Diamant : histoire d’une fascination
Des rives de la région de Golconde, en Inde, jusqu’aux mines d’Afrique australe, il a traversé les époques et les modes sans jamais perdre de son brillant. Les plus belles femmes se le disputent, des hommes sont morts pour lui. Pourquoi fascine-t-il autant ?
«Mazal u’bracha ! » Depuis des siècles, les diamantaires juifs concluent leurs affaires par cette expression hébraïque venue du fond des âges. Une manière de sceller un pacte de confiance, sans autre forme de contrat, tout aussi indestructible que la pierre précieuse dont ils font le négoce.
Depuis toujours le diamant attire à lui la lumière et les superlatifs. En grec ancien, son nom, adamas, signifie « indomptable ». En Inde, où il est pour la première fois mentionné dans des manuscrits datant du IVe siècle avant J.-C., il est baptisé vajra : « inflexible », en sanskrit. Cette dureté qui s’inscrit dans la durée fascine encore aujourd’hui. L’origine de ce morceau de carbone cristallisé aussi.
Il enchâsse les objets religieux les plus vénérés
Formé à des profondeurs parfois supérieures à 200 m, exposé à une température extrême (entre 1 700 et 2 500 °C) et soumis à une pression de 75 tonnes par cm2, le diamant, insensible à la force des éléments comme à l’épreuve du temps, va jusqu’à imposer ses propres règles. N’est-il pas la seule ressource naturelle à échapper aux lois du libre-échange, puisque sa valeur n’est pas définie en fonction de l’offre et de la demande ?
Venu du ciel
Dès la découverte des premiers brillants dans les rivières tumultueuses de la mythique région de Golconde, située aujourd’hui dans l’État de l’Andhra Pradesh (Inde), les brahmanes les proclament d’essence céleste. Surnommé « le fruit des étoiles », le diamant serait charrié par des sources sacrées.
Il enchâsse les objets religieux les plus vénérés et, paré de toutes les vertus, devient objet de culte à travers tout le sous-continent, aussi bien chez les hindouistes que chez les bouddhistes. En Égypte, il habille le cœur de l’ankh, cette croix ansée synonyme de vie et attribut de la déesse Isis. Dans la mythologie gréco-romaine, les « larmes des dieux » surplombent les flèches de Cupidon pour enflammer les cœurs d’un amour infini.
Les Dravidiens, peuple indien, utilisent les premiers le diamant comme unité de pesée
Au milieu de cette ferveur mystique, seuls les Dravidiens prêtent une ascendance terrestre au diamant, qui, pensent-ils, pousse dans le sous-sol avant d’être recueilli. Ce peuple du sud de l’Inde sera le premier à utiliser les fèves de caroubier comme étalon de pesée : à la suite de différentes altérations linguistiques, la caroube devient le « carat », universellement établi à 200 milligrammes depuis 1907.
Objet de collection
Représentants des dieux sur Terre, les têtes couronnées font rapidement du diamant le signe extérieur d’un pouvoir qu’ils rêvent tout aussi intemporel. Dès l’Antiquité, la puissance des empereurs et des rois se mesure à la taille des joyaux qu’ils arborent.
Le pape Clément VII meurt après avoir ingéré un médicament à base de poudre diamantifère
Et même si, au Moyen Âge, l’Église chrétienne l’assimile à une amulette païenne à mesure que les Arabes contrôlent les routes caravanières reliant l’Inde à l’Europe, les princes d’Occident se constituent des collections plus prestigieuses les unes que les autres.
Dès le XVIe siècle, la Maison de France met la main sur certaines des plus belles pierres jamais taillées jusque-là, du Bleu de France au Sancy, en passant par le Régent ou le Grand Mazarin. Estimée à plus de 20 millions de francs-or, cette collection donnera lieu en 1887, sous la IIIe République, à l’une des plus fabuleuses ventes aux enchères de l’Histoire.
Malédictions
Symbole de bravoure pour les grands de ce monde, le diamant est aussi censé conférer virilité et pureté. Pline l’Ancien assure qu’il « neutralise les poisons ». Une croyance qui traverse les époques, jusqu’à ce que le pape Clément VII meure, en 1534, après avoir ingéré un médicament à base de poudre diamantifère. Il n’est ni le premier ni le dernier à s’être laissé subjuguer au point d’y laisser la vie…
L’Afrique assure à elle seule les deux tiers de la production mondiale de carats
L’Histoire est jonchée de cadavres de propriétaires éphémères de ces joyaux d’exception, emportés par une sorte de malédiction : le Blue Hope aurait conduit à leur perte un maharadjah et son fils, puis toute une lignée de banquiers anglais et accéléré la disgrâce du surintendant Nicolas Fouquet, qui l’avait loué un soir de bal ; le Koh-i-Noor aura justifié l’invasion du Pendjab par les Anglais (1849) et l’Orloff, brisé le cœur de plusieurs princes russes. De quoi nourrir la légende d’une pierre aux multiples facettes, maléfique ou bénéfique selon les circonstances.
Diamants de sang
L’Afrique à son tour se laisse aveugler par cet « éclat cruel » dont parle le romancier Rudyard Kipling. Depuis 1870 et la découverte des premiers pipes sud-africains, puis celle des gisements alluvionnaires du Congo, le continent assure à lui seul les deux tiers de la production mondiale de carats.
Assise sur son monopole jusqu’en 2011, « la » De Beers aura été l’une des plus belles réussites financières et capitalistiques du XXe siècle. Mais les diamants africains exhalent parfois un parfum de soufre… Les cadeaux, aussi étincelants qu’empoisonnés, de l’empereur Bokassa ternissent encore la réputation de l’ex-président Giscard d’Estaing.
Tandis que celle du mannequin Naomi Campbell reste éclaboussée du sang de « l’énorme diamant » sierra-léonais que des sbires de Charles Taylor lui avaient offert, au nom de leur chef, à la fin d’une soirée.
Kimberley, une ville symbolique
Et, de la guerre des Boers aux conflits qui ont ravagé de manière récurrente l’Angola et la RD Congo, ou ruiné le Liberia et la Sierra Leone au tournant du XXIe siècle, cette pierre précieuse aura financé les conflits qu’elle contribuait à allumer.
Des fortunes colossales jaillissent des puits du Kimberley
Jusqu’à ce que, le 30 avril 2003, un traité international, signé à Kimberley sous l’égide de l’ONU, mette un terme au trafic mondial de ces « diamants du sang ». À Kimberley… Comme un retour aux sources, puisque c’est dans les environs de cette petite ville qu’avait été découvert, en 1867, l’Eureka, le premier diamant sud-africain, et que, vingt ans plus tard, Cecil Rhodes allait jeter les bases de l’empire De Beers, faisant entrer l’Afrique dans la course.
Spectre international
Jusqu’au XVIe siècle, la production mondiale provenait exclusivement d’Inde. Des mines de Golconde, si célèbres que, pendant des siècles, on prétendit que les pierres trouvées sous d’autres cieux en étaient originaires, à l’instar des quelques gemmes trouvées sur l’île indonésienne de Bornéo, ou de celles, bien plus nombreuses, venant des gisements brésiliens et qui alimentèrent l’Europe jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle.
À l’heure de la révolution industrielle, l’irruption de l’Afrique du Sud dans le marché mondial provoque un bouleversement. Des fortunes colossales jaillissent des puits – que l’on a longtemps crus inépuisables – du Kimberley. Le diamant était déjà éternel, il devient universel. Il sort des cercles aristocratiques et s’embourgeoise.
L’Afrique, toujours numéro un
En un peu plus d’un siècle, l’Union sud-africaine (devenue république en 1961) construit son développement sur les millions de carats qu’elle exporte aux quatre coins de la planète.
Ses pipes fument un peu moins aujourd’hui, mais la Namibie et le Botswana permettent à l’Afrique de conserver sa place de leader mondial, loin devant la Russie. D’autant que, grâce à sa qualité, la production du continent est bien valorisée sur les Bourses d’Anvers ou de Dubaï.
Podium de carats
Depuis 1905 et la découverte du Cullinan, le plus gros diamant jamais extrait à ce jour (3 160 carats), l’Afrique met régulièrement sur le marché des pierres exceptionnelles par leur taille ou leur couleur. Le Centenary et le Golden Jubilee ont été trouvés près de Pretoria en 1988, le Millenium Star en RD Congo deux ans plus tard.
Et c’est le Botswana qui, depuis quelques années, bat des records. Après les 813 carats du Constellation, une pierre de 1 110 carats a été extraite de la même mine de Karowe en 2015. Le Lesedi la Rona n’a pas encore trouvé preneur, mais il pourrait faire mieux que le Pink Star, qui s’est vendu en 2016 pour la bagatelle de 71,2 millions de dollars.
Précieuse planète !
Découverte par des chercheurs américains en 2004, l’exoplanète 55 Cancri-e, située dans la constellation du Cancer, est deux fois plus grande et neuf fois plus lourde que la Terre.
Recouverte de lave en ébullition, elle aurait pour cœur un diamant géant, qui représenterait un tiers de sa masse et ferait donc trois fois le poids de notre planète !
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles