Côte d’Ivoire – Bruno Koné : « Il n’y a pas de froid entre les présidents Ouattara et Bédié »

Bruno Koné, porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication, de l’Economie et de la Poste, a accepté de se confier à Jeune Afrique sur les défis auxquels est confronté l’Etat ivoirien.

Bruno Nagabane Koné, ministre des Postes, des techniques de l’information et de la communication en Côte d’Ivoire. © Vincent Fournier/Jeune Afrique

Bruno Nagabane Koné, ministre des Postes, des techniques de l’information et de la communication en Côte d’Ivoire. © Vincent Fournier/Jeune Afrique

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Publié le 20 décembre 2017 Lecture : 6 minutes.

Alassane Ouattara en compagnie de Guillaume Soro à Abidjan le 4 décembre 2010 (photo d’illustration). © Thibault Camus/AP/SIPA
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Côte d’Ivoire : la présidentielle de 2020, c’est déjà demain

A moins de trois ans de l’échéance du deuxième mandat d’Alassane Ouattara les attentes sociales demeurent nombreuses. Et la classe politique est déjà centrée sur la prochaine présidentielle.

Sommaire

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, en 2011, jamais une année n’avait été aussi difficile à négocier pour le gouvernement ivoirien. Grèves, mutineries à répétition… Dès les premières semaines de 2017, le mécontentement social s’est fait sentir, avec, en toile de fond, de premières inquiétudes économiques liées à la baisse du prix du cacao. Un contexte qui a favorisé les tensions entre le Rassemblement des républicains (RDR) et son allié, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et qui a aussi exacerbé les rivalités au sein du parti présidentiel.

Pour le chef de l’État, arrivé à la moitié de son deuxième quinquennat, les défis restent nombreux. S’il le reconnaît, Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement, assure cependant que les embûches appartiennent au passé.

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Jeune Afrique : Les attentes des Ivoiriens restent nombreuses. On l’a vu avec les manifestations des militaires, celles des étudiants, les grèves des fonctionnaires… À mi-parcours du deuxième mandat d’Alassane Ouattara, quelles sont les priorités du gouvernement ?

Bruno Koné : Il est primordial d’honorer les promesses qui ont été faites. Le président Ouattara entend les Ivoiriens, il entend les récriminations : la population veut voir ses conditions de vie s’améliorer, elle veut manger à sa faim, envoyer ses enfants à l’école. C’est légitime. C’est pourquoi nous travaillons à une plus grande redistribution des richesses.

La grogne sociale s’est particulièrement fait entendre cette année. La comprenez-vous ?

Les Ivoiriens constatent que la situation économique s’améliore, et chacun veut en profiter. Mais il faut prendre conscience qu’il y a des urgences partout et que nos ressources sont limitées.

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Pour satisfaire toutes les attentes, il nous faudrait multiplier le budget de l’État par quatre ou cinq… C’est impossible ! Depuis 2011, le budget de l’État a tout de même plus que doublé, passant d’environ 3 000 milliards à 6 700 milliards de F CFA [d’environ 4,5 milliards à 10 milliards d’euros]. C’est une capacité de mobilisation deux fois plus importante qu’auparavant, mais avec des besoins désormais bien supérieurs.

La sécurité semble se dégrader. Après les mutineries en début d’année, il y a eu plusieurs attaques de postes de police, des caches d’armes ont été découvertes… Le gouvernement est-il dépassé ?

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Absolument pas. Les réseaux sociaux donnent l’impression qu’il y a plus de problèmes que par le passé, mais les statistiques montrent qu’en réalité la sécurité ne se dégrade pas.

On parle par exemple beaucoup des « microbes » [surnom donné aux jeunes rassemblés au sein de gangs violents, qui multiplient les vols, agressions, braquages, en particulier à Abidjan], or il ne s’agit que d’une délinquance semblable à celle observée dans toutes les grandes villes. On dit qu’elle est le fait d’enfants, mais, lors de la dernière opération Épervier, 5 000 personnes ont été arrêtées, dont seules trois ou quatre étaient mineures. Certes, on dénombre davantage d’agressions à l’arme blanche, mais il y a moins d’armes à feu en circulation.

Le chef de l’État et le président de l’Assemblée nationale se rencontrent et échangent chaque fois que cela est nécessaire

Pour revenir aux mutineries du début d’année et aux problèmes dont souffre l’armée ivoirienne, pourquoi la réforme annoncée depuis des années n’a-t-elle pas encore été mise en œuvre ?

Il y a une dizaine d’années, des promesses ont été faites à des combattants, et elles n’ont pas été tenues. À seulement quelques années de la fin du deuxième mandat du président Ouattara, ces anciens membres des Forces nouvelles ont légitimement voulu recevoir leur dû et ont fini par le manifester plus violemment. Mais, aujourd’hui, ce problème est derrière nous. Quant à la réforme, elle a été adoptée par le gouvernement et commence à être mise en œuvre.

Depuis qu’une cache d’armes a été découverte, en mai, au domicile de son directeur du protocole, la rupture avec Guillaume Soro est-elle consommée ?

Non, il n’y a pas de rupture. Le chef de l’État et le président de l’Assemblée nationale se rencontrent et échangent chaque fois que cela est nécessaire.

Un poste de vice-président du RDR a été octroyé à Guillaume Soro. Mais y a-t-il encore toute sa place ?

C’est à lui de l’apprécier. Le parti pense qu’il a les qualités pour y jouer un rôle et que sa place est en son sein. Le RDR est le parti du vivre-ensemble, donc il n’exclut personne. Cela dit, nous attendons bien entendu de ceux qui ont accepté des postes toute la loyauté possible.

C’est un homme pressé de passer la main, mais il veut le faire dans des conditions qui assurent la continuité de ce qu’il a accompli

Autre grand dossier : la création du parti unifié. Le président l’a annoncée pour la fin de l’année, mais tout indique qu’elle sera encore reportée. Est-ce une arlésienne ?

Ce parti unifié est l’une de nos priorités. Dernièrement, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ont fait avancer les choses en annonçant la mise en place d’un comité de haut niveau. Cet organe sera chargé d’élaborer les statuts et le règlement du futur parti. Nous n’étions jamais allés aussi loin dans le processus.

Pourtant, les relations entre les deux présidents s’étaient rafraîchies ces derniers mois…

Non. Il n’y a pas de froid entre eux. Les médias extrapolent tout, le moindre mot, le moindre silence ! Les présidents Ouattara et Bédié s’entendent parfaitement et, sur les questions essentielles, ils finissent toujours par se retrouver.

L’alliance du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) peut-elle tenir jusqu’en 2020 ?

Nous n’en avons jamais douté. Et tous les membres du RHDP ont intérêt à travailler ensemble. Même s’il y a des tiraillements ici et là, sur l’essentiel, nous nous entendrons toujours.

Certaines figures du RDR se sont récemment prononcées en faveur d’un troisième mandat d’Alassane Ouattara. L’envisage-t-il ?

J’ai moi-même eu l’occasion d’interroger le président sur ce sujet et je n’en ai jamais eu l’impression. C’est un homme pressé de passer la main, mais il veut le faire dans des conditions qui assurent la continuité de ce qu’il a accompli.

Et si ces conditions ne sont pas remplies ?

Le chef de l’État travaille pour passer le relais à des gens qui sauront préserver le pays et continuer de le faire avancer. Il a dit dernièrement qu’il fallait attendre 2020, donc attendons !

Le président Ouattara a promis que dans les deux camps, pro-Gbagbo comme pro-Ouattara, des gens seraient jugés

L’un des points faibles du bilan du gouvernement, c’est la réconciliation. Ce dossier a-t-il été mis de côté ?

Il souffre surtout des campagnes de récupération du concept de réconciliation, laquelle a toujours été une priorité pour le président de la République. C’est pour cela qu’il a mis en place la Commission dialogue, vérité et réconciliation [CDVR], qu’il a appelé les exilés à revenir au pays, qu’il a dégelé des comptes, qu’il tient toujours un discours rassembleur, etc.

Que peut-on faire de plus ? Ceux qui parlent aujourd’hui de réconciliation réclament invariablement la même chose : la libération de tous les prisonniers. Mais comment libérer des gens qui ont attaqué des commissariats, ont commis des meurtres ou sont aux mains de la justice internationale ? Certains veulent tout simplement faire du concept de réconciliation un fonds de commerce.

Le président Ouattara a promis qu’il n’y aurait pas d’impunité et que dans les deux camps, pro-Gbagbo comme pro-Ouattara, des gens seraient jugés. Ce n’est toujours pas le cas…

Le chef de l’État ne contrôle pas le pouvoir judiciaire. Il revient donc à la justice d’accomplir son devoir.

Après une année agitée, comment envisagez-vous celles à venir ?

Pendant cette année, l’exécutif n’a jamais été déstabilisé, même au moment des mutineries. N’oubliez pas que ces mouvements n’ont eu à aucun moment pour but de s’en prendre au pouvoir en place, il ne s’agissait que de revendications syndicales et ciblées. Donc nous n’avons aucune crainte.

Tous les jours, nous travaillons pour le bien des Ivoiriens, et je n’ai pas l’impression que nous ayons échoué dans cette tâche. Le pays est en paix, l’économie se porte bien, la confiance est de mise partout. Les choses avancent, et elles iront sans doute de mieux en mieux.

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