L’Afrique a le potentiel pour nourrir le monde

Dans l’imaginaire dominant, l’Afrique est le continent des laissés-pour-compte, de la pauvreté, de l’assistance internationale et de l’aide humanitaire.

Silos de stockage de céréales du ministère de l’Agriculture, dans la zone économique spéciale de Kigali. © Vincent Fournier/JA

Silos de stockage de céréales du ministère de l’Agriculture, dans la zone économique spéciale de Kigali. © Vincent Fournier/JA

Mohamed Soual
  • Mohamed Soual

    Économiste en chef du Groupe OCP (Office Chérifien des Phosphates).

Publié le 2 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Le souverain chérifien Mohammed VI prononçant son émouvant discours, le 31 janvier 2017, lors du 28e sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba. © MAP
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Entre la réforme de l’Union africaine, qu’il a rejointe en janvier, son adhésion à la Cedeao, qui devrait être entérinée à la mi-décembre, et les partenariats qu’il a engagés, le royaume va devoir relever de nouveaux défis sur le continent.

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Cet imaginaire occulte une Afrique qui, en dépit de ces vicissitudes, construit son avenir et connaît depuis plus d’une décennie une croissance supérieure à 5 %, juste derrière la Chine et devant nombre d’économies mondiales.

Sa population va doubler d’ici à 2050, et si aujourd’hui sa jeunesse représente le quart de la jeunesse mondiale, 4 jeunes sur 10 seront africains en 2050, incarnant une vitalité en contraste avec celle de zones bien plus développées, mais qui connaissent un vieillissement, voire un recul démographique.

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Bien que représentant à peine plus de 2 % du commerce mondial, l’Afrique a connu la plus forte croissance dans les échanges internationaux entre 2000 et 2011, avec une hausse des importations au sud du Sahara de 16 % en moyenne annuelle. Un rapport de 2013 du ministère français des Finances estime les réserves de change du continent à plus de 500 milliards de dollars, alors même que ce continent est exportateur net de capitaux et que les termes de l’échange sont défavorables et se seraient même dégradés, selon nombre d’experts internationaux – rappelons que c’est le président Senghor qui, le premier, avait évoqué cet « échange inégal ».

C’est l’une des raisons pour lesquelles la croissance, par elle-même, ne suffit pas encore à provoquer le développement. Développement que nous qualifierons, selon la définition donnée par l’économiste François Perroux, comme « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global ».

L’Afrique importe aujourd’hui pour plus de 30 milliards de dollars pour se nourrir, alors qu’elle a le potentiel pour nourrir le monde !

L’histoire nous apprend qu’aucun pays au monde ne s’est développé sans développement agricole. L’industrialisation de l’Europe vers la fin du XVIIIe siècle fut financée par les surplus agricoles et par les excédents de main-d’œuvre paysanne, permis par l’accroissement de la productivité agricole.

Ceux qui réclament l’industrialisation sans passer par la case du développement agricole se trompent. Ils se trompent d’autant plus que l’Afrique dispose de 60 % du potentiel de terres arables encore disponibles dans le monde et que la productivité agricole y est plus que quatre fois moindre que dans les pays à forts rendements. Le continent dispose en outre de plus du quart de la forêt mondiale (le plus grand réservoir de séquestration du carbone), tandis que l’urbanisation galope et gagne sur cette forêt, ainsi que sur les terres agricoles.

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Il n’est responsable que de moins de 4 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, en même temps qu’il est davantage exposé aux effets du changement climatique. Enfin, l’eau, bien qu’inégalement répartie, y est abondante ; pourtant, moins de 4 % du foncier agricole est irrigué. Quant à l’usage de la fertilisation raisonnée (le bon engrais à la bonne dose, pour le bon sol et au bon moment), il y est dix fois inférieur à la moyenne basse des pays à fort rendement agricole.

Une coopération interafricaine nécessaire

Le continent importe aujourd’hui pour plus de 30 milliards de dollars pour se nourrir, et, si rien n’est fait, ce seront 120 milliards en 2050, alors qu’elle a le potentiel pour nourrir le monde ! Or il existe plusieurs possibilités d’augmenter considérablement les investissements dans l’agriculture, qu’il s’agira de transformer aussi rapidement que possible en profits en s’appuyant à la fois sur l’environnement social et sur l’évolution technologique.

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Ces profits pourront alors être réinvestis dans l’amélioration du bien-être des populations, dans la promotion de l’agriculture, dans le financement des investissements en infrastructures et dans les efforts continus pour promouvoir l’agriculture. Celle-ci représente dans de nombreux pays le plus large secteur de l’économie, elle est le réservoir de main-d’œuvre pour l’expansion industrielle, l’origine de produits d’exportation en échange de biens industriels et la principale source d’épargne pour l’investissement non agricole.

Toutes ces préoccupations sont au cœur de l’initiative marocaine dite « triple A » (Adaptation de l’agriculture africaine) portée par le souverain marocain lors de son discours à Addis-Abeba, à l’occasion du retour du Maroc au sein de l’Union africaine.

Elles s’exprimeront à travers la nécessaire coopération interafricaine. « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique », précisait dans son discours de février 2014 à Abidjan le roi Mohammed VI, pour lequel « l’Afrique a moins besoin d’assistance et requiert davantage de partenariats mutuellement bénéfiques ».

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