Immigration en Allemagne : qui est pour, qui est contre ?
Depuis qu’Angela Merkel a fait entrer 1,2 million de réfugiés, les questions liées à l’accueil des étrangers divisent l’Allemagne. Au point de retarder la formation d’un gouvernement.
C’est du jamais-vu en Allemagne depuis 1949. Et pourtant, les difficultés que rencontre aujourd’hui Angela Merkel pour former un gouvernement montrent à quel point, dans ce système de coalition, les partis peuvent avoir du mal à trouver des points d’accord. D’autant que, depuis l’arrivée de plus de 1 million de réfugiés, le débat sur la politique migratoire s’est considérablement durci. Début décembre, les chrétiens-démocrates de la chancelière (CDU), les libéraux (FDP) et les Verts avaient échoué à conclure un compromis.
Au cœur des dissensions : la fixation d’un quota annuel de demandeurs d’asile. Une limitation réclamée à cor et à cri par la CSU, l’aile bavaroise et conservatrice des chrétiens-démocrates de la CDU. « L’expérience a montré que nous pouvons accueillir et intégrer un maximum de 200 000 personnes par an, venues pour des raisons humanitaires », argumente Joachim Hermann, ministre des Transports (CSU) de Bavière. Jusque-là, Angela Merkel était opposée à cette limitation, au nom du droit fondamental à l’asile.
Un « plafond annuel » plutôt qu’une « limitation stricte »
« Depuis 2016, la question envenime les relations de ces partis frères, explique Thorsten Faas, politologue à l’Université libre de Berlin. Mais les deux partenaires ont récemment pris conscience qu’ils devaient se serrer les coudes. » Grâce à un léger glissement sémantique, la CDU a donc infléchi ses positions en approuvant l’idée d’un « plafond annuel », plutôt que celle d’une « limitation stricte ».
Pour les autres partis en présence, quels que soient les termes utilisés, il est absurde de fixer des limites. « Depuis la réunification de l’Allemagne, le chiffre de 200 000 réfugiés par an n’a été dépassé que cinq fois », plaident les Verts.
Ces pics ont été atteints juste après la chute du mur, puis en 2015-2016, avec l’afflux de 1,2 million de personnes en deux ans. Pour 2017, il est en net recul, avec seulement 187 000 réfugiés arrivés entre janvier et octobre.
C’est pourquoi Christian Lindner, le chef des libéraux, juge lui aussi cette mesure inadéquate. Son parti préfère se concentrer sur l’examen au cas par cas des dossiers des candidats. Et ce pour des raisons pragmatiques : l’économie allemande, qui manque de bras, aurait bien besoin de 400 000 immigrés supplémentaires chaque année.
Des dossiers au cas par cas
Pas question pour autant de leur accorder le regroupement familial de façon systématique. Là encore, on traiterait les dossiers au cas par cas. Une position jugée inacceptable par les Verts, qui souhaitent un assouplissement des règles et veulent par ailleurs sortir certains États de la liste des « pays sûrs », comme l’Afghanistan, qui ne brille pas par sa stabilité politique mais dont les ressortissants ne peuvent pour le moment obtenir l’asile.
Face à ces querelles intestines, l’extrême droite se frotte les mains. Après être parvenue à faire entrer 94 députés au Bundestag en septembre, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) espère que des élections anticipées seront convoquées au début de 2018. Celles-ci pourraient renforcer son score, qui était de 12,6 %. En matière d’immigration, le parti prône sans surprise un durcissement de la politique d’entrée sur le territoire, avec la fermeture des frontières – sauf pour les travailleurs qualifiés – et l’abrogation de la double nationalité.
Nouveau round de négociations
Pour sortir de l’impasse et éviter un nouveau scrutin à risque, la CDU a donc décidé de se tourner vers les sociaux-démocrates (SPD). L’entente semble plus naturelle, car tous deux étaient déjà aux commandes du pays ces quatre dernières années.
Mais le SPD, lourdement sanctionné aux élections avec 20,5 % des voix, hésite à reconduire son alliance et pourrait faire monter les enchères. Cela pousserait la CDU à reculer sur la question du quota des 200 000 réfugiés, dont le SPD ne veut pas entendre parler, et à alléger les règles du regroupement familial. Deux mois après les législatives, tout est remis à plat, et un nouveau round de négociations vient de débuter.
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