Aérien : Congo Airways, un succès à l’épreuve de l’instabilité politique

Grâce à un marché porteur, la compagnie publique s’est imposée en deux ans au niveau national. En 2018, elle se lancera sur le marché régional. Moteur de sa réussite, sa gouvernance résistera-t‑elle à la situation chaotique qui règne en RD Congo ?

Le « Léopard volant » se lancera vers Johannesburg dans le courant du mois de janvier. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Le « Léopard volant » se lancera vers Johannesburg dans le courant du mois de janvier. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 15 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

Avec 365 000 passagers transportés en 2017 (contre 208 000 en 2016) et 77 millions de dollars (environ 64 millions d’euros) de chiffre d’affaires escompté (36 millions en 2016), l’année s’est conclue en beauté pour la toute jeune Congo Airways, née en octobre 2015. Des performances qui rendent Désiré Balazire, son directeur général depuis mai 2016, confiant dans la capacité de la compagnie à atteindre ses objectifs : franchir la barre des 400 000 passagers et des 99 millions de dollars de revenus en 2018.

« Nous avons prévu d’être rentables à la mi-2019 », indique-t‑il. Certes le marché intérieur du pays, où Congo Airways dessert dix villes, est naturellement porteur. Une population de 80 millions d’habitants sur l’un des territoires d’Afrique les plus vastes (quatre fois la France) et les plus enclavés, où les airs constituent la route la plus pratique pour se déplacer. « Jusque-là, les passagers passaient par Nairobi ou Addis-Abeba pour se rendre de Kinshasa à Lubumbashi ou à Goma », complète Désiré Balazire.

Congo Airways est la seule compagnie à utiliser des avions de plus de 150 places, insiste le DG

la suite après cette publicité

La compagnie, détenue par l’État et par des opérateurs telle la Gécamines, « est la seule à utiliser des avions de plus de 150 places », insiste le DG. Son principal rival privé, Fly CAA, a par exemple remisé ses Airbus A320 et A321 pour ne conserver que des Fokker 50 de moins de 60 places. De quoi encourager le « Léopard volant » à viser le régional. Cette année, la compagnie ouvrira d’abord une ligne vers Johannesburg et entend être présente d’ici à la fin de 2019 au Cap, à Lusaka, Harare, Dar es-Salaam, Bujumbura, Nairobi, Addis-Abeba, Bangui, Douala, Cotonou, Abidjan, Pointe-Noire et Luanda. Viendra ensuite l’ouverture de liaisons intercontinentales vers Paris, Dubaï ou Canton, en 2020.

Pour servir ces ambitions, sa flotte comprendra dix appareils. « C’est logique, c’est le seuil sous lequel une compagnie ne peut pas survivre », commente-t‑on chez un constructeur. Propriétaire de deux A320 et de deux Bombardier Q400, le transporteur entend louer quatre A320 et deux Dreamliner neufs, ainsi que des petits modules pour les courtes liaisons. « Pour cela, il lui faut convaincre les loueurs, donc les banques, de sa solidité financière », poursuit l’avionneur.

Sur la liste noire aérienne de l’UE

Or, dans un pays figurant sur la liste noire aérienne de l’UE (71 crashs, 234 décès entre 2008 et 2016), tombeau de nombreux transporteurs dont Korhogo Airways, filiale de Brussels Airlines en 2015, Congo Airways y parvient. Sa discipline financière et managériale rassure acteurs financiers, constructeurs et sous-traitants.

« Nous avions anticipé 22 millions de dollars de pertes en 2017 ; à la fin d’octobre, nous n’en étions qu’à 6 millions », rapporte le DG, comptable de formation et ex-conseiller chargé du climat des affaires à la primature. Des économies ont été générées en supprimant le catering sur les vols de moins d’une heure. Les salaires des agents ont été réduits de 17 %. Les effectifs ont diminué de 426 à 329 employés. Une transparence associée à des procédures antifraude et à un respect scrupuleux des normes internationales de sécurité.

la suite après cette publicité

Déjà audité par l’UE, par le pétrolier Total et par plusieurs sociétés minières, Congo Airways devrait se voir délivrer sa certification Iosa (Iata Operational Safety Audit) d’ici à la fin de février, sésame indispensable pour opérer vers l’Europe. Mais ces bonnes pratiques survivront-elles à l’instabilité politique qui règne dans le pays ? Une grande partie de la réponse réside dans le soutien que lui apporte le gouvernement. « Jusqu’au départ du Premier ministre Augustin Matata Ponyo en novembre 2016, Congo Airways avait bénéficié de son appui, qui l’avait préservé du népotisme à l’origine de la ruine de tant de compagnies », relève un observateur. Aujourd’hui, son DG se retrouve plus isolé pour garantir la bonne gouvernance.

Nouvelair en appui

Le 15 janvier 2018, Congo Airways signera un contrat avec la compagnie tunisienne privée Nouvelair pour la location d’une durée de cinq mois d’un A320. Cette dernière lui fournit déjà pilotes, instructeurs et chefs personnels navigants commerciaux. En 2016, quinze experts tunisiens avaient accompagné Congo Airways dans la mise en place des procédures de sécurité

la suite après cette publicité

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image