Terrorisme : l’exception italienne

Ici même, la semaine dernière, j’ai attiré votre attention sur le tandem France-Allemagne. Le pays d’Angela Merkel, qui se porte bien depuis plus de dix ans, n’a cessé de creuser l’écart avec la France. Mais, réveillée de sa torpeur, cette dernière a des atouts et les moyens de rattraper une grande partie du retard qu’elle a pris.

Paolo Gentiloni, Premier ministre italien avec Emmanuel Macron. © Wikimedia Commons

Paolo Gentiloni, Premier ministre italien avec Emmanuel Macron. © Wikimedia Commons

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Publié le 19 octobre 2017 Lecture : 5 minutes.

Le déséquilibre entre les deux pays va donc s’estomper, voire disparaître, et dans quinze ans les deux premières économies de l’Union européenne pourraient faire jeu égal. Mais quid de la troisième, l’Italie, dont les médias ne parlent presque jamais ?

On ignore pourquoi cette grande puissance européenne de plus de 60 millions d’habitants fait si peu parler d’elle. Elle est pourtant là et joue un rôle important sur le continent africain, plus particulièrement en Libye, en Éthiopie et en Érythrée, qui furent ses colonies ; sa société pétrolière, ENI, une des plus actives au monde, est présente dans de nombreux pays exportateurs d’hydrocarbures d’Afrique et du Moyen-Orient.

Ses rives méditerranéennes reçoivent chaque année, bon gré mal gré, des dizaines de milliers de migrants. Mais, à ce jour, aucun attentat jihadiste n’a été commis en Italie.

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Si elle n’intéresse pas le grand public, l’Italie intrigue les observateurs, notamment ceux qui suivent de près les affaires de terrorisme.

Il y a en effet un mystère italien, car ce grand pays européen, qui lutte activement contre le terrorisme, en particulier en Libye, n’a été l’objet, à ce jour, d’aucun acte de terrorisme sur son sol.

Sa société pétrolière se déploie en Afrique et au Moyen-Orient, mais n’a jamais été attaquée ni même menacée.

Ses rives méditerranéennes reçoivent chaque année, bon gré mal gré, des dizaines de milliers de migrants. Mais, à ce jour, aucun attentat jihadiste n’a été commis en Italie.

L’Italie, elle, paraît sanctuarisée. Comment expliquer cette « exception italienne » ?

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Cette situation particulière distingue l’Italie de ses grands voisins européens.

l’Italie, l’exception ?

La chrétienté a pour centre Rome, la capitale italienne, où se trouvent le pape et le Vatican. Les médias de l’État islamique ont claironné que leurs combattants allaient se lancer à la conquête de ces hauts lieux, mais ils ne s’y sont même pas essayés.

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En Europe, la France, l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Russie ont été victimes d’actes terroristes. En Afrique, il en a été de même pour la Tunisie, l’Égypte et les pays du Sahel – sauf la Mauritanie*.

L’Italie a-t‑elle été « vaccinée » contre le terrorisme par son expérience des Brigades rouges ?

L’Italie, elle, paraît sanctuarisée. Comment expliquer cette « exception italienne » ?

Les experts les plus qualifiés en perdent leur latin, c’est le cas de le dire.

Macron donne sa définition du terrorisme

Le nouveau président de la République française, Emmanuel Macron, a donné le mois dernier sa définition du terrorisme. Il dit ce qu’est ce fléau des temps modernes et ce qu’il n’est pas.

Je le cite ci-dessous, car son approche aide à savoir de quoi on parle et à comprendre pourquoi l’Italie échappe à ce phénomène (presque) mondial.

« Dire que le terrorisme que l’on connaît aujourd’hui n’a rien à voir avec un islamisme politique est faux. Mais dire que c’est un terrorisme “islamique”, comme le proclament certains responsables politiques, est une erreur. En effet, cela revient à impliquer les plus de 4 millions de Français qui sont de confession musulmane : je ne veux pas laisser dire qu’ils ont quelque chose à voir avec le terrorisme. Mais ce terrorisme est islamiste, car il a évidemment un lien avec l’islamisme radical. Je me refuse absolument à porter un jugement sur une religion particulière, et donc sur ses fidèles, que ce soit pour la condamner ou pour l’absoudre. […]

Autre thèse avancée : la trop célèbre mafia italienne protégerait l’Italie de la « mafia islamiste »

Ce terrorisme islamiste déclenche des réactions mimétiques chez des individus qui souffrent de très graves maladies psychiatriques et y trouvent un prétexte pour commettre des attaques ignobles, alors qu’ils n’ont rien à voir avec la religion. Notre réponse au terrorisme doit être à la fois sécuritaire, économique, culturelle et éducative. […] »

L’Italie marquée par l’époque des Brigades rouges

Je rappelle que l’Italie est le pays qui a donné naissance, à la fin du XXe siècle, aux Brigades rouges de sinistre mémoire. Elles étaient alors une excroissance violente et impitoyable du marxisme qui a semé la terreur dans la péninsule. Elles ont sévi une décennie, fait des émules et préfiguré les terroristes islamistes d’aujourd’hui.

L’Italie a-t‑elle été « vaccinée » contre le terrorisme par son expérience des Brigades rouges ?

On peut le supposer.

Autre thèse avancée : la trop célèbre mafia italienne protégerait l’Italie de la « mafia islamiste ».

Plus sérieusement, on invoque pour expliquer le « cas italien » une originalité très peu connue de ce pays.

Presque aucun Italien dans les rangs de l’« État islamique »

Contrairement à la France, à la Belgique, au Royaume-Uni, à l’Allemagne, à la Turquie, à l’Égypte, à la Tunisie et à d’autres pays, l’Italie n’a pas connu une hémorragie de jeunes radicalisés quittant leur pays pour rejoindre l’« État islamique », s’y enrôler et le servir contre leur pays d’origine.

N’ayant pas exporté de candidats au jihad, l’Italie s’est trouvée immunisée contre le terrorisme.

Par centaines, parfois par milliers, des jeunes de tous horizons ont traversé des frontières pour se retrouver à Raqqa et devenir des soldats de l’« État islamique ».

Pas d’Italiens parmi eux, ou presque pas.

Et ce sont ces ressortissants de pays européens ou africains qui se sont proposés ou ont été utilisés pour concevoir et exécuter les actes terroristes qui ont ensanglanté les pays cités plus haut.

Ces pays ont donc exporté une partie de leurs jeunes et ont reçu, en retour, les attaques de l’« État islamique ».

N’ayant pas exporté de candidats au jihad, l’Italie s’est trouvée immunisée contre le terrorisme.

La théorie selon laquelle le terrorisme islamiste est importé est donc fausse.

Si cela est vrai, l’Italie n’est pas un « cas » mais un exemple : son terrorisme du XXe siècle était national, et, en n’exportant pas de « candidats au jihad », elle prouve aux pays qui en exportent que le terrorisme est en eux.

La théorie selon laquelle le terrorisme islamiste est importé est donc fausse.

* On murmure en Afrique que le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, aurait passé un accord explicite ou implicite avec les jihadistes aux termes duquel son pays serait épargné. Mais on ne peut le prouver.

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