Bénin : une économie fortement dépendante du géant nigérian

Le pays tire 20% de son PIB des échanges avec le géant nigérian, son voisin. Mais ce dernier est en train de bouleverser sa stratégie. Il va donc falloir s’adapter.

Une vue de Cotonou, en 2016. (photo d’illustration) © Youri Lenquette pour JA

Une vue de Cotonou, en 2016. (photo d’illustration) © Youri Lenquette pour JA

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Publié le 2 février 2018 Lecture : 4 minutes.

Dans le quartier commercial de Ganhi à Cotonou, au Bénin, en février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique
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Grand Format – Vers un autre Bénin ?

Vie politique, économie, société,… Ce qui a changé depuis l’élection de Patrice Talon, en 2016. Ce qui va changer en 2018. Et ce qu’en pensent les Béninois.

Sommaire

D’après la Banque mondiale, le commerce informel entre le Bénin et le Nigeria représenterait 20 % de son PIB. Un chiffre par nature très difficile à déterminer – certaines études de terrain estiment même qu’il pourrait en fait atteindre 50 %. Issue essentiellement de la réexportation de véhicules d’occasion, de produits congelés, de boissons ou de riz, cette source de revenus est en tout cas considérable. D’après la Banque mondiale, « plus de 90 % de la population active » béninoise travaille dans l’informel.

Certains choix politiques conduiront inéluctablement à la diminution des exportations informelles vers le Nigeria

Mais ce modèle est aujourd’hui en plein bouleversement. Au moins d’un côté de la frontière. Au-delà de la crise conjoncturelle qu’a traversée le Bénin en 2015 (croissance en baisse, à 2,1 %) à la suite de la chute du naira, toute une série de changements internes interviennent au Nigeria.

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Le TEC, étape majeure

« Les conditions mêmes qui ont présidé aux volumes de ces échanges sont en train de changer », indique Paul Melly, journaliste-chercheur à l’institut Chatham House, qui a mené différentes études de terrain sur le sujet. « Certains choix politiques en matière de commerce et d’investissements dans de nouvelles infrastructures conduiront inéluctablement à la diminution des exportations informelles vers le Nigeria. »

Ainsi, l’entrée en vigueur progressive, depuis le 1er janvier 2015, du tarif extérieur commun (TEC) de la Cedeao en lieu et place du TEC de l’Uemoa constitue une étape majeure dans la mise en place d’une union douanière commune intégrant le gigantesque marché nigérian et ses 180 millions de consommateurs. « Auparavant, observe Paul Melly, le régime tarifaire des importations au sein de l’Uemoa était plus concurrentiel qu’au Nigeria. Ce n’est plus le cas avec le nouveau TEC. »

Et ce n’est pas tout. Longtemps, les deux terminaux portuaires de Cotonou ont possédé des avantages logistiques vis-à-vis de leurs concurrents nigérians de Tin Can Island et d’Apapa (dans le sud de Lagos). Mais ce temps pourrait bientôt être révolu avec l’avènement du train à conteneurs Lagos-Kano (qui devrait être achevé en 2021), accompagné d’un port sec à Kano, en cours de réalisation, et, surtout, la construction du nouveau terminal de Lekki, au sud-est de Lagos, d’ici à 2019.

Et selon Paul Melly, « il existe aussi des plans pour construire un port à conteneurs à Badagry, juste à la frontière avec le Bénin. À terme donc, tous les problèmes d’infrastructures que connaît aujourd’hui le Nigeria seront considérablement réduits. »

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Chaînes de valeur

Sur le plan de la politique industrielle ensuite, comme l’explique l’économiste béninois Shegun Adjadi Bakari, « le Nigeria s’est engagé depuis 2012-2013 dans une politique très volontariste en faveur de la production locale, notamment dans le domaine automobile, avec une taxe de 75 % sur les importations de véhicules puis, début 2017, avec l’interdiction de ces dernières par voie terrestre ». Si cette mesure n’est pas encore véritablement appliquée, car contestée par le Sénat, elle démontre malgré tout la détermination de l’État central. Or, en 2015, cette filière contribuait au PIB béninois à hauteur de 9 %, pourvoyant plus de 15 000 emplois directs et près de 100 000 autres de manière indirecte.

« Le modèle économique traditionnel ne peut plus survivre, assène Paul Melly. Tous les économistes béninois sont d’accord : il faut en trouver un nouveau fondé sur l’économie formelle. » Shegun Adjadi Bakari a son idée sur la question : il faut approfondir la relation entre les deux voisins.

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« Nous n’avons pas vraiment le choix à vrai dire. Si nous ne nous adaptons pas, nous subirons. Le Nigeria est conscient de sa force, liée à sa taille. Il va partir à la conquête de ses marchés proches. Il faut agir avant cela, en se demandant comment intégrer ses chaînes de valeur, en se spécialisant dans des niches. Nous pourrions par exemple développer une industrie automobile. Le Nigeria fait aujourd’hui du montage, mais peut-être que demain il remontera la chaîne de valeur. À nous de nous préparer. » Des préconisations qui restent pour l’heure encore lettre morte.

PAI sur le pont

Le port de Cotonou. © Jacques Torregano pour JA

Le port de Cotonou. © Jacques Torregano pour JA

Conséquence de l’arrivée de Patrice Talon à la présidence, le gouvernement béninois a décidé d’externaliser la gestion des sociétés d’État portuaires et aéroportuaires, pour les confier au privé. Au nom de la rentabilité. Le Conseil des ministres du 22 décembre a entériné la décision d’ouvrir les négociations avec le groupe ADP Management pour la gestion de l’aéroport Cardinal-Bernardin-Gantin de Cotonou et a, surtout, autorisé le contrat de gestion, à titre temporaire, signé entre le Port autonome de Cotonou et la société Port of Antwerp International (PAI), filiale à 100 % de l’Autorité portuaire du port flamand. « Notre tâche principale consistera à moderniser l’administration sur le plan de l’organisation, de rénover les installations obsolètes ainsi que de préparer l’extension du port », a déclaré Kristof Waterschoot, le directeur général de PAI, qui va également s’occuper de l’informatisation des quais et de la formation des personnels, via le Centre de formations maritimes d’Anvers et de Flandre (Apec), autre filiale du port anversois. Le contrat porte sur une première période d’études et de réflexion de trois ans devant aboutir à une deuxième phase d’exécution, prévue sur deux fois trois ans. PAI n’est pas un inconnu sur les terminaux béninois, puisque ses experts accomplissent, depuis plusieurs années déjà, des missions de conseil auprès du port autonome. Premier port européen tourné vers l’Afrique, Anvers tisse encore davantage sa toile le long de la côte ouest-africaine, après avoir déjà signé un accord de partenariat en 2011 avec le port ivoirien de San Pedro.

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