Génération Bouteflika – Massinissa Tiblali : « Nous tous partageons la responsabilité de ce gâchis »

Massinissa Tiblali, âgé de 27 ans, est peintre et écrivain. Comme les six autres jeunes dont Jeune Afrique vous livre le témoignage, il n’a connu qu’un seul président.

Massinissa Tiblali © Romain Laurendeau/JA

Massinissa Tiblali © Romain Laurendeau/JA

FARID-ALILAT_2024

Publié le 5 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Abdelaziz Bouteflika, alors ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme, le 27 septembre 1962. © Archives JA
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Algérie : génération Bouteflika

Ils sont nés dans les années 1990 et n’ont connu qu’un seul président. JA vous livre le témoignage de sept d’entre eux. Leur perception de la vie politique, leurs motifs de satisfaction, leurs déceptions et leurs rêves… Ils se confient sans fard.

Sommaire

« J’avais 9 ans quand Bouteflika a été élu président. Il avait du charisme, de la prestance et savait parler au peuple mieux que personne. J’entends souvent dire que la meilleure période de l’Algérie indépendante était celle de Boumédiène, des révolutions agraire, culturelle ou industrielle, ou de la nationalisation du pétrole, en 1971.

Bref, l’âge d’or de l’Algérie, dont Bouteflika avait été un acteur. Son arrivée au pouvoir signifiait pour moi le retour de cette époque, mais en mieux. J’ai vécu son élection et le début de son premier mandat comme un nouveau départ. Il était comme une assurance pour l’avenir. Dix-huit ans plus tard, il ne reste pas grand-chose de cette assurance.

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Du temps perdu

Le président est même devenu un obstacle à l’alternance. La réconciliation nationale ? Une bonne chose, mais il aurait pu aller plus loin pour fonder une république laïque, moderniser l’école, combattre l’intégrisme et séparer la religion de la politique.

 Quatre mandats étaient largement suffisants pour faire de l’Algérie le dragon de l’Afrique

Je pense que quatre mandats étaient largement suffisants pour faire de l’Algérie le dragon de l’Afrique. C’était possible d’autant plus que l’argent n’a pas manqué. Je ressens cela comme un immense gâchis. Mais Bouteflika n’est pas seul responsable. Nous tous partageons la responsabilité de ce gâchis. Nous avons tous accepté cette situation.

Vu de l’étranger, l’Algérie est triste

Je voyage souvent à l’étranger pour exposer mes toiles. Le regard qu’on porte sur nous m’attriste et me met en colère. Bouteflika est arrivé au pouvoir avec son fameux slogan Al-izza wal karama [“honneur et fierté”]. Au crépuscule de sa vie, son image est raillée à l’étranger. Ce n’est pas seulement le président qu’on moque, mais, à travers lui, tout le pays.

Les Algériens ont du talent, de l’énergie, du potentiel, mais le système les bride

C’est de l’étranger qu’on perçoit que nous ne sommes pas un peuple heureux, apaisé. En 2006, j’ai participé à une exposition internationale à Paris réunissant 80 participants. À l’aéroport d’Alger, un douanier a refusé que j’emporte avec moi ma toile. Les objets d’art devaient passer par un transitaire pour sortir du pays, m’a-t-il expliqué.

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Comment encourager la création avec un tel système bureaucratique ? Les Algériens ont du talent, de l’énergie, du potentiel, mais le système les bride. Je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir. Moi qui peins en couleurs, je le vois souvent en noir et blanc. C’est triste à dire, mais nous produisons de la désespérance. »

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