Hydrocarbures : Kosmos Energy se lance en Guinée équatoriale
Le texan à l’origine des plus grandes découvertes d’hydrocarbures ouest-africaines depuis 2007 s’attaque aussi à l’Afrique centrale. Retour sur les clés de sa réussite.
Après le Ghana, le Sénégal et la Mauritanie, l’américain Kosmos Energy espère faire de la Guinée équatoriale son prochain succès exploratoire. Le 26 octobre, le groupe dirigé depuis Dallas par Andrew Inglis, PDG, et par Brian Maxted, directeur de l’exploration, a annoncé la signature d’accords de partage de production avec Malabo pour trois blocs offshore situés au large de l’embouchure du Rio Muni, dans le sud du pays.
Célèbre pour sa découverte en 2007 du gisement de Jubilee, au Ghana – un réservoir de quelque 600 millions de barils de brut qui a mis l’Afrique de l’Ouest sur la carte pétrolière –, Kosmos energy a réitéré sa performance neuf ans plus tard.
À la fin de 2016, il a mis au jour le complexe gazier de Grand‑Tortue, qui pourrait recéler quelque 50 000 milliards de pieds cubes, à cheval sur la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie. Une nouvelle découverte qui devrait permettre à ces deux pays d’entrer dans le cercle des pays producteurs en 2021.
Miser sur la qualité des forages
Pour Thomas Golembeski, porte‑parole de la compagnie, aussi active au Maroc et à Saõ Tomé-et-Príncipe, où elle poursuit des projets d’exploration, ses succès reposent sur la poursuite de la même stratégie depuis sa fondation, en 2003 : « Nous nous positionnons sur des zones dites des marges de l’Atlantique, situées en offshore profond, entre l’Amérique et l’Afrique, sous-explorées, de préférence dans des pays sans expérience pétrolière importante, notamment en Afrique de l’Ouest, explique Thomas Golembeski.
Pour obtenir un taux élevé de succès, nous nous appuyons sur notre connaissance du modèle géologique, explique Thomas Golembeski
Et nous ne forons chaque année que trois ou quatre puits d’exploration dans le monde, soit bien moins que nos concurrents, qui en font généralement plus d’une dizaine par pays. Pour obtenir un taux élevé de succès, nous nous appuyons sur notre connaissance du modèle géologique et notre approche non conventionnelle. »
Et le porte-parole de faire valoir qu’à Jubilee, Kosmos a fait mouche dès le premier puits, quand plus de 75 forages avaient été tentés dans l’offshore ghanéen par d’autres compagnies.
Uniquement de l’exploration
La compagnie texane, qui ne compte que 260 salariés dans le monde – 190 aux États-Unis et 70 en Afrique –, se définit avant tout comme une junior d’exploration et non de production, à la différence de son partenaire et concurrent Tullow Oil, qui joue sur les deux tableaux.
« Notre travail est de dénicher des gisements de classe mondiale, puis de transmettre le projet à un géant du secteur, capable, avec son armée d’ingénieurs et ses ressources financières, de prendre en charge son développement jusqu’à son entrée en production. Nous gardons une part minoritaire du projet, ce qui nous permet de financer d’autres projets d’exploration », indique Thomas Golembeski.
Alliances dangereuses
En réalité, le succès du groupe n’est pas allé de soi. Au Ghana, le plan de s’allier avec le compatriote texan ExxonMobil, envisagé initialement par Kosmos peu après la découverte de Jubilee, a fait chou blanc, du fait de l’élection à la tête du pays de l’opposant John Atta Mills, en 2009. La major américaine, rétive au risque politique, craignait que la proximité de Kosmos avec l’ex‑président John Kufuor – et des accusations de corruption – ne mette en danger sa convention.
La junior d’exploration a donc dû faire face seule aux accusations et atermoiements du nouveau régime, avec lequel elle a finalement renégocié son contrat, avant de s’allier avec un partenaire plus modeste, le britannique Tullow Oil, qui détenait des permis adjacents à Jubilee et qui en est devenu l’opérateur.
Notoriété assurée
Si le démarrage de l’exploitation s’est fait sans problème à la fin de 2010, des incidents techniques en 2015 et en 2016 ont entraîné une importante baisse de la production du gisement. Le projet extractif, dont Kosmos détient toujours 24,1 % des parts, n’a atteint son pic de production de 120 000 barils par jour que récemment.
Les résultats financiers de Kosmos sont dans le rouge depuis des années
À Grand-Tortue, en revanche, l’arrivée aux côtés du texan du britannique BP – qui a pris 62 % du projet transfrontalier pour 1 milliard de dollars en décembre 2016 – s’est effectuée sans anicroche, du fait d’un climat politique plus apaisé au Sénégal et en Mauritanie, mais aussi de la notoriété désormais établie de Kosmos Energy, qui garde 28 % du projet et conserve la charge de l’exploration dans la zone.
Un déficit de 283 millions de dollars
Pour autant, malgré le succès de ces partenariats, avec les démarrages mouvementés des champs pétrolifères ghanéens, les résultats financiers de Kosmos sont dans le rouge depuis des années. Faute de cash-flow issu de la production, la junior texane, qui a continué à dépenser pour l’exploration, est structurellement déficitaire.
En 2012, elle affichait déjà 67 millions de dollars de pertes. La chute des cours et les problèmes de production de Jubilee ont aggravé sa situation. En 2016, elle enregistrait un résultat négatif record de 283 millions de dollars. La mise en exploitation des champs gaziers sénégalo-mauritaniens ne devant pas intervenir avant 2021, la compagnie ne va pas sortir du rouge de sitôt.
Hausse en bourse
Reste que les investisseurs ne sont pas inquiets pour l’avenir de Kosmos, dont le cours à la Bourse de New York a progressé fortement (+ 58 % depuis un an) après l’annonce de l’accord avec BP.
Dans la présentation de leurs derniers résultats du troisième trimestre de 2017 – accusant encore une perte de 50,2 millions de dollars –, la direction de Kosmos préférait parler de la croissance de la valeur de l’entreprise et de son faible endettement plutôt que de ses résultats opérationnels, déficitaires pour quelques années encore.
Retour en Guinée-Équatoriale
À la différence de leurs autres projets, les nouvelles aventures équato-guinéennes de Kosmos ressemblent pour certains de ses dirigeants à un retour aux sources. Les cofondateurs Brian Maxted et James Musselman ont par le passé déjà exploré le sous-sol du pays pour Triton Energy, une autre junior d’exploration texane.
Cette dernière leur a permis de découvrir le fort potentiel africain, mais, à la suite de sa revente pour 3,2 milliards de dollars à Hess Corporation, ils la quittèrent en 2001. Ce qui leur donna néanmoins les moyens de fonder Kosmos en 2003.
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