Tunisie : le fructueux business des cours particuliers

Pour pallier les carences de l’enseignement classique, les cours particuliers sont à la mode. En dépit de leur prix.

À l’université Tunis-Dauphine, école de Commerce, le 9 octobre 2014 © Ons Abid pour Jeune Afrique

À l’université Tunis-Dauphine, école de Commerce, le 9 octobre 2014 © Ons Abid pour Jeune Afrique

Publié le 1 février 2018 Lecture : 2 minutes.

Des étudiants en filière Éducation à l’université de Porto-Novo, au Bénin, en  mai 2017. © Flickr / Creative Commons / World Peace Intiative
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Éducation : le match privé – public

Dans nombre de pays d’Afrique francophone et du Maghreb, l’éducation nationale est en crise. Les établissements privés sont convaincus de pouvoir prendre la relève. Est-ce le cas ? À vous de juger.

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Aider les élèves en difficulté est l’une des missions des pouvoirs publics, en Tunisie comme ailleurs. Ces cours de « rattrapage » sont dispensés par les enseignants au sein même des établissements. Contrairement à la scolarité en général, ils ne sont pas gratuits. Leur prix oscille entre 20 et 35 dinars par mois (soit 10 % du smic), selon le niveau des élèves concernés.

Mais cet enseignement d’appoint est aujourd’hui dépassé par un phénomène nouveau et en pleine expansion : les cours particuliers dispensés, hors des établissements scolaires cette fois, par les enseignants aux élèves de tous niveaux, du primaire à la terminale.

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Des tarifs couteux

« Publique ou privée, l’école n’est plus aujourd’hui en mesure d’apporter aux élèves le niveau de compétences requis. Ce qui explique, en partie, l’engouement des familles pour les cours particuliers et le soutien scolaire », commente Farouk Ben Ammar, ancien conseiller du ministre de l’Éducation. « Dès la fin de l’année scolaire, afin d’être sûre que ma fille, qui est au collège, sera bien suivie et bien vue par son professeur, je réserve les cours pour l’année suivante », confie Monia. Il lui en coûte, selon les matières, entre 40 et 80 dinars par mois.

De manière générale, les prix fluctuent dans le primaire entre 30 et 60 dinars, et entre 80 et 150 dinars dans le secondaire. Bien qu’interdit en 2015 par le ministre Néji Jalloul, ce fructueux business perdure. Selon l’Organisation tunisienne d’orientation du consommateur (Otoc), son chiffre d’affaires annuel avoisine le milliard de dinars. La perte pour l’État est estimée à 300 millions de dinars par an, puisque cette activité non réglementée et non déclarée échappe à l’impôt.

Les enseignants, essentiellement en sciences et en langues, arrondissent ainsi leurs fins de mois, c’est humain. Mais le service qu’ils rendent est-il vraiment à la hauteur ? Ils louent souvent des salles vétustes et constituent des groupes d’élèves de niveaux très hétérogènes.

Une pratique discriminante ?

« Dès l’été, instituteurs et professeurs contactent les familles pour les convaincre d’inscrire leurs enfants à leurs cours. Mais à la rentrée, leurs collègues prennent mal cette concurrence et ont tendance à ostraciser les élèves concernés », raconte Walid, qui refuse jusqu’au principe des cours particuliers : « Un bachotage dès le primaire qui crée l’illusion sur le réel niveau de l’enfant », dit-il. Il n’y a pas toujours moyen d’y échapper. « Tous les camarades de ma fille suivaient des cours particuliers de maths, j’ai fini par céder », concède Walid.

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Malgré toutes les tentatives de réforme et les prises de position les plus solennelles des syndicats et du ministère, le phénomène est bel et bien entré dans les mœurs. Il instaure une discrimination entre les élèves ? Fausse la compétition entre eux et fait de l’enseignement un fonds de commerce et non plus un espace de savoir ? Sans doute, mais il sera difficile de faire machine arrière.

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