Afrique du Sud : une situation économique catastrophique
Croissance nulle, chômage au plus haut, l’état du pays inquiète. Le renforcement des contraintes pour les investisseurs ne va rien arranger.
Il y avait quelque chose de pathétique dans le discours prononcé devant l’Assemblée nationale le 25 octobre par Malusi Gigaba, le ministre des Finances sud-africain : le budget de l’État n’est plus capable de répondre aux besoins des citoyens, et il ne sait comment y remédier.
Avec une franchise inhabituelle dans les cercles du pouvoir, ce proche de l’ex-président Thabo Mbeki s’est décidé à décrire la situation économique telle qu’elle est : catastrophique. Après deux trimestres de récession, il reconnaît que la croissance, sans laquelle l’Afrique du Sud ne peut décoller, fait défaut. Après + 0,3 % en 2016, la Banque mondiale table sur une progression médiocre de 0,6 % en 2017 et de 1,2 % en 2018. Malusi Gigaba se désole que la torpeur économique abaisse le revenu par tête depuis deux ans.
L’Afrique du Sud subit les séquelles de l’apartheid
Pas de quoi réduire un chômage de 27,7 %, au plus haut depuis 2003. Pas de quoi non plus réduire une dette publique qui atteindrait 61 % du PIB d’ici à 2022 et absorberait quelque 15 % des recettes budgétaires. Ni de quoi réduire les inégalités, 93 % de la richesse nationale étant détenue par 10 % des Sud-Africains.
« L’Afrique du Sud subit les séquelles de l’apartheid, explique Sébastien C. Dessus, économiste à la Banque mondiale. L’embargo qui lui a été infligé alors a façonné une économie très concentrée, où l’absence de concurrence vaut aux grandes entreprises publiques et privées des rentes incroyables. Son marché du travail est handicapé par un système éducatif qui n’a pas formé de personnel qualifié. La ségrégation spatiale persistante amplifie le chômage, car les habitants des townships se trouvent à trois ou quatre heures de transport des zones d’emploi. »
Clientélisme et corruption
Autre explication du marasme : les entreprises publiques, contre lesquelles le ministre enrage parce qu’elles représentent un risque majeur pour l’État, qui s’est porté garant de leurs dettes. « Comme actionnaire, nous sommes fatigués d’être plongés dans des crises par ceux-là mêmes que nous avons nommés pour piloter des entreprises qui appartiennent à l’État », s’emporte-t‑il. Il annonce recapitalisations onéreuses et coups de balai chez les dirigeants de l’électricien Eskom ou de South African Airways, mais on connaît la propension du régime à nommer des fidèles guère compétents à la tête du secteur public…
Enfin, il y a le manque de confiance généralisé dans l’opinion à cause de la corruption avérée du chef de l’État. Les entrepreneurs ont le moral au plus bas depuis 1994. « Nous avons désespérément besoin du secteur privé », avoue Malusi Gigaba. Mais comment parvenir à rassurer le privé quand le gouvernement annonce, en juin, un nouveau régime minier qui ferait passer de 26 % à 30 % la part détenue par un actionnariat noir dans le capital des sociétés minières, cette proportion étant portée à 50 % pour obtenir de nouveaux permis de prospection ?
Des secteurs monopolisés par les blancs
Soixante pour cent des équipes de direction devraient être noires, et 1 % de leur chiffre d’affaires versé aux communautés. Même épée de Damoclès sur l’agriculture monopolisée par les Blancs, auxquels le gouvernement souhaiterait prendre des terres pour les redistribuer aux Noirs… Deux décisions qui laissent dubitatif alors que l’actionnariat noir dans les mines est limité et qu’il y a peu de paysans noirs.
Pas de rebond à l’horizon, une défiance généralisée, une situation sociale et politique explosive : il ne reste plus au gouvernement qu’à espérer que l’ANC désigne en décembre un candidat à la présidentielle de 2019 capable d’apaiser un pays en ébullition. Faute de quoi la notation internationale de la dette du pays se dégradera encore, et la fuite des capitaux qui s’ensuivra rendra ingérable son économie, pourtant déjà à la dérive…
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