Fin de partie pour Alexandre Djouhri, l’intermédiaire de Kadhafi
Recherché par Paris dans l’enquête sur le possible financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, le sulfureux homme d’affaires français, arrêté à Londres, a été libéré sous caution. Jusqu’à son extradition ?
Dans l’épilogue d’Avec les compliments du Guide. Sarkozy-Kadhafi, l’histoire secrète (Fayard, 400 pages), les auteurs Fabrice Arfi et Karl Laske avaient laissé Alexandre Djouhri à Alger, « où quelques puissances locales lui offrent le confort et un jet privé pour pouvoir continuer à se déplacer discrètement ».
Le 7 janvier, le sulfureux intermédiaire français d’origine algérienne, né en 1959, a été interpellé à l’aéroport de Heathrow, en Grande-Bretagne, en possession de passeports français et algérien. Il était recherché dans le cadre de l’enquête sur le possible financement libyen de la campagne de l’ancien président français Nicolas Sarkozy.
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Le 10, il a été libéré en échange du versement d’une caution d’environ 1,13 million d’euros. En avril, la justice britannique devra trancher pour savoir si oui ou non elle l’extrade vers la France. « Les extraditions depuis la Grande-Bretagne sont compliquées, rien n’est certain », confie une source proche du dossier. La même source confie : « Il semblerait que le juge ait perdu patience après le 6 décembre… »
Provocation
Ce jour-là, en effet, Djouhri, visé par plusieurs enquêtes, se trouve à une soirée à la résidence de France à Alger, à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron. Sa présence est relayée par l’hebdomadaire français Le Canard enchaîné. La provocation de trop ? Le président français n’aurait pas du tout apprécié. Quelques jours plus tard, la France lance un mandat d’arrêt européen.
Djouhri, à lire l’ouvrage d’Arfi et Laske, se sentait invincible. Il était, en tout cas, bien entouré. À Alger, il avait connu Larbi Belkheir, tout-puissant général décédé en 2010, et continuait à fréquenter des patrons influents. On pouvait le croiser dans le quartier de Hydra ou au Sheraton Club des Pins.
Il se déplaçait encore à l’étranger, notamment à Genève, discrètement. Son réseau était international. « Ces derniers temps, il voyageait dans le Golfe », nous dit notre source. Djouhri avait aussi ses entrées en Afrique subsaharienne, du Gabon au Congo. En France, il a fréquenté des personnalités comme André Tarallo, le « Monsieur Afrique » d’Elf.
Proche de Béchir Saleh
Mais si beaucoup connaissent aujourd’hui le nom de Djouhri, c’est sans aucun doute du fait de sa proximité avec des pontes de l’ancien régime libyen. Arfi et Laske citent une note des renseignements français datée de 2005 : « Depuis la levée de l’embargo frappant la Libye, Alexandre Djouhri aurait montré une activité soutenue pour tenter de se positionner comme un intermédiaire commercial auprès des autorités politiques et économiques libyennes. »
Après l’élection de Nicolas Sarkozy, Djouhri se rapproche de Béchir Saleh, directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi depuis 1998 et président du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), le fonds souverain et bras financier du régime libyen sur le continent africain.
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Dans une interview à JA, Saleh évoquait Djouhri comme un « ami personnel […] qui [l]’a présenté à Nicolas Sarkozy… ». Lorsque le régime libyen s’effondre à la faveur de la révolution et d’une intervention militaire emmenée par la France, en 2011, Saleh fuit vers Tunis. De là, il gagne Paris à bord d’un jet mis à sa disposition par Djouhri. L’ex-dignitaire est surveillé de près par les services français. En mai 2012, recherché par Interpol, il parvient à quitter Paris.
Le jour de son départ, qui s’apparente à une fuite ou à une exfiltration, Djouhri lui parle au téléphone. Le vol qui l’emmène vers Niamey est facturé à une entreprise appartenant à un avocat djiboutien proche de l’intermédiaire français. Saleh s’installe dans la foulée en Afrique du Sud. « Il m’a rendu visite à deux reprises, ici, en Afrique du Sud », confiait encore Saleh à JA.
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