Tunisie : Wafa Makhlouf défie Hafedh Caïd Essebsi pour la présidence de Nidaa Tounes

Membre fondateur de Nidaa Tounes, la députée a annoncé qu’elle en briguait la présidence. Quitte à faire de l’ombre à Hafedh Caïd Essebsi, qui a imposé sa mainmise sur le mouvement.

Wafa Makhlouf, chef d’entreprise tunisienne. © Capture d’écran/Youtube/TV5Monde

Wafa Makhlouf, chef d’entreprise tunisienne. © Capture d’écran/Youtube/TV5Monde

Publié le 24 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Une jeune et élégante brune donne du fil à retordre aux dirigeants de Nidaa Tounes, qui, depuis son succès aux législatives de 2014, traverse une crise de leadership. Wafa Makhlouf, 41 ans, qui compte non seulement parmi les douze membres fondateurs de la formation créée en 2012 par Béji Caïd Essebsi (BCE), actuel président de la République, mais aussi parmi les figures féminines phares du parti qui ont contribué à son succès, a annoncé le 22 septembre qu’elle en briguait la présidence.

« Nous n’avons pas préparé l’après-BCE, qui fédérait tous les courants du parti. Aujourd’hui, la seule solution pour sortir de la crise, c’est un congrès électif et rien d’autre ! » analyse cette femme de réseaux.

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Or, contrairement à d’autres formations, comme Afek Tounes, Nidaa peine à organiser son grand raout, au cours duquel des délégués désignés par les structures du parti seront appelés à élire leur président et les membres du bureau exécutif.

Faire de l’ombre à Hafedh Caïd Essebsi

Depuis le passage en force de Hafedh Caïd Essebsi (HCE), fils du président et directeur exécutif du parti, lors du congrès de Sousse, en janvier 2016, Nidaa a perdu de son prestige.

D’où la volonté de la députée de redorer le blason du mouvement, quitte à faire de l’ombre à HCE, lequel a annoncé la tenue d’un congrès électif avant les municipales de mars 2018, sans toutefois en fixer la date ni en aviser le parti.

Je suis très attachée à la vocation initiale, rassembleuse et fédératrice, du parti

Pour ceux qui considèrent que Nidaa est inféodé à HCE, la native de Monastir (Sahel) est une empêcheuse de tourner en rond. Titulaire d’une maîtrise en finances décrochée en 2001 à la faculté de gestion de Tunis tout en élevant son premier enfant, elle fait de sa candidature une question de principe.

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« Je suis très attachée à la vocation initiale, rassembleuse et fédératrice, du parti », plaide-t‑elle, fustigeant les dirigeants de Nidaa pour le faible appui apporté au chef du gouvernement, Youssef Chahed, issu de leurs rangs. Sociale-libérale et moderniste, elle peut compter sur le soutien de ceux qui croyaient en Nidaa mais ne se reconnaissent plus dans sa direction actuelle et ses dérapages.

Makhlouf n’a pas non plus hésité à dénoncer l’exclusion de certains de ses collègues, dont Nejia Ben Abdelhafidh, Sabrine Goubantini et Leïla Chettaoui, ainsi que les décisions unilatérales prises par HCE et Sofiane Toubel, président du bloc parlementaire de Nidaa. De même qu’elle avait gelé sa participation au congrès de Sousse, qu’elle avait qualifié de « mascarade ».

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Une femme d’ambition

Les pro-Hafedh ont riposté en semant le doute quant à ses ambitions, la présentant comme candidate à la présidence du groupe parlementaire. « Ce qui n’est pas du tout le cas, je vise la direction du parti », affirme l’intéressée, qui reste déterminée.

« La bataille n’est pas facile, la lutte est double ; il faut redresser le parti et travailler en interne à mettre le holà aux dérives pour qu’il soit de nouveau une mosaïque politique. Je sais à quoi j’ai affaire et bénéficie de plusieurs soutiens », assure cette chef d’entreprise qui a suspendu ses activités de collecte de déchets ménagers pour entrer en politique afin de « faire changer les choses ».

Notre pays est unique. Nous sommes différents. Nous devons en être fiers et tout faire pour le préserver

Toujours membre du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), après avoir été présidente du CJD international de 2013 à 2014, Wafa Makhlouf continue néanmoins de promouvoir l’entrepreneuriat et dirige pour la Tunisie le Center for Entrepreneurship and Executive Development (CEED), qui accompagne les jeunes patrons et vulgarise les mécanismes d’appui aux PME à travers un vaste programme dans le sud du pays.

« Il ne suffit pas de créer une entreprise parce qu’on ne peut pas faire autrement pour travailler », fait cependant observer celle qui a œuvré à faire connaître la Tunisie aux Young Global Leaders du Forum économique mondial, dont elle a été membre en 2016.

« Notre pays est unique. Nous sommes différents. Nous devons en être fiers et tout faire pour le préserver », affirme Wafa Makhlouf, qui affûte ses stratégies, quel que soit le domaine, en faisant de longues marches.

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