France : comment Macron veut s’imposer sur la scène internationale
Il joue les médiateurs au Moyen-Orient, s’attache à contrer les climatosceptiques et à relancer une Union européenne à la dérive. Il y a quelques jours, il était sur le continent africain… Présent sur tous les fronts, le président français vise le leadership de l’Occident. Pour le moment, il s’en sort plutôt bien.
C’était en avril dernier, avant son élection. « Si vous êtes élu, certains ne vont-ils pas chercher à vous intimider ? » lui demande RFI, en allusion à son jeune âge, 39 ans. Réponse d’Emmanuel Macron : « Beaucoup ont tenté de m’intimider. Comme dirait Michel Audiard, il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes. »
En réalité, ce bon mot n’est pas du dialoguiste Audiard, mais des humoristes Chevallier et Laspalès. Qu’importe. Cette citation montre une volonté. Et, dès le 25 mai, lors de sa première rencontre avec Donald Trump, le président français a échangé une poignée de main musclée qui en dit long sur son désir de jouer dans la cour des grands.
Les grands moyens
Sa méthode ? User de symboles historiques forts pour mieux faire passer des messages qui fâchent. À Versailles, le 29 mai, pour le 300e anniversaire de la visite du tsar Pierre le Grand, il déroule le tapis rouge à Vladimir Poutine tout en l’admonestant sur les droits de l’homme en Russie.
Sur le site du Vél’ d’Hiv, le 16 juillet, à l’occasion du 75e anniversaire de la rafle des Juifs de Paris, il accueille le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, tout en dénonçant « la poursuite des constructions dans les colonies » de Cisjordanie. Depuis sa marche théâtrale dans la cour du Louvre, le soir de son élection, Macron le showman soigne ses mises en scène et pratique l’électrochoc avec un grand sourire.
Tenir tête à Trump
Il y a aussi chez Macron une agilité de trader. À peine Donald Trump a-t-il annoncé que les États-Unis se retiraient de l’accord de Paris sur le climat que le jeune président invite, dans une vidéo en anglais, les chercheurs américains à venir travailler en France. Au passage, il se paie Trump en détournant son slogan de campagne par un cinglant « Make our planet great again ».
Macron cultive une relation de proximité avec Angela Merkel
L’Américain se vexe-t-il ? Non. Au contraire, quelques semaines plus tard, le 14 juillet, il accepte l’invitation de Macron à venir assister au défilé militaire sur les Champs-Élysées et déclare aux journalistes français : « You’ve got a great president, now » (« Maintenant, vous avez un grand président ») – ce qui n’est pas très aimable pour l’ex-président Hollande. Le nouveau chef de l’État français a senti que son homologue avait besoin de rompre son isolement. Il a acheté la valeur Trump à la baisse.
Défenseur de l’Europe
« Je suis le seul candidat proeuropéen, c’est mon identité », disait-il avant son élection. Aujourd’hui, Emmanuel Macron fait du renforcement de la zone euro la priorité de sa politique étrangère. Pour cela, il a lancé les réformes économiques – code du travail, coupes budgétaires, etc. – que Bruxelles réclamait à François Hollande depuis des années.
Si les eurosceptiques prennent le pouvoir à Berlin, son grand projet de gouvernement économique européen tombera à l’eau
Dans un discours fleuve à la Sorbonne, le 26 septembre, le nouveau président a plaidé pour « la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique ». Revendiquant l’héritage de De Gaulle, il veut retrouver « l’esprit pionnier » qui a conduit, en 1963, à la signature du traité d’amitié franco-allemand. Coups de téléphone en anglais au moins une fois par semaine, échanges de SMS pendant les longues séances du Conseil européen… Macron cultive une relation de proximité avec Angela Merkel.
Problème : depuis les élections du 24 septembre, la chancelière est sur la sellette. La France n’a « pas intérêt à ce que ça se crispe [en Allemagne] », reconnaît le président français, qui sait que, si les eurosceptiques prennent le pouvoir à Berlin, son grand projet de constituer un gouvernement économique de la zone euro tombera dans les eaux du Rhin.
Libye, tentative de rapprochement
« La France parle avec tout le monde », aime à dire Emmanuel Macron. Le 25 juillet, à La Celle-Saint-Cloud, près de Paris, il est parvenu à réunir les deux frères ennemis de Libye, Fayez al-Sarraj, le chef du gouvernement « d’union nationale », et le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays. Mais aujourd’hui, personne ne croit sérieusement à la tenue d’élections, comme promis, au printemps 2018.
Dans le bras de fer entre l’Arabie saoudite et l’Iran, le chef de l’État français tente une médiation à haut risque
Autre champ de bataille où Macron veut se poser en médiateur, la Syrie. Dans la continuité du dernier François Hollande, celui de 2016-2017, le nouveau président ne fait plus de la chute du régime Assad un préalable au règlement de la crise. Mais, pour l’instant, ses efforts pour créer un groupe de contact sur la Syrie ne donnent rien.
Dé-diaboliser l’Iran
En fait, c’est surtout dans le bras de fer entre l’Arabie saoudite et l’Iran que le chef de l’État français tente une médiation à haut risque. À la différence de Trump, il essaie de ne pas choisir le camp sunnite contre le camp chiite. Depuis que le président américain veut dénoncer l’accord nucléaire avec l’Iran, il le met en garde en disant : « Ne faites pas de l’Iran une nouvelle Corée du Nord. »
Il envisage même une visite à Téhéran « le moment voulu », ce qui serait une première depuis l’arrivée des mollahs au pouvoir. Et le 19 septembre, lors de l’assemblée générale de l’ONU à New York, Trump lui a carrément demandé de le mettre en relation avec Hassan Rohani. Finalement, le président iranien a décliné l’offre de rencontre.
Le Liban épaulé, l’Iran vexé
Depuis que le Liban est au cœur de ce bras de fer entre Riyad et Téhéran, la France, alliée historique du pays du Cèdre, a du mal à garder une position équidistante. Ces dernières semaines, quand l’Arabie saoudite a voulu pousser à la démission le Premier ministre libanais, suspect de mollesse face au Hezbollah pro-iranien, Emmanuel Macron s’est démené pour sauver le fauteuil de Saad Hariri.
Pour gagner la confiance des Saoudiens, Jean-Yves Le Drian a dû dénoncer « la tentation hégémonique » de l’Iran
Quelques jours après une escale surprise à Riyad, il a convaincu Mohamed Ibn Salman, le fougueux prince héritier d’Arabie saoudite, de laisser Hariri quitter le territoire saoudien. Après un petit détour par Paris, le Premier ministre a pu rentrer à Beyrouth sans encombre.
À première vue, c’est un joli coup diplomatique, mais, pour gagner la confiance des Saoudiens, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dû, lors d’une conférence de presse à Riyad, dénoncer « la tentation hégémonique » de l’Iran, ce qui, bien sûr, a déclenché les foudres de ce pays. Aujourd’hui, Emmanuel Macron continue tout de même de croire qu’une visite à Téhéran est possible…
Leader du monde occidental ?
Donald Trump l’imprévisible, Theresa May la « brexiteuse », Angela Merkel la chancelière affaiblie… Au moment où les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne traversent une passe difficile, la France d’Emmanuel Macron est tentée de prendre le leadership du monde occidental. Au risque de paraître arrogante.
Ce 12 décembre, deux ans après la conférence de Paris, la France accueillera un nouveau sommet sur le climat, avec une centaine de délégations venues du monde entier. Macron veut stopper net la contre-offensive de Trump et des climatosceptiques, tout en apparaissant, aux côtés de son ministre Nicolas Hulot, comme le sauveur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
Comme s’il était le porte-parole de l’Union européenne, il vient d’ailleurs de demander à cette dernière de compenser l’arrêt du financement du Giec par les États-Unis.
Une forte personnalité
L’an prochain, le chef de l’État français veut aussi organiser une grande conférence internationale pour lutter contre le financement du terrorisme. Le 9 novembre, Macron a fait la une du magazine Time sous le titre : « Le prochain leader de l’Europe… Encore faudrait-il qu’il arrive à diriger la France ».
Le jeune président – le premier de l’histoire de France qui parle anglais couramment – intéresse les grands médias internationaux. Six mois après son arrivée au pouvoir, il impose sa personnalité, qui est forte. Il lui reste à réaliser ses projets, qui sont grands.
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