Génération Bouteflika – Islem Houati : « Nous avons perdu une certaine douceur de vivre »

Islem Houati, âgé de 25 ans, est architecte et photographe. Comme les six autres jeunes dont Jeune Afrique vous livre le témoignage, il n’a connu qu’un seul président.

Le quartier de Bab El Oued, à Alger, avait été frappé en novembre 2001 par des inondations qui avaient causé plus de 1 000 morts. © Omar Sefouane pour JA

Le quartier de Bab El Oued, à Alger, avait été frappé en novembre 2001 par des inondations qui avaient causé plus de 1 000 morts. © Omar Sefouane pour JA

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Publié le 5 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Abdelaziz Bouteflika, alors ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme, le 27 septembre 1962. © Archives JA
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Algérie : génération Bouteflika

Ils sont nés dans les années 1990 et n’ont connu qu’un seul président. JA vous livre le témoignage de sept d’entre eux. Leur perception de la vie politique, leurs motifs de satisfaction, leurs déceptions et leurs rêves… Ils se confient sans fard.

Sommaire

« Si je devais choisir une époque pour vivre en Algérie, ce serait certainement les années 1970. C’est étrange, étant donné que je suis né en 1991 et que je ne connais cette période qu’à travers les films, les documentaires, les cartes postales ou les images. Il y a une sorte de douceur qui se dégage de ce que nos aînés décrivent comme l’âge d’or de l’Algérie indépendante.

Retour en arrière

Il y avait une vie artistique et intellectuelle intense et riche. Ce qui me frappe le plus ? La présence de touristes étrangers dans les films algériens des années 1970. S’ils venaient passer leurs vacances dans notre pays, c’était parce qu’il y faisait bon vivre.

Je n’arrive pas à voir mon pays en couleurs. Nos regards et nos rêves sont plutôt grisâtres

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Je ne suis pas étonné que le film le plus populaire reste Les Vacances de l’inspecteur Tahar. La télévision nationale a dû le rediffuser des dizaines de fois. Depuis sa sortie, en 1973, plusieurs séquences ont été coupées au montage pour ne pas montrer des gens en train de boire une bière à la terrasse d’un hôtel ou des femmes légèrement dénudées.

Je suis persuadé qu’on ne peut plus tourner pareil film en Algérie parce que nous avons perdu cette insouciance et cette joie de vivre. Et que la société algérienne est devenue plus conservatrice.

Morosité quotidienne

Nous sommes de grands nostalgiques parce que nous ne sommes pas satisfaits de notre qualité de vie. Je n’arrive pas à voir mon pays en couleurs. Pourtant, le soleil, les lumières et les paysages contrastés ne manquent pas. L’Algérie, je la vois en noir et blanc. C’est sans doute le symbole d’une réalité sombre que je documente à travers mes reportages aux quatre coins du pays.

Beaucoup de photographes de ma génération travaillent en noir et blanc. Au-delà du choix esthétique, j’y vois une certaine vision noire, mélancolique et pessimiste de notre quotidien. C’est triste de l’avouer, mais nos regards et nos rêves ne sont pas en couleur mais plutôt grisâtres.

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Le choix de l’expatriation

Je n’avais jamais songé à quitter mon pays. J’y vivais bien et, matériellement, je ne manquais de rien. En septembre dernier, j’ai décidé de sauter le pas en m’inscrivant dans une école de photographie du nord de la France. Il est encore trop tôt pour dire si je vais y rester ou retourner au pays.

Une chose est sûre : je ressens une grande différence entre hier et aujourd’hui. J’ai fait cinq années d’études en architecture à Alger. Ce fut une vraie galère tant les conditions de travail étaient déplorables. Maintenant, je me rends compte que je peux progresser, m’épanouir dans mon activité et envisager plus sereinement l’avenir. »

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