Côte d’Ivoire : qui sont les femmes les plus influentes sur la scène politique?
Si elles se font peu à peu une place dans un monde essentiellement masculin, leur ascension ressemble bien souvent à un parcours du combattant. Jeune Afrique braque les projecteurs sur ces fortes personnalités qui tentent de faire bouger les lignes.
Côte d’Ivoire : les 20 femmes politiques les plus influentes
Elles sont ministres ou simples militantes, mais toutes ont décidé de se faire une place dans un monde politique essentiellement masculin. Portrait de 20 femmes puissantes.
La scène se passe à Abuja, en septembre. Des parlementaires venus de toute l’Afrique de l’Ouest participent à un séminaire. La rencontre suit son cours quand un imam prend la parole et s’emporte. « Si l’extrémisme religieux s’est autant répandu, c’est d’abord parce que les femmes ont décidé de faire de la politique. »
Bouche bée, la grande majorité de l’assistance n’en revient pas. D’autres, plus silencieux, semblent acquiescer. Tout un symbole. Car dans la sous-région, si la place de la femme dans la sphère politique s’est considérablement améliorée ces dix dernières années, les progrès à réaliser restent immenses. La présidente sortante du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, demeure une exception.
9 ministères sur 36 occupés par des femmes
La Côte d’Ivoire ne déroge pas à la règle. La nomination d’Henriette Dagri Diabaté à la tête du Rassemblement des républicains (RDR) est un peu l’arbre qui cache la forêt, tant les femmes sont encore rares à ces postes à hautes responsabilités.
Petit à petit, au Parlement comme au gouvernement, elles se sont fait une place, mais dans des proportions encore bien trop faibles – leur pourcentage à l’Assemblée nationale n’est passé que de 8 % à 11 % depuis 1975. Au sein de l’exécutif ivoirien, les femmes ont fait leur apparition à partir de la fin des années 1970. En 2015, elles occupaient 9 ministères sur un total de 36. Un record.
Obstacle culturel
« Depuis plusieurs années, les femmes ont pris conscience qu’elles peuvent se positionner, avoir des ambitions et briguer des postes politiques. Néanmoins, il y a encore de nombreuses contraintes », résume Colette Koné, adjointe au maire de Cocody.
Car aujourd’hui, malgré l’évolution de la société, les barrières, notamment culturelles, persistent dans le monde politique, où la féminité est encore perçue comme une faiblesse. Publiquement saluée, la nomination d’Henriette Dagri Diabaté a dans le même temps été raillée sur les réseaux sociaux par certains militants.
Encore discriminées
« La manière dont fonctionnent actuellement les partis politiques ne permet pas aux femmes d’évoluer dans l’appareil », juge la députée Yasmina Ouégnin. Au sein des grandes formations, elles ont pourtant toujours été de grandes mobilisatrices.
Elles ont d’ailleurs longtemps été cantonnées à ces rôles, sans avoir la possibilité de s’en émanciper. « Traditionnellement, la femme commande la famille, tandis que l’homme la représente dans la société », explique Henriette Diabaté. Cette vision évolue, mais son empreinte est toujours présente.
Faire de la politique à un haut niveau, c’est accepter de ne plus avoir de vie privée », selon Belmonde Dogo
« Il y a beaucoup de résistances. Beaucoup d’hommes politiques nous méprisent », affirme une députée, confiant que lorsqu’elle a voulu se présenter à ce poste, contre la volonté des barons de son parti, on la traitait de « petite fille ».
Moqueries, coups bas, parfois même harcèlement sexuel et menaces de viol sont régulièrement évoqués en privé. Résultat, les femmes sont encore hésitantes à affronter leurs homologues masculins, et la classe politique féminine semble avoir du mal à se renouveler.
Des reponsabilités pas acceptées
Si beaucoup sont encore réticentes à se lancer, c’est aussi que les sacrifices à consentir sont lourds. « Faire de la politique à un haut niveau, c’est accepter de ne plus avoir de vie privée. À un moment donné, nous devons faire des sacrifices, notamment familiaux. Dans le couple, c’est parfois difficile. Nos hommes estiment que c’est à nous de nous occuper des enfants, du repas. Quand tu as une réunion le soir, ton mari te demande pourquoi tu rentres si tard », raconte Belmonde Dogo, l’une des vice-présidentes de l’Assemblée nationale.
Les femmes rencontrent plus de difficultés pour emprunter, les banques craignant souvent qu’elles échouent
« Il arrive que des femmes préfèrent ne pas accepter un poste à responsabilités car elles ont peur d’affronter la réaction de leur mari », poursuit Véronique Aka, présidente PDCI du conseil régional du Moronou.
« Au sein des familles, contester la supériorité d’un homme est souvent vu comme quelque chose d’impoli. Les parents de mon mari ne comprenaient pas que je puisse me présenter contre un homme », confirme une pensionnaire de l’Assemblée nationale.
La barrière financière
Autre obstacle de taille : les femmes disposent généralement de ressources financières plus limitées pour entrer en politique. Elles rencontrent par exemple plus de difficultés pour emprunter, les banques craignant le plus souvent qu’elles échouent. Sur ce point, le rôle de l’État ou des partis politiques est primordial.
Des efforts sont faits, mais ils sont encore insuffisants. En 2011, le gouvernement ivoirien a alloué 1 million de F CFA (1 500 euros) à toutes les candidates aux élections législatives. « Quand on sait qu’une campagne coûte entre 20 et 200 millions, on est loin du compte », juge une députée, qui concède que de nombreuses femmes politiques ont réussi à percer car elles bénéficiaient déjà d’une assise financière.
Imposer un quota de 30%
La nouvelle Constitution introduite fin 2016 s’engage à faire « la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d’accès à la représentation dans les assemblées élues ». Une majorité d’observateurs estiment néanmoins que l’État doit aujourd’hui aller plus loin.
Soutenue par l’ONU et des associations de femmes, la ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Protection de l’enfant, Mariatou Koné, œuvre actuellement pour qu’un projet de loi sur la parité soit rapidement présenté au Parlement.
Toutes militent notamment pour qu’un quota de 30 % soit imposé dans les sphères nominatives et décisionnelles. « C’est la seule solution pour faire changer radicalement la donne », conclut Henriette Dagri Diabaté.
Faire avancer ce débat relève aussi de la responsabilité de la sphère médiatique. C’est la raison pour laquelle Jeune Afrique a décidé de présenter cette semaine à ses lecteurs une sélection – non exhaustive – de femmes influentes qui contribuent à changer, petit à petit, le visage de la politique ivoirienne.
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