Nigeria : Olusegun Obansanjo face à ses meilleurs ennemis, dans son pays yorouba
Élu président du Nigeria en 1999 et en 2003, Olusegun Obasanjo n’a jamais été très populaire dans sa région d’origine, le pays yorouba, dans le Sud-Ouest.
Ses scores électoraux y ont toujours été des plus modestes. Même à Abeokuta, où il vit, Obasanjo entretient de solides inimitiés, notamment avec l’autre grande figure de la ville, Wole Soyinka, le premier auteur africain à avoir reçu le prix Nobel de littérature, en 1986.
Soyinka ne cache pas sa détestation d’Obasanjo. Une animosité de plus de cinquante ans. Pendant la guerre du Biafra (1967-1970), l’écrivain a tenté une médiation entre les sécessionnistes et le régime fédéral. Ce qui lui a valu deux ans derrière les barreaux (1967-1969).
De ce séjour carcéral, il tirera l’un de ses essais les plus célèbres, The Man Died (« Cet homme est mort »). Soyinka pense qu’il a eu la vie sauve grâce à l’intervention du romancier Arthur Miller.
« Quand les généraux ont appris que l’ex-mari de Marilyn Monroe se mobilisait pour moi, ils ont été tellement impressionnés qu’ils ont décidé de me libérer », s’amuse l’auteur.
Il considère qu’Obasanjo, qui dirigeait alors les troupes fédérales dans l’est du Nigeria, a tout fait pour le laisser croupir en prison.
Les conflits avec Fela Kuti
Une autre personnalité d’Abeokuta entretenait un vif ressentiment envers Obasanjo : le chanteur Fela Kuti. En 1978, les militaires envahissent la maison de ce dernier.
Fela a toujours considéré Obasanjo comme responsable de l’assassinat de sa mère
Rendus furieux par la chanson Zombie, qui moque la junte, ils défenestrent la mère de l’artiste, la célèbre poétesse et militante des droits des femmes Funmilayo Ransome Kuti. Tombée dans le coma, celle-ci décède peu de temps après.
Obasanjo est alors à la tête du régime militaire. Fela a toujours considéré le général comme responsable de cet assassinat. Dans l’un de ses titres les plus connus, Coffin for Head of State (« Cercueil pour chef d’État »), il raconte d’ailleurs qu’il va porter le cercueil de sa mère devant la résidence d’Obasanjo.
Le père de Fela n’était autre que le directeur de l’école que fréquentait Soyinka. Les enfants des artistes, dont Femi et Seun Kuti, entretiennent cette rancœur.
Aujourd’hui encore, l’écrivain fait tout son possible pour éviter de rencontrer celui qu’il appelle avec ironie le « père de la nation ». Cousins, les Soyinka et les Kuti se retrouvent pendant les fêtes de fin d’année.
Dans le musée de l’ex-président, le titulaire du prix Nobel est mentionné – pour rappeler qu’il s’est opposé à ce qu’Obasanjo devienne secrétaire général des Nations unies. Des affronts du passé, les deux octogénaires n’ont rien oublié.
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