Tunisie : l’instance électorale est-elle vraiment remise sur pied ?
Malgré l’élection de son nouveau président et la publication du calendrier des municipales, l’Instance supérieure indépendante pour les élections peine à se mettre en ordre de marche.
Un nouveau président, Mohamed Tlili Mansri, élu le 13 novembre après quatre scrutins infructueux, et la publication, dix jours plus tard, du calendrier des municipales, prévues le 25 mars 2018, laissaient à penser que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) allait se remettre au travail. Las ! La crise qui l’a secouée plusieurs mois durant a laissé des traces. La démission de son précédent président, Chafik Sarsar, ainsi que celle de deux autres membres de l’instance en mai 2017 avaient révélé de profonds désaccords et des dysfonctionnements internes.
« Certaines garanties étaient absentes : une instance ne peut se permettre de violer la loi alors qu’elle en est la garante. Pas plus qu’elle ne peut violer les principes de la démocratie alors qu’elle est censée protéger les libertés et les droits », avait assené Sarsar, qui tenait à ce que les bases de données de l’Isie soient protégées, ce qui n’était – et n’est – pas le cas.
Bisbilles partisanes
Ces départs et cette élection ont coïncidé avec deux renouvellements partiels, prévus par le règlement, en septembre et en novembre, des neuf membres du conseil de l’Isie. Si bien que celle-ci n’est plus tout à fait la même.
« Le renouvellement du tiers des membres a créé une situation inconfortable », a souligné Mohamed Tlili Mansri. Lequel, dès son investiture par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a connu un baptême du feu difficile. Au prétexte que sa nomination n’avait pas été publiée au Journal officiel, six membres du conseil, soudain pointilleux sur les procédures, ont refusé de se présenter aux réunions qu’il avait convoquées et ont tenu des rencontres parallèles.
L’Isie s’est réduite depuis 2014 à une machinerie électorale dont le formalisme est devenu la raison d’être
Une manière de signifier leur rejet de l’élection de Mansri, réputé proche des islamistes d’Ennahdha. Le nouvel élu avait pourtant assuré qu’il observerait la neutralité requise, mais, selon Ridha Belhaj, ancien dirigeant de Nidaa Tounes et fondateur du parti Tounes Awalan, ce sont là les conséquences « d’accords conclus en dehors de l’ARP qui deviennent des décisions de l’Assemblée ».
De bisbilles partisanes en polémiques, « l’Isie s’est réduite depuis 2014 à une machinerie électorale dont le formalisme est devenu la raison d’être », déplore Kamel Jendoubi, président de la première Instance, en 2011, qui dénonce « le travail de sape de l’indépendance et de la neutralité de l’instance effectué par Ennahdha, qui a pesé sur sa composition par le biais de nominations, qu’il s’agisse des membres ou du personnel, notamment d’encadrement ».
Premières élections locales depuis la révolution
Le processus électoral doit pourtant rapidement se remettre en marche, car les échéances approchent : clôture des inscriptions sur les listes électorales fixée aux 15, 16 et 17 décembre, législative partielle sur la circonscription Allemagne pour élire un député en remplacement de Hatem Ferjani, devenu secrétaire d’État, préparation des municipales de mars, ainsi que des législatives et de la présidentielle de 2019, sans oublier l’organisation des régionales, que personne n’évoque, mais qui doivent compléter le processus de transition politique. Ce calendrier doit être impérativement respecté pour éviter un télescopage entre scrutins, ce qui fragiliserait le pays.
Le rendez-vous des municipales est d’autant plus important qu’il s’agit des premières élections locales depuis la révolution, avec 350 centres électoraux à gérer dans la transparence. Le dispositif suppose la mise en place de tribunaux administratifs dans les régions et l’adoption par l’ARP du code des collectivités locales, dont l’examen est suspendu depuis juillet. Mais il n’y a pas que les procédures, car il faut aussi restaurer la confiance, aussi bien celle des électeurs et de la société civile que celle des partis. S’agissant des municipales, « tout se joue en un jour, il ne faut pas rater le rendez-vous », avertit un membre de l’Isie.
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