Yambo Ouologuem au-delà du Devoir de violence : langue d’amour et amour de la langue

Reclus à Sévaré, l’écrivain malien Yambo Ouologuem y est mort le 14 octobre dernier. Il s’était saisi du français à bras-le-corps pour une étreinte qui ne lui fut pas pardonnée.

Yambo Ouologuem © Capture d’écran/Youtube

Yambo Ouologuem © Capture d’écran/Youtube

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Publié le 1 novembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Julile I Parktown, Johannesburg, 2016 © Zanele muholi, courtesy of Stevenson and Yancey Richardson
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Alors que l’affaire Harvey Weinstein a – en partie – libéré la parole des victimes de harcèlement et de violences sexuelles, Jeune Afrique se penche sur le regard que les artistes, écrivains, cinéastes ou plasticiens, portent sur le corps. Le leur, et celui des autres.

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Depuis longtemps déjà, l’écrivain malien avait pris ses distances avec un monde médiatique qui, du jour au lendemain, chérit puis excommunie avec la même déconcertante facilité. Le 14 octobre dernier, l’auteur du Devoir de violence est mort à Sévaré, où il s’était retiré depuis plusieurs années. Il avait 77 ans.

Ressassé à l’envi, son destin est aujourd’hui mieux connu que son œuvre : la consécration avec le prix Renaudot, obtenu en 1968, presque aussitôt suivie d’une exécution sur la place publique, par journaux interposés. Scandale ! Le jeune auteur aurait plagié ses pairs, en l’occurrence Graham Greene (It’s a Battlefield) et André Schwarz-Bart (Le Dernier des justes). Lui parle de guillemets ayant disparu entre le manuscrit original et le livre édité…

Peut-être le crime de Ouologuem est-il plus politique que littéraire ?

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Mais, au-delà de la pure question littéraire, le texte a tout pour déplaire, puisqu’il s’en prend violemment aussi bien aux anciennes puissances coloniales qu’aux systèmes préexistants et aux valets qui se sont installés au pouvoir après les indépendances. Peut-être le crime de Ouologuem est-il plus politique que littéraire ? Quoi qu’il en soit, la polémique et la réclusion de l’auteur l’entourent d’une sulfureuse et mystérieuse aura.

Auteur sous pseudonyme

Aujourd’hui encore, l’écrivain Ouologuem reste à découvrir au-delà du Devoir de violence. On connaît de lui sa Lettre à la France nègre, mais il faudrait sans doute s’intéresser de près à ses pseudonymes : Nelly Brigitta et Utto Rudolf.

« L’année même du Devoir de violence, en 1968, lui qui écrit depuis ses premières années d’études a déjà publié, sous le pseudonyme de Nelly Brigitta, un roman pour midinettes, Le Secret des orchidées, dans une collection intitulée “Romanesque” aux éditions parisiennes du Dauphin », affirment Sami Tchak et Jean-Pierre Orban dans leur préface aux Mille et Une Bibles du sexe, livre érotique à la facture sadienne, publié en 1969 et qu’ils ont réédité en 2015.

Une liberté pionnière

Ce que Ouologuem avait osé alors, personne en Afrique ne l’a osé depuis avec la même ébouriffante vigueur. « Peut-on accepter sans réticence d’un Africain noir qu’au lieu de produire une littérature ethniquement typique il investisse pleinement un des terrains littéraires les plus marqués, celui le style fait passer un contenu du pornographique à l’érotique, où la transgression s’opère par le mot davantage que par le geste décrit ? » se demandent très justement Tchak et Orban. La question n’a rien perdu de son actualité.

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