France : Laurent Wauquiez, quand la route vers l’Elysée motive tous les zigzags

L’ancien ministre de Sarkozy devrait être élu à la tête des Républicains mi-décembre. Prêt à tout pour reconstruire la droite, il courtise à la fois les centristes et les électeurs du FN.

Laurent Wauquiez, à l’Assemblée Nationale,le 23 juin 2013; © Alesclar/CC/wikipédia

Laurent Wauquiez, à l’Assemblée Nationale,le 23 juin 2013; © Alesclar/CC/wikipédia

ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 7 décembre 2017 Lecture : 6 minutes.

Le cyclone Emmanuel a tout renversé, disloqué, brisé sur son passage. De l’extrême gauche à l’extrême droite, les plus immuables monuments du paysage politique français ont été jetés bas ou ébranlés jusqu’en leurs fondations. On en est au point où un Jean-Luc Mélenchon, le chef de La France insoumise, apparaît presque comme l’opposant le plus crédible.

Les Républicains prétendent eux aussi à ce titre, mais plus par habitude qu’en raison de leur aptitude à peser dans le débat politique. Après l’effacement des barons de l’ancien monde (Sarkozy, Juppé, Fillon, Baroin) et le ralliement à Macron de la jeune garde « constructive » (Philippe, Le Maire, Darmanin, Solère), ils sont en perdition, sans idées, sans stratégie, sans leadership.

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Un paysage de désolation

Une vertigineuse descente aux enfers pour ce parti qui, il y a peu, piaffait aux portes du pouvoir. Chacun tire à hue et à dia. Christian Estrosi et Alain Juppé, les maires de Nice et de Bordeaux, ne résistent qu’avec indolence aux sirènes macroniennes (« Je ne suis pas En Marche, minaude ce dernier, je suis en mouvement »). D’autres ont déposé le nom d’une nouvelle formation de la droite constructive (Agir). D’autres, enfin, comme Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, restent en embuscade dans leurs fiefs provinciaux.

Bref, au-delà des frontières de la Macronie triomphante, c’est un paysage de désolation sur lequel ne se détache que la haute silhouette d’un nouveau chef de clan. Lors du scrutin des 10 et 17 décembre, nul cacique ne se hasardera à disputer à Laurent Wauquiez la couronne des Républicains. Juppé et Fillon enverront certes à l’abattoir d’intrépides seconds couteaux – le Breton Maël de Calan (36 ans) et la Francilienne Florence Portelli (39 ans) –, mais ni l’un ni l’autre n’a la moindre chance de l’emporter.

Dérive sectaire

Après avoir servi Chirac, Sarkozy et Fillon et les avoir tour à tour trahis, Wauquiez, à 42 ans, a senti le moment venu de guerroyer pour son propre compte. Il a pris ses distances avec le mari de Carla Bruni, qui a récemment tenté de le dissuader d’entraîner le parti dans une dérive sectaire et se déclare convaincu que Macron finira par couper tous les ponts avec la gauche, ce qui serait, selon lui, une catastrophe pour les Républicains.

En revanche, le jeune loup n’est pas insensible aux thèses néomaurrassiennes d’un Patrick Buisson, l’ancien conseiller élyséen, même si les deux hommes ont paraît-il cessé de se voir. Son objectif ultime n’est pas un mystère : le trône de France. Mais les moyens de l’atteindre lui font pour l’instant défaut. Depuis le Sarkozy des débuts, on n’avait pas vu Rastignac plus survolté. Rien ne l’arrête, rien ne le rebute. Longtemps, pourtant, ce redoutable prédateur néochiraquien avança masqué…

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Sorti diplômé des plus prestigieuses écoles, il avait en son jeune âge l’image d’un gentil boy-scout couvé par un notable centriste et europhile nommé Jacques Barrot. Ce dernier lui ayant mis le pied à l’étrier, il s’empressa de le poignarder dans le dos par un brusque revirement eurosceptique.

Dynasties d’industriels flamants

Après deux séjours au Caire, au cours desquels il jure avoir travaillé aux côtés de sœur Emmanuelle, ce qui est peut-être un pieux mensonge, il épousa une copine de lycée, la jolie Charlotte, et entreprit de mettre en scène sa nouvelle vie de cadre provincial enraciné dans son vieux terroir auvergnat. En 2011, la publication d’un livre, La Lutte des classes moyennes, constituera l’acmé de cette opération de communication. Or tout, ou presque, dans cette histoire relève de la fable.

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Les Wauquiez et les Motte, sa famille maternelle, sont de très anciennes dynasties d’industriels flamands. Des généalogistes ont trouvé trace de leurs activités textiles au Moyen Âge… On est là chez les happy few, à des années-lumière de cette France « périphérique » dévastée par la mondialisation sauvage, la bureaucratie bruxelloise et l’immigration incontrôlée décrite par le géographe Christophe Guilluy. Laurent Wauquiez est trop malin pour prétendre le contraire. Il se contente, par touches légères, de le suggérer. Interrogé au début de sa carrière sur la profession de son père, il répondit avec une exquise (fausse) modestie : « employé de banque ». Or Philippe Wauquiez était l’un des dirigeants de la banque d’affaires Indosuez…

Du gendre idéal au bad boy de la politique

L’ambition et l’opportunisme débridés du futur chef des Républicains ont fini par indisposer. S’il reste populaire chez les militants, son image dans l’opinion s’est beaucoup dégradée. Au fil des années, le gendre idéal s’est mué en bad boy de la politique. Si tel est son intérêt, il fréquente indifféremment les catholiques intégristes de la Manif pour tous, les francs-maçons ou les membres du lobby gay. Pas de jaloux !

Résultat, certains ont un peu trop tendance à l’accuser de tous les maux. On le soupçonne de faire grisonner artificiellement ses cheveux pour paraître plus respectable ; de balancer au Canard enchaîné des infos embarrassantes pour ses concurrents ; de commettre à dessein des fautes de français pour faire peuple ; et d’imiter à l’occasion le rude accent de la Haute-Loire, peu pratiqué, comme l’on sait, sur les bancs de l’ENA…

Élu tour à tour député de la Haute-Loire et maire du Puy-en-Velay, il a choisi de faire de la présidence de la région Auvergne-Rhône-Alpes le camp de base de sa future ascension de l’Everest élyséen. Depuis 2015, il y mène une politique de droite « décomplexée » et se fraie un chemin à la machette dans la jungle des subventions associatives.

À sa manière brutale, il participe, quoi qu’il en dise, à l’opération déclenchée par Macron contre l’irresponsabilité budgétaire présumée des collectivités territoriales. Cela ne l’empêche pas de tirer à boulets rouges sur le chef de l’État, ce qui n’est pas illogique puisqu’il aspire à le remplacer, de dénoncer son « arrogance » de représentant des élites mondialisées et sa « haine » de la province. Faute « d’amour charnel de la France », son « âme » ressemble, paraît-il, « à un désert ».

Un dangereux exercice d’équilibrisme

À partir de là, la stratégie de Wauquiez se déploie dans deux directions opposées.

Il tente d’abord de convaincre les nombreux électeurs de droite qui, peu à peu, ont rejoint le Front national de rentrer au bercail. Ce qui explique ses postures ultra-droitières soigneusement mises en scène. Non qu’il soit tenté par une alliance avec le parti de Marine Le Pen : au contraire, il veut le détruire, le ramener à 10 % des suffrages à la présidentielle, comme l’avait fait Sarkozy en 2007.

Les traditionalistes de Sens commun qui avaient esquissé un pas de deux avec Marion Maréchal-Le Pen ont été débarqués. Et c’est Madeleine de Jessey, une femme de confiance, qui a repris les rênes de ce courant.

Il s’efforce aussi, désespérément, de maintenir l’unité des Républicains en endiguant la vague de ralliements à La République en marche, et, si possible, de débaucher quelques notables juppéo-macroniens. Début septembre, le ralliement de Virginie Calmels, première adjointe (et successeur désigné) du maire de Bordeaux, avait constitué un coup d’éclat resté sans suite.

Jouer simultanément la carte de l’extrémisme et celle de la modération est un dangereux exercice d’équilibrisme. Wauquiez est convaincu qu’il lui fera marquer des points à la fois au centre et à l’extrême droite. C’est possible, mais il peut aussi le faire perdre sur les deux tableaux.

Itinéraire d’un surdoué

12 avril 1975. Naissance à Lyon. Famille d’industriels originaires des Flandres

1986-2001. Études secondaires et supérieures brillantes : lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, Normale Sup, agrégation d’histoire (1er), Sciences-Po Paris, DEA de droit public, ENA (major de la promotion Nelson Mandela)

1997. Rencontre du dirigeant centriste Jacques Barrot

1997-1999. Séjours en Égypte

2001. Mariage avec Charlotte Deregnaucourt, administratrice au Sénat

2003 et 2006. Naissance de Baptiste et de Louise

2006. Publication d’Un huron à l’Assemblée nationale

2004-2007, puis 2012-2017. Député de la Haute-Loire

2007-2012. Divers postes ministériels sous la présidence de Nicolas Sarkozy

2008-2016. Maire du Puy-en-Velay

2011. Publication de La Lutte des classes moyennes

2014. Publication d’Europe : il faut tout changer

Depuis 2014. Membre de la direction de l’UMP, puis des Républicains

Depuis 2016. Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes

2017. Candidat à la présidence des Républicains

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