Cinéma : « Comme un Loup », au cœur d’une cité parisienne
Le court-métrage « Comme un Loup » s’invite dans l’intimité des adolescents d’une cité parisienne, captant les efforts de chacun pour réussir dans une société qui les laisse en marge.
Ce sont des images rares. Celles d’ados qui discutent entre eux comme si la caméra n’existait pas. Qui s’envoient des vannes, fanfaronnent, parlent d’amour… Bref, des jeunes comme il y en a beaucoup. Sauf que ceux-là viennent d’un quartier du XIXe arrondissement de Paris, Cambrai, hérissé d’immeubles. Et que ce genre de décor sert généralement à des clips ou à des longs-métrages racontant la violence exacerbée des cités, le deal, les agressions.
Alexandre Muñoz-Cazieux et Félix Schoeller voulaient raconter d’autres histoires, vraies. Celle de Yaya, né en Côte d’Ivoire, arrivé à 11 ans à Paris, qui a décroché une place en lycée général à force d’efforts, qui fait ses devoirs à la maison de quartier et aide son oncle à remplir sa paperasse administrative dans un appartement jonché de matelas.
Une immersion brute dans la vie de cette jeunesse souvent fantasmée
Celle de Fanta, militante afroféministe qui repense la société grâce à ses études en sciences politiques. Celle de Mohamed, qui a trouvé dans la boxe une philosophie de vie et se cherche un avenir de champion en Thaïlande.
Le poids des déterminismes
Trente-six minutes, ce n’est pas long pour évoquer tant de trajectoires. Touffu et pourtant frustrant, le documentaire Comme un Loup laisse parfois sur sa faim. Mais c’est parce qu’il crée des rencontres avec des personnages authentiques, attachants, qu’on aimerait suivre plus longtemps.
« Au départ, nous voulions simplement faire un film sur l’orientation, le parcours du combattant qui est celui de ces jeunes pour rester en filière générale… et nous nous sommes retrouvés avec une cinquantaine d’heures de rushes et des tonnes de sujets abordés », raconte Alexandre Muñoz-Cazieux.
C’est le premier projet filmé de ce professeur d’espagnol de lycée, qui voulait avant tout rendre la parole aux principaux concernés. Sans commentaire, sans « fictionnalisation » du récit, le documentaire est de fait une immersion brute dans la vie de cette jeunesse souvent fantasmée.
Ce qu’il en ressort, c’est d’une part l’incroyable poids des déterminismes. Yaya, constamment entouré de « renois et de reubeus » jusqu’au collège, est l’un des seuls Noirs de sa classe au lycée. Les autres ? Évacués vers des filières pros.
Un déterminisme social, ethnique, diront certains, qui ne touche pas que la scolarité. Quand le jeune garçon avoue à ses copains « kiffer » une lycéenne qu’il passe son temps à admirer sur Snapchat, ils lui répondent, incrédules : « C’est pas une meuf pour toi ! »
Sois un loup ou tu seras mangé par les loups, professe Mohamed, le boxeur
Yaya tente de trouver sa propre voie, quand autour de lui les adultes « veulent [le] mettre sur des chemins bizarres ». Et la force du documentaire est de montrer qu’heureusement rien n’est joué. « Sois un loup ou tu seras mangé par les loups », professe Mohamed, le boxeur. Qu’elle suive les règles du système, les combatte ou les contourne, cette jeunesse peut exister hors du cadre choisi pour elle.
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