Universités privées : « Les pays africains sauront retenir leurs talents », assure Luis Lopez

Le fonds britannique Actis a lancé Honoris United Universities, un réseau universitaire privé destiné à s’étendre sur tout le continent. Son PDG en détaille la philosophie.

Lors de la cérémonie officielle du lancement d’Honoris, le 13 juillet, à Londres. © honoris united universities

Lors de la cérémonie officielle du lancement d’Honoris, le 13 juillet, à Londres. © honoris united universities

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 1 novembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Cours d’informatique avec des élèves de l’école Rhodes Park School, Lusaka, Zambie. © GTP Zambia Team 2_resize/Flickr
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Focus : les investisseurs privés qui misent sur l’emploi et la formation en Afrique

Alors qu’Actis vient d’annoncer le lancement d’Honoris United Universities, un réseau d’universités privées qui a vocation à tisser sa toile sur tout le continent, focus sur ces instituts privés qui investissent sur un marché plein d’avenir.

Sommaire

Après avoir investi 500 millions de dollars (environ 424 millions d’euros) dans l’éducation privée de pays émergents comme la Chine ou le Brésil, le fonds britannique Actis a lancé en juillet le réseau Honoris United Universities sur le continent africain, qui regroupe sept établissements du Maghreb et d’Afrique du Sud (27 000 étudiants, 48 campus dans 30 villes).

Perspective panafricaine

On y compte l’université Mundiapolis de Casablanca, dans laquelle il a investi 100 millions dollars (85 millions d’euros) en 2016, l’École marocaine des sciences de l’ingénieur (EMSI), rachetée cette année, l’Université centrale, en Tunisie, acquise en 2014, l’Institut maghrébin des sciences économiques (IMSET), l’Académie d’art de Carthage, auxquels s’ajoutent deux acteurs sud-africains de l’enseignement à distance, Mancosa et Regent Business School.

Nous investirons là où il y a le plus de besoins : la santé, l’entrepreneuriat, l’ingénierie

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Valeur totale des actifs : 275 millions de dollars. Pariant sur une explosion des besoins du continent en matière d’éducation, le réseau Honoris United Universities entend se développer plus avant en Afrique subsaharienne, à la fois avec des campus et de l’enseignement à distance, en formant des étudiants dans une perspective panafricaine. Sans dévoiler le montant de ses investissements futurs, son président-directeur général, Luis Lopez, nous en détaille la philosophie.

Jeune Afrique : Vers quoi se dirigeront en priorité vos investissements ?

Luis Lopez : Nous investirons tout d’abord dans nos programmes, en misant sur l’innovation, afin d’améliorer les performances de nos élèves une fois leurs diplômes obtenus. Par exemple, les cours de business traditionnels doivent s’intégrer aux problématiques de l’économie digitale.

Nous investirons ensuite là où il y a le plus de besoins en compétences : dans les secteurs de la santé, l’entrepreneuriat, l’ingénierie. Idéalement, nous pourrions être présents dans chacun des cinquante-quatre pays du continent.

Nous comptons passer de 27 000 à 100 000 étudiants au cours des cinq prochaines années

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Nous travaillons maintenant à lancer un MBA global depuis nos deux institutions sud-africaines, Mancosa et Regent Business School, qui sera axé sur l’Afrique. Notre MBA sera disponible sur différents marchés, car nous visons à rendre accessibles les mêmes compétences au nord et au sud.

L’Afrique subsaharienne n’est pas encore présente dans votre réseau. Les opportunités n’y sont-elles pas assez mûres ?

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Nous regardons du côté de la Côte d’Ivoire, du Sénégal mais aussi vers le Kenya et l’Égypte, car ce sont les zones les plus prometteuses en matière de croissances démographique et économique. Nous avons déjà beaucoup d’étudiants originaires de ces pays, c’est donc là que nous aurons besoin d’élargir le plus notre présence.

Nous sommes en train d’y étudier les besoins économiques et la catégorie d’étudiants que l’on pourrait toucher. Nous avons un certain nombre de projets encore en discussion. Nous ne nous implanterons pas seuls. Nous comptons bénéficier d’une expertise locale et grandir avec un partenaire, soit par joint-venture, soit par acquisition.

Y a-t-il assez de professeurs pour répondre à vos besoins ?

Nous sommes suffisamment pourvus pour répondre à nos besoins actuels. Mais, pour répondre aux exigences futures – nous comptons passer de 27 000 à 100 000 étudiants sur le continent au cours des cinq prochaines années –, nous devons investir et travailler main dans la main avec les gouvernements pour trouver des solutions. Nous pourrions aussi faire venir des professeurs de l’étranger.

L’EMSI a été intégrée à votre réseau. Dans quelle direction allez-vous investir pour développer cette institution ?

L’EMSI est très bien implantée à Casablanca. Elle devrait accentuer plus encore sa présence à Marrakech, et nous devons lui offrir l’opportunité d’être plus forte au-delà. Nous pourrions la développer en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, soit en attirant des élèves, soit en trouvant un partenaire dans ces régions.

Les classes moyennes émergentes vont développer ces économies

Elle bénéficie d’un très haut niveau d’infrastructures, de technologies. Et, au-delà du secteur traditionnel de l’ingénierie, on doit la pousser davantage vers les technologies vertes, l’énergie, les smart cities, « l’économie du XXIe siècle », et la rendre plus accessible au reste du réseau.

Ne craignez-vous pas de former des diplômés qui par la suite seront recrutés ailleurs qu’en Afrique ?

C’est dans la nature des choses que des diplômés africains soient appelés sur d’autres marchés. Il y a un besoin de mobilité croissant dans le monde entier, c’est vrai en Chine comme au Brésil. Les économies africaines s’industrialisent, diversifient leurs services.

Les classes moyennes émergentes vont développer ces économies. Les familles dépenseront plus pour offrir à leurs enfants une bonne éducation. Ces économies en croissance devront retenir leurs talents.

Ne pensez-vous pas qu’à diplôme égal une entreprise internationale préfère un Européen ou un Américain ?

Un bon employeur ne regarde pas la nationalité, mais l’adéquation entre une mission et des compétences.

L’arrivée de capitaux privés dans l’éducation ne va-t-elle pas creuser le fossé entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas ?

L’introduction de capitaux privés dans la zone est aussi motivée par la présence d’Actis. Nous avons besoin d’un système équitable avec une éducation publique accessible et de qualité, ainsi que d’une éducation privée qui réponde aux exigences économiques.

Il faut un système qui s’adresse à ceux qui peuvent payer comme à ceux qui ne le peuvent pas

Quand vous avez une population aussi jeune, dont le poids ne va cesser de grandir, et autant de capitaux investis dans l’industrie, vous devez trouver un grand nombre de solutions. Et vous avez surtout besoin d’un système qui s’adresse à ceux qui peuvent payer comme à ceux qui ne le peuvent pas.

L’entrée d’investisseurs étrangers dans l’éducation en Afrique ne signe-t-elle pas un échec des États ?

L’État tient une place très importante dans les économies émergentes, il s’occupe des questions de retraite, de santé… Il ne peut pas tout financer. C’est pourquoi le privé existe. Il faut penser en termes de performance. Vous avez besoin de mobiliser public et privé pour bénéficier d’un bon système éducatif.

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