Maroc : quand Mohammed VI manie la guillotine politique
Les dix hauts responsables limogés ou désavoués par le roi du Maroc, Mohammed VI, ne devraient plus jamais assurer de fonction officielle.
Maroc : le séisme comme outil politique
Tombées comme un couperet à la lumière du rapport sur l’exécution des projets d’Al Hoceima au Maroc, les sanctions extrêmement sévères décrétées par Mohammed VI illustrent un style de gouvernance aussi maîtrisé qu’imprévisible.
Outre les ministres en fonction limogés, l’onde de choc du séisme d’Al Hoceima a emporté cinq membres de l’ancien gouvernement. Le roi a « décidé de leur notifier sa non-satisfaction pour n’avoir pas été à la hauteur de la confiance placée en eux », indique le communiqué du cabinet royal, qui va jusqu’à signer leur arrêt de mort politique, affirmant qu’« aucune fonction officielle ne leur sera confiée à l’avenir ».
Rachid Belmokhtar, Lahcen Haddad, Lahcen Sekkouri, Amine Sbihi et Hakima El Haité se retrouvent ainsi définitivement bannis du service de l’État. Le même sort est en toute logique réservé aux cinq autres responsables gouvernementaux révoqués, ainsi qu’à l’ancien directeur de l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONEE), Ali Fassi Fihri.
Même si ces personnes gagnent leur légitimité populaire par les urnes, ils ne peuvent plus assister à la cérémonie d’allégeance
« Blacklist »
Un fait inédit qui a même soulevé un débat constitutionnel. « Théoriquement, le chef du gouvernement peut faire appel à l’une de ces personnalités et la nommer à l’un des postes qui relèvent du conseil de gouvernement, nous explique un professeur en droit constitutionnel. Mais politiquement, cela signifierait un bras de fer perdu d’avance avec la monarchie. »
Et pour cause, être banni par le roi, selon les connaisseurs des arcanes du Méchouar, revient à figurer dans la blacklist de tout événement présidé par le souverain. « Même si ces personnes gagnent leur légitimité populaire par les urnes, ils ne peuvent plus, par exemple, assister à la cérémonie d’allégeance (la bay’a) ni à toute autre manifestation chapeautée par le roi dans leur circonscription », ajoute notre source, qui rappelle que « le cas s’était déjà présenté avec Tarek Kabbadje, ancien maire USFPéiste d’Agadir, auquel on avait signifié, en 2011, qu’il n’était pas le bienvenu dans la cérémonie de la bay’a. Et pourtant, il n’avait même pas eu droit à un communiqué du cabinet royal ».
Partis amputés
Cette guillotine politique a eu pour effet de décapiter le Parti du progrès et du socialisme (PPS). Le secrétaire général de cette formation, Nabil Benabdellah, a été révoqué du ministère de l’Habitat, tout comme El Houssein El Ouardi, débranché du département de la Santé, en plus du désaveu infligé à leur ancienne collègue, Amine Sbihi, ministre de la Culture du gouvernement Benkirane.
La seule rescapée des camarades de Nabil Benabdellah est Charafat Afilal, maintenue au poste de secrétaire d’État chargée de l’Eau et dont le sort reste suspendu à la décision du comité central du PPS, qui devait se réunir le 4 novembre au sujet de son maintien ou non au sein de la coalition gouvernementale.
Autre parti lourdement touché par les sanctions royales : le Mouvement populaire (MP). Le parti de l’épi s’est non seulement retrouvé amputé de ses trois anciens ministres, mais aussi de ses nouvelles recrues : les nouvelles stars du dernier mercato gouvernemental, Larbi Bencheikh et Mohamed Hassad, qui avaient rejoint le parti de Mohand Laenser à la veille de la formation du gouvernement El Othmani.
Pourtant, le nom de Mohamed Hassad était souvent évoqué comme futur leader du parti. Certains présentaient ce serviteur de l’État de longue date comme un candidat du Palais pour revigorer le MP. Les voies du Makhzen sont décidément impénétrables…
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