Génération Bouteflika – Dalal Sahraoui : « Dans la société, je me sens sous tutelle permanente »

Dalal Sahraoui, âgée de 20 ans, est étudiante. Comme les six autres jeunes dont Jeune Afrique vous livre le témoignage, elle n’a connu qu’un seul président.

Dalal Sahraoui © Romain Laurendeau/JA

Dalal Sahraoui © Romain Laurendeau/JA

FARID-ALILAT_2024

Publié le 5 décembre 2017 Lecture : 2 minutes.

Abdelaziz Bouteflika, alors ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme, le 27 septembre 1962. © Archives JA
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Algérie : génération Bouteflika

Ils sont nés dans les années 1990 et n’ont connu qu’un seul président. JA vous livre le témoignage de sept d’entre eux. Leur perception de la vie politique, leurs motifs de satisfaction, leurs déceptions et leurs rêves… Ils se confient sans fard.

Sommaire

« J’ai tellement envie d’aimer mon pays. Mais je n’y arrive pas, parce que je ne suis pas acceptée comme femme libre. La plupart des hommes ont peur des femmes libres, épanouies, affirmées. Ici, je ne suis pas considérée comme citoyen à part entière au même titre qu’un homme.

Dans la rue, je me sens oppressée, épiée, harcelée. Dans la société, je me sens sous tutelle permanente. C’est dur de vivre pleinement sa féminité parce qu’il faut faire face aux pesanteurs sociales, au poids de la religion et des traditions et aux lois discriminatoires.

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J’ai vraiment pris conscience que la femme est quantité négligeable lors de la séparation de mes parents. Ma mère a galéré pendant cinq ans avant d’obtenir le divorce. La justice refusait de lui accorder le droit à la séparation. Un jour, un juge lui a dit : “Pourquoi veux-tu divorcer ? Qu’est ce qui te manque ? Ton mari a une maison, il vit bien.”

Sur les bancs de l’école, on enseigne aux enfants que la femme est une sous-citoyenne

Le juge s’adressait à ma mère comme si elle avait commis un délit, une offense à l’égard de son père. Bref, il voulait qu’elle s’écrase. Elle avait remis en question l’ordre établi, l’autorité de son époux et de celui qui était censé lui rendre justice. C’était d’une violence inouïe.

Des progrès insuffisants

Le divorce de mes parents m’a conduite à m’intéresser au code de la famille, voté en 1984 et qui, aujourd’hui, est tant décrié par les femmes. Je l’ai lu de bout en bout. Il faut reconnaître que le président Bouteflika l’a fait amender en 2005 pour accorder plus de droits aux femmes. Il faut aussi lui savoir gré d’avoir fait voter les lois contre le harcèlement.

Il faut du temps pour le changement. Une ou deux générations. La mienne semble avoir été sacrifiée

Malheureusement, ces avancées ne sont pas suffisantes. Nous sommes encore loin de l’égalité entre les deux sexes. À 40 ans, la femme a-t-elle besoin d’un tuteur pour se marier ? Est-il raisonnable que l’homme et la femme n’aient pas les mêmes droits et devoirs dans l’héritage ? C’est une aberration au troisième millénaire.

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Sur les bancs de l’école, on enseigne aux enfants que la femme est une sous-citoyenne. Dans un manuel scolaire, je lis : “La petite Aïcha, sœur de Mohamed, part à la cuisine.” Déjà, on associe la petite à la cuisine comme si c’était sa place naturelle. Ensuite, elle n’existe qu’à travers son frère Mohamed.

C’est l’éducation et le savoir qui changeront les mentalités, pas les lois

Nous existons à travers nos pères, nos frères ou nos maris. Pas en tant que femmes. Il faut apprendre aux enfants dès le primaire que l’homme et la femme sont égaux. C’est l’éducation et le savoir qui changeront les mentalités, pas les lois. Il faut du temps pour le changement. Une ou deux générations. La mienne semble avoir été sacrifiée. »

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