et même régresser pour se laisser rattraper et, pourquoi pas, dépasser par la France.
Il est tout à fait possible que cette dernière profite du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne pour en devenir le leader. Elle remplacerait ainsi dans ce rôle l’Allemagne, qui semblait d’ailleurs penser qu’il n’était pas pour elle.
La France doit redevenir une grande puissance tout court. C’est une nécessité
En mai dernier, la France a scellé son rejet de François Hollande et de Nicolas Sarkozy en installant à l’Élysée un homme nouveau, Emmanuel Macron, et en donnant leur congé à la cohorte d’hommes politiques qui avait succédé, depuis le début de ce siècle, à la génération Jacques Chirac.
Né le 21 décembre 1977, Emmanuel Macron n’a pas encore 40 ans. Élu pour un premier mandat de cinq ans, il pourrait rester à l’Élysée pendant dix ans et devenir le « grand timonier » de la France jusqu’en 2027. Ne vient-il pas de déclarer, ce qui en dit long sur ses intentions, que « la France doit redevenir une grande puissance tout court. C’est une nécessité » ?
Dernier mandat pour Angela Merkel
À 63 ans, Angela Merkel a été reconduite le 24 septembre au poste de chancelière d’Allemagne. Il s’agit d’un dernier mandat de quatre ans ; elle est donc déjà, d’une certaine manière, sur le départ et le sera davantage chaque année jusqu’à la fin effective de son mandat, en septembre 2021.
Le jeune président français a donc clairement l’avantage de l’âge et de la durée ; les effets de cette différence se feront de plus en plus ressentir en Europe et dans le monde.
À cet avantage s’ajoute pour la France celui de la démographie, dont il ne faut pas sous-estimer l’importance.
Le pays compte aujourd’hui quelque 66 millions d’habitants, contre 83 millions pour l’Allemagne. Et sa population augmente de 260 000 personnes chaque année, tandis que celle de l’Allemagne diminue annuellement d’autant et vieillit davantage. (1)
Une population française plus jeune
Dans quelques décennies, les deux pays auront donc la même population : aux environs de 73 millions d’habitants.
Mais la population française est déjà plus jeune et, par conséquent, plus dynamique. Elle le sera davantage encore dans les prochaines décennies.
En 2017, l’endettement de la France représente 96 % de son PIB annuel et son budget est déficitaire depuis plus de trente ans. L’Allemagne, elle, a un budget équilibré, voire excédentaire, et n’est endettée qu’à hauteur de 68 % de son PIB.
Nouveau départ pour le tandem France-Allemagne
Mais la démographie rapproche chaque année la France de l’Allemagne, et si, comme on le prévoit, le revenu par tête est le même ou très voisin en France et en Allemagne, le revenu annuel des deux pays tendra à s’équilibrer, alors que celui de la France en 2016 ne représentait que 70 % de celui de l’Allemagne.
Le différentiel entre les deux PIB annuels, de l’ordre de 1 000 milliards de dollars, est donc appelé à disparaître. (2)
De ce qui précède, on peut conclure que, inégal et complémentaire jusque là, le tandem France-Allemagne a pris en 2017 un nouveau départ qui le conduira peu à peu à l’égalité.
Les deux pays, bientôt rivaux ?
Et nous verrons dès 2018 les deux pays redevenir rivaux.
(1) Raison pour laquelle la chancelière d’Allemagne a estimé possible – et nécessaire – d’accueillir 1 million de migrants en provenance de Syrie.
(2) Selon le FMI, le PIB de l’Allemagne en 2016 s’élevait à 3 466,6 milliards de dollars, tandis que celui de la France n’était que de 2 463,2 milliards.
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