Maroc : au Parti du progrès et du socialisme, gouverner ou mourir
Durement touché par les sanctions royales, l’ex-Parti communiste a décidé malgré tout de rester dans la coalition gouvernementale.
«Rien ! Rien ! Je ne dirai rien ! » La réponse de Nabil Benabdellah à une journaliste lui demandant une réaction après les sanctions royales qui ont particulièrement ciblé le Parti du progrès et du socialisme (PPS) fait le buzz sur les réseaux sociaux : les internautes se sont amusés à détourner la séquence vidéo, rivalisant d’humour pour moquer l’humiliation subie par le secrétaire général du PPS. La veille, Benabdellah s’était fait éjecter du ministère de l’Habitat : il est l’un des trois membres du PPS, avec Houcine El Ouardi (Santé) et Amine Sbihi (ministre de la Culture dans le gouvernement Benkirane), qui ont fait les frais du rapport d’enquête sur les dysfonctionnements ayant marqué l’exécution du projet Al Hoceima, phare de la Méditerranée.
Ce coup dur pour le PPS – la seule rescapée de ce séisme politique est Charafat Afilal, secrétaire d’État chargée de l’Eau – a été difficile à encaisser pour certains dirigeants du parti. Moulay Ismaïl Alaoui, ancien secrétaire général, a été l’un des premiers à appeler au retrait du gouvernement. Mais le comité central, rassemblé le 4 novembre à Salé, a décidé le maintien de la participation à la majorité, sur recommandation du bureau politique. Une décision qui, selon le communiqué publié à l’issue de la réunion, répond à une « demande suprême ».
Décision royale
Selon des sources du parti, le cabinet royal aurait indiqué à Khalid Naciri, ancien ministre de la Communication, que les sanctions ne visaient pas le PPS en tant que parti, mais seulement les ministres concernés. D’ailleurs, en demandant au chef du gouvernement de lui « soumettre des propositions de nomination de nouveaux responsables aux postes vacants », Mohammed VI a laissé toute latitude à Saadeddine El Othmani de reconduire sa majorité actuelle en optant pour un remplacement poste pour poste au profit des mêmes partis. Une offre qu’il s’est empressé de formuler à Nabil Benabdellah au lendemain de la décision royale.
Cette offre, le PPS ne pouvait s’offrir le luxe de la refuser. « Revenir dans l’opposition après le soutien que nous avons affiché au PJD aurait été suicidaire, nous confie un dirigeant du PPS. Le parti n’aurait plus aucune visibilité vu son poids électoral. » Depuis 2011, Nabil Benabdellah a en effet décidé de lier le sort de sa formation à celui du parti islamiste en nouant une alliance contre nature. Il pensait ainsi revigorer l’ex-Parti communiste, en décomposition depuis plusieurs décennies.
Les « bannis de Sa Majesté »
Et cela lui a plutôt bien réussi lors des communales de 2015 (1 766 sièges, soit 664 de plus qu’en 2009), mais pas aux législatives de 2016 : 12 députés, contre 18 en 2011. Malgré ce poids marginal, la fidélité du PPS à Abdelilah Benkirane – dont les éléments de langage comme tahakoum (« mainmise ») ont été repris par le chef de file des progressistes au point de s’attirer les foudres du cabinet royal – a permis au parti de figurer dans la nouvelle coalition gouvernementale.
Nabil Benabdellah garde néanmoins la main. Le comité central lui a donné les pleins pouvoirs pour « gérer la phase actuelle ». Comprendre : c’est à lui que reviendra le privilège de proposer les noms des remplaçants des deux ministres remerciés. Mais les jours du camarade Nabil au poste de secrétaire général n’en sont pas moins comptés. Un congrès national du PPS est prévu pour 2018, et une candidature de Benabdellah serait une hérésie. Faisant partie des « bannis de Sa Majesté », il ne pourra plus prétendre à aucun poste de responsabilité au sein de l’État. Un bannissement incompatible avec le statut de zaïm politique.
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