Parcours : Ola Jason, de Nollywood à Bollywood

Ce Nigérian installé à New Delhi rêve d’être le premier Africain à devenir une star de blockbusters indiens.

C’est en 2014 que l’acteur a été repéré par hasard dans un centre commercial par un agent. © Niha Masih pour JA

C’est en 2014 que l’acteur a été repéré par hasard dans un centre commercial par un agent. © Niha Masih pour JA

Publié le 19 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

Demander à Ola Jason de raconter son histoire, c’est un peu comme se plonger dans un Bollywood : un scénario à l’eau de rose, un peu de bagarre, du drame, des situations rocambolesques et quelques longueurs – qu’on vous épargnera.

Depuis Lagos, des influences indiennes

La scène d’ouverture se déroule à Lagos, au Nigeria. Nous sommes au début des années 1980, et Olamilekan Akanbi Ojora, alias Ola Jason, n’est encore qu’un enfant.

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Avec sa bande de copains, ils traînent dans les salles de cinéma et regardent des films populaires indiens. En sortant, les garnements rejouent les scènes au grand air.

« Depuis l’enfance je savais que je voulais devenir un acteur de Bollywood, et cette idée ne m’a jamais quitté »

Ola Jason endosse naturellement le rôle du personnage incarné par Amitabh Bachchan, ce géant du cinéma indien élevé au rang de demi-dieu.

« Depuis l’enfance je savais que je voulais devenir un acteur de Bollywood, et cette idée ne m’a jamais quitté », dit ce grand gaillard dont le costume blanc immaculé laisse deviner une musculature soigneusement affûtée. Son rêve de gosse brille encore dans ses yeux d’adulte de 41 ans.

Et si Ola Jason n’est pas devenu aussi populaire qu’Amitabh Bachchan, il figure déjà au générique de plusieurs productions indiennes.

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En 2016, il fait une apparition dans Dangal, ce film qui retrace l’histoire de deux lutteuses professionnelles. Assis dans un café climatisé de New Delhi, son ordinateur portable sur la table, Ola Jason passe le film en accéléré jusqu’à ce qu’il entre en piste.

Il joue l’entraîneur d’une lutteuse nigériane. « Je me suis dit qu’il fallait que je leur montre que j’étais un vrai acteur et c’est moi qui ai improvisé mon propre dialogue, assure-t-il. C’est pour cela qu’ils ont choisi de faire plusieurs gros plans sur moi. »

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À peine son explication terminée, la scène s’achève. Il rembobine pour être sûr que l’on ne manque rien de son passage.

Il ne fait pas bon d’être noir à Bollywood

« Dans le stade, j’étais quasiment le seul homme noir », se souvient celui qui vit en Inde depuis 2011. Au pays de Gandhi, il ne fait pas bon être noir de peau, et les attaques racistes contre les Africains se sont multipliées au cours des deux dernières années.

Ola Jason met d’ailleurs sa petite notoriété à profit. À chaque nouveau drame, il répond par l’affirmative aux demandes d’interview des médias indiens. « J’essaie de me montrer solidaire. Nombreux sont ceux qui n’ont personne pour prendre soin d’eux en cas de problème », explique-t-il.

« En prison, pour tenir bon, je me répétais que Dieu savait ce qu’il faisait. Et puis je voulais connaître le dénouement de l’histoire »

L’acteur en sait quelque chose. Il a débuté au Nigeria avec une sitcom et quelques films. « Mais j’en voulais plus. Dans un Bollywood, lorsque le héros met son poing dans la figure du méchant, ce dernier s’envole littéralement dans les airs ! »

Sauf que, le 28 mars 2011, c’est Ola Jason qui écope du rôle du méchant. Ce jour-là, il est arrêté pour possession de cocaïne. « Les policiers se sont jetés sur moi, et comme je me suis débattu ils m’ont frappé avec des bâtons. Je ne me suis calmé que lorsque l’un d’entre eux a pointé son arme sur ma tempe », se souvient Ola.

Victime d’erreur judiciaire

Il passe deux ans en prison avant d’être libéré sous caution, puis est acquitté en 2017. Ola assure que les policiers l’ont pris pour un autre – sous-entendu pour un autre Africain et estime avoir été victime d’une erreur judiciaire.

« Le juge lui a laissé le bénéfice du doute, c’est tout », explique son avocat, qui ne masque pas son antipathie pour son ancien client, qu’il croit coupable. Qu’importe. On se laisse volontiers convaincre par la candeur du personnage.

Une candeur qui, on ne sait comment, a résisté à la dureté de la vie carcérale. « En prison, pour tenir bon, je me répétais que Dieu savait ce qu’il faisait. Et puis je voulais connaître le dénouement de l’histoire », lâche-t-il dans un éclat de rire.

Après la prison, le début de carrière

À sa sortie de prison, Jason travaille dans des call centers, se lance dans une activité de coiffeur… En 2014, alors qu’il se promène dans un centre commercial, il est repéré par un agent.

Il commence par faire de la figuration dans un docufiction, apparaît dans de plus grosses productions bollywoodiennes, puis tamoules. En février 2017, il décroche un second rôle dans le long-métrage Carry On Kesar.

Il n’a passé aucune audition. Vipul Mehta, le réalisateur, a vu sa photo et a tout de suite su que le rôle était pour lui. « Un ami m’a confirmé qu’Ola était un bon acteur, et lorsque je l’ai appelé j’ai senti qu’il avait une grande confiance en lui », explique le cinéaste.

« Je voudrais montrer au monde ce qui se passe ici et j’aimerais proposer le rôle du militant antiraciste à Aamir Khan »

Loin des plateaux de Bombay, Ola Jason se rend donc à Gonda, dans le Gujarat, où est tourné ce film. Une partie des dialogues est en langue gujaratie ? Il apprend son texte en phonétique. Il faut exécuter une danse régionale ? Cela ne l’arrête pas non plus.

« Il pouvait à peine marcher dans sa kurta et son dhoti, et pourtant il a réussi à danser, nous avons tous beaucoup ri », se souvient Vipul Mehta, qui considère désormais Ola Jason comme un ami.

Lorsqu’il ne joue pas lui-même, Ola recrute des figurants. Mais ce qui lui tient le plus à cœur pour le moment, c’est de réaliser un film sur sa propre histoire.

« Je voudrais montrer au monde ce qui se passe ici et j’aimerais proposer le rôle du militant antiraciste à Aamir Khan », explique Ola Jason, qui, malgré toutes ses mésaventures, n’a jamais cessé de croire au happy end.

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