Maroc : retour d’Ilyas El Omari à la tête du PAM
En présidant une réunion du bureau politique du PAM, le 30 octobre, le secrétaire général démissionnaire a signé son retour effectif à la tête du parti. Une volte-face qui nourrit un peu plus les dissensions internes.
Il est de retour, il est de nouveau sur tous les fronts. Réunion du bureau politique du Parti Authenticité et Modernité (PAM) dans la soirée du 30 octobre, rencontre avec des élus de la formation politique dès le lendemain, cérémonie d’inauguration d’un mall à Tanger (dont il préside la région) le surlendemain… Ilyas El Omari occupe le terrain comme pour faire oublier sa vraie fausse démission. Mais le secrétaire général se montre malgré tout avare de déclarations aux médias, laissant à ses proches la délicate tâche de justifier son incroyable volte-face. « Si Ilyas n’a pas retiré sa démission, soutient l’un de ses fidèles. Ce sont les militants qui ont insisté pour qu’il reste et qu’il continue d’assumer ses responsabilités, en attendant de restructurer les instances organisationnelles du parti. »
Après avoir annoncé son départ lors du bureau politique du 7 août, Ilyas El Omari a ainsi repris les manettes du PAM moins de trois mois plus tard. Alors que le communiqué du bureau politique laissait entendre que le parlement du PAM devait simplement entériner sa démission, le conclave, tenu le 22 octobre, a finalement tourné à l’avantage du secrétaire général. Ce point crucial de l’ordre du jour s’est transformé en un simple point d’information.
Une « grotesque mise en scène »
« La question de la démission d’Ilyas El Omari a été bien évidemment le sujet qui a dominé les débats, nous explique Fatima-Zahra Mansouri, présidente du conseil national du PAM. Il y a eu 120 interventions au cours de cette session. Les discussions étaient franches, constructives, et le parti en est sorti gagnant. » Mais le grand vainqueur reste sans doute le secrétaire général démissionnaire, qui a eu droit à un communiqué en forme de plébiscite : « Au vu des défis […] qui attendent notre parti, les membres du conseil national ont exhorté Ilyas El Omari à assumer ses responsabilités jusqu’à la tenue du prochain conseil. » N’est-ce pas ce qu’il cherchait finalement ?
« Si Ilyas nous l’a joué à la “retenez-moi, je suis sur le départ !”, une technique de marchandage propre aux souks, mais indigne du beau projet politique qu’est le PAM », commente un membre du bureau politique, pour qui cette démission a été une « grotesque mise en scène ». Décidé une semaine seulement après un discours royal incendiaire invitant les responsables incapables d’exercer leurs prérogatives en toute autonomie à démissionner, le retrait du secrétaire général du PAM se voulait un exemple à suivre.
Un rôle de facilitateur à Al Hoceima
« Politiquement, je suis concerné par le contenu du discours royal […]. Bien qu’ils soient visés par Sa Majesté le roi, aucun patron d’un établissement public, aucun secrétaire général d’une administration ne s’est remis en question », avait même annoncé Ilyas El Omari lors de la conférence de presse qu’il avait tenue au lendemain de sa démission. Mais celle-ci n’a pas été actée. « Face à l’insistance de M. El Omari, le bureau politique a décidé de soumettre cette décision à l’avis du conseil national », annonçait le communiqué publié à l’issue de la réunion du 7 août.
Ilyas El Omari se sentait alors certainement affaibli : Al Hoceima, sa ville d’origine, grâce à laquelle il a gagné ses galons auprès du sérail pour son rôle de facilitateur, a vécu au rythme du mouvement de contestation sociale le plus violent du règne de Mohammed VI. Le roi a même ordonné une enquête sur Al Hoceima, phare de la Méditerranée, un mégaprojet présenté devant le souverain par le même Ilyas El Omari, quelques semaines seulement après son élection comme président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, en 2015.
Impasse organisationnelle
Deux mois et demi plus tard, Ilyas El Omari renaissait des cendres d’Al Hoceima. Le secrétaire général, qui avait laissé entre-temps sa place à El Habib Belkouch comme patron par intérim, est revenu sur sa décision. Du moins, il ne s’est pas montré aussi insistant devant le conseil national que face à ses collègues du bureau politique. D’autant que la trentaine de membres de la plus haute instance du parti s’est retrouvée otage de cette décision. « Il n’y a rien dans le règlement intérieur qui donne au conseil national le pouvoir de voter une démission du secrétaire général, laquelle relève d’une démarche personnelle, nous explique un dirigeant du PAM. En outre, le départ du secrétaire général implique celui de tout le bureau politique. »
Pour sortir de cette impasse organisationnelle, le conseil national a ainsi décidé de reporter le point de la démission d’Ilyas El Omari à un prochain conseil extraordinaire, qui devrait trancher entre les différents scénarios. « Les possibilités sont nombreuses, mais certaines exigent un réaménagement du règlement interne du parti, nous assure notre source. On peut, par exemple, se contenter d’élire un nouveau secrétaire général ou un nouveau bureau politique au cours d’un conseil national. On peut aussi décider de tenir un congrès extraordinaire pour des élections, qui du coup impliqueront celle d’un nouveau conseil national. »
Au niveau national, le parti est complètement absent des grands débats qui animent la vie politique , regrette un membre du bureau politique
Les solutions préconisées seront arrêtées et proposées par une nouvelle commission créée au sein du PAM. Une direction collégiale composée du secrétariat du conseil national, de quatre membres du bureau politique, d’un représentant par région et bien entendu du secrétaire général, l’incontournable Ilyas El Omari. « Aucune date n’a encore été fixée pour réunir cette instance, nous confie une source du PAM. Le bureau politique a à peine discuté du mode de désignation des représentants des régions et n’a même pas encore tranché quant aux personnalités qui le représenteront au sein de celle-ci. »
Les détracteurs d’Ilyas El Omari déplorent ce blocage organisationnel qui retentit sur le bon fonctionnement de la formation politique. « Même si nous arrivons toujours à nous en sortir au niveau régional, notamment dans les élections partielles, au niveau national, le parti est complètement absent des grands débats qui animent la vie politique », regrette un membre du bureau politique.
Vers un éclatement du parti ?
Pour lui, la mainmise du secrétaire général sur les instances de la formation a eu pour effet de l’affaiblir. Et le retour d’Ilyas El Omari risque de conduire à son éclatement. « La force du PAM est de rassembler des sensibilités différentes pour faire barrage aux conservateurs, souligne notre source. Laisser ce parti otage du seul courant d’Ilyas El Omari est aux antipodes de notre projet politique. »
D’ailleurs, l’hémorragie a déjà commencé dans les rangs des dirigeants. « Vu la tournure prise par les événements, j’ai présenté ma démission du bureau politique », nous explique Abdellatif Ouahbi, qui avait déjà, en début d’année, rendu son tablier de chef du groupe parlementaire du PAM à la Chambre des représentants. D’autres personnalités du bureau politique ont boycotté la réunion du 30 octobre et se préparent, à leur tour, à se mettre en retrait si le futur conseil national extraordinaire permettait au secrétaire général de se maintenir à son poste. Un scénario plus que probable vu le nombre de soutiens que compte Si Ilyas dans un parti qu’il a su remodeler à sa guise.
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