France : Laurent Wauquiez et Jacques Barrot, ou le (jeune) loup et l’agneau

Auvergnat pure souche, démocrate-chrétien de stricte obédience et européen fervent, Jacques Barrot (1937-2014) était un homme politique chevronné, maintes fois ministre sous Giscard et Chirac.

Jacques Barrot, au Conseil de l’Union europééenne, le 21 septembre 2009. © Thierry Charlier/AP/SIPA

Jacques Barrot, au Conseil de l’Union europééenne, le 21 septembre 2009. © Thierry Charlier/AP/SIPA

ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 7 décembre 2017 Lecture : 1 minute.

Il n’a pourtant pas vu venir le coup. Pourquoi s’était-il entiché de ce jeune loup venu d’ailleurs (la Flandre), de sa virtuosité intellectuelle et de sa flopée de diplômes prestigieux collectionnés avec désinvolture ? Sûrement pas par connivence régionaliste, puisque l’enracinement de Laurent Wauquiez se limitait à la résidence secondaire acquise par sa mère sur le rude plateau du Lignon – vieille terre de dissidence huguenote.

En 2002, il en fit son député suppléant dans la 1re circonscription de la Haute-Loire. Deux ans plus tard, après la nomination de son mentor au poste de commissaire européen, le jeune surdoué fut triomphalement élu à l’Assemblée nationale. Il avait 29 ans. À l’époque, il affichait une europhilie de bon aloi – ce qui était sans doute la moindre des choses. Mais Canis lupus est un fauve, un tueur que la reconnaissance ne tenaille pas. Beaucoup moins en tout cas que la faim dévorante de son ambition.

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Retour à « l’Europe des six »

Insensiblement, la relation quasi filiale tissée entre les compères se dégrada. Moins par conviction que pour des considérations de pure tactique politicienne, Wauquiez dériva vers un euroscepticisme tatillon qui, en 2014, culmina avec la publication d’un livre, Europe : il faut tout changer, dans lequel il se prononçait en faveur d’un improbable et anachronique retour à « l’Europe des six » (France, Allemagne, Italie, Benelux), de la sortie de l’espace Schengen et de la fermeture des frontières intérieures de l’UE.

Ulcéré, Barrot répliqua par une virulente chronique dans Les Échos : « L’Union mérite mieux que ce livre inspiré par je ne sais quel populisme en cours aujourd’hui. » Quelque temps après, il ne fit pas mystère devant nos confrères du Monde de son amertume : « Si je pouvais changer quelque chose dans ma vie, jamais cet homme ne mettrait les pieds en Haute-Loire, c’est mon grand remords. »

Trop tard ! Dans l’éternel et inégal affrontement entre le loup et l’agneau, le temps ne joue jamais en faveur de ce dernier. D’ailleurs, Barrot sera bientôt foudroyé par une crise cardiaque.

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