États-Unis : Donald Trump semble loin de l’Afrique et proche du désordre
Entre coups de sang et respect des promesses de campagne les plus incongrues, le président américain, Donald Trump semble gérer sa stratégie de politique étrangère à vue. À l’heure du premier bilan d’étape, la question africaine ne s’invite que sur la pointe des pieds dans l’agenda de la Maison-Blanche.
Un an déjà. Le 8 novembre 2016, Donald Trump devenait, contre toute attente, le 45e président des États-Unis. Sonné à la confirmation des résultats, le monde entier se demandait alors ce qu’il était en droit d’attendre de ce businessman iconoclaste, entré à la Maison-Blanche grâce à son slogan « America First ». Il s’interroge encore. Difficile en effet de trouver une ligne directrice dans la politique étrangère américaine.
« La seule cohérence constatée jusqu’à maintenant semble consister à faire tout le contraire de ses prédécesseurs, tout en flattant toujours plus sa base électorale à mesure qu’approchent les élections de mi-mandat prévues pour novembre 2018 », constate Witney Schneidman, conseiller auprès de la Brookings Institution de Washington.
Isolationnisme
La diplomatie américaine semble donc surtout obéir, ces derniers mois, à des impératifs de politique intérieure, Donald Trump n’hésitant pas à perturber un ordre mondial pourtant imposé par son propre pays depuis 1945, comme il l’a encore fait le 6 décembre 2017 en reconnaissant de manière unilatérale Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Isolationniste, protectionniste, le président américain s’est surtout escrimé jusqu’à présent à respecter ses promesses de campagne sans trop tenir compte de leurs conséquences sur la scène internationale.
Dès le 23 janvier 2017, Donald Trump signe le décret qui désengage son pays des accords du partenariat transpacifique (PTP), signés en février 2016. En août de la même année, il demande la réouverture des négociations concernant l’accord de libre-échange nord-américain (Alena). Le nouvel hôte de la Maison-Blanche juge le traité « désastreux » et n’hésite pas une seconde à brandir la menace d’une sortie de son pays… quelques jours seulement avant de soustraire les États-Unis des accords sur le climat, signés à Paris en décembre 2015.
Enfin, en octobre, l’administration prend de nouveau ses distances avec la communauté internationale en annonçant le retrait américain de l’Unesco, avant celui, probable, du plan global d’action conjoint signé en juillet 2015 (JCPOA) sur le programme nucléaire iranien.
[Un agenda] davantage commandé par des pulsions que par une véritable logique raisonnée
Pulsions
Privilégiant le passage en force au dialogue, le deal plutôt que le rapport de confiance, Donald Trump montre les muscles devant Téhéran et Pyongyang. Il invective même des alliés aussi traditionnels que l’Australie, le Mexique et l’Allemagne, en fonction d’un agenda très personnel, « davantage commandé par des pulsions que par une véritable logique raisonnée », s’inquiète encore Witney Schneidman.
Et ce n’est pas le département d’État, placé entre les mains de responsables aussi approximatifs et inexpérimentés que le président lui-même, qui risque d’inverser cette donne. Surtout que, fidèle à sa réputation forgée lors du show télévisé The Apprentice, Donald Trump n’hésite pas à se débarrasser des conseillers qui lui déplaisent, quand ils ne partent pas d’eux-mêmes. Ainsi Rex Tillerson, le très discret secrétaire d’État, semble être déjà assuré de quitter son poste moins d’un an après sa nomination.
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Et l’Afrique dans tout cela ?
Méprisant envers le continent durant la campagne présidentielle, le chef d’État élu a d’abord démontré sa méconnaissance totale de la question africaine, voire son indifférence, avant de changer de position ces derniers mois. Il a en effet fallu attendre fin septembre pour que Donald Trump délivre son premier véritable discours de politique africaine, devant plusieurs chefs d’État du continent invités, le temps d’un déjeuner organisé à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Le président américain est sorti de sa vision purement sécuritaire pour reconnaître « le potentiel commercial exceptionnel » du continent. Sans plus de détails.
Quelques semaines auparavant, il avait enfin nommé – par intérim – Donald Yamamoto à la tête du bureau des affaires africaines du département d’État, avant d’envoyer, fin octobre, Nikki Haley, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, en visite officielle sur le continent. Une première pour l’administration, qui n’avait jusqu’alors dépêché que son ministre de la Défense, James Mattis, en voyage éclair sur la base militaire de Djibouti en avril.
« Il est clair que l’Afrique n’est pas sa priorité. Il s’est pour l’instant essentiellement concentré sur la lutte antiterroriste », estime Witney Schneidman
« Nous espérons que cette visite va enfin déboucher sur une vraie politique à l’égard de l’Afrique », insiste un diplomate africain. Et qu’elle va surtout permettre de lever le flou persistant sur l’avenir des programmes lancés par ses prédécesseurs, tels que l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), le Plan d’urgence pour la lutte contre le VIH/sida (Pepfar) ou l’initiative Power Africa.
Avant d’annoncer son propre projet ? « Il est clair que l’Afrique n’est pas sa priorité. Il s’est pour l’instant essentiellement concentré sur la lutte antiterroriste, mais le président sait être pragmatique, surtout s’il s’agit de contrecarrer l’influence chinoise sur le continent », estime Witney Schneidman, selon lequel il n’est jamais trop tard pour bien faire. « Après tout, même Obama avait attendu son deuxième mandat pour s’intéresser au continent. »
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