Grand Format Bénin : un échiquier politique bouleversé

Démissions, ralliements, scissions : au sein de la majorité comme de l’opposition, les cartes ont été complètement redistribuées. Et ce n’est pas fini…

Message du président sur l’état de la nation devant l’Assemblée nationale, le 22 décembre 2017 © PR Bénin

Message du président sur l’état de la nation devant l’Assemblée nationale, le 22 décembre 2017 © PR Bénin

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Publié le 2 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Dans le quartier commercial de Ganhi à Cotonou, au Bénin, en février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique
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Grand Format – Vers un autre Bénin ?

Vie politique, économie, société,… Ce qui a changé depuis l’élection de Patrice Talon, en 2016. Ce qui va changer en 2018. Et ce qu’en pensent les Béninois.

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En ce mois de novembre, au siège du Parlement à Porto-Novo, les mines sont graves. L’hommage funèbre rendu par les députés à Joseph Adjignon Kèkè, ancien ministre de la Justice, y est bien sûr pour quelque chose. Mais pas seulement.

Derrière le deuil se cache également un drame politique : la « mort » de plusieurs groupes parlementaires. L’avènement de Patrice Talon a en effet provoqué une redistribution des cartes au sein du Parlement et plus généralement dans l’échiquier politique.

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Les députés issus des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE, coalition ayant soutenu l’ex-président Boni Yayi) ont démissionné en masse, pendant que la Renaissance du Bénin (RB, parti fondé par Rosine Vieyra Soglo) s’enfonçait dans la crise et que la coalition l’Union fait la nation (UN), de Bruno Amoussou, et le Parti du renouveau démocratique (PRD), d’Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale, choisissaient tous deux de faire allégeance au chef de l’État.

Au Parlement, un nouveau Bloc de la majorité parlementaire (BMP) regroupant soixante députés, dont les transfuges des FCBE, a vu le jour. Quant à l’opposition parlementaire, issue à la fois de l’ancienne mouvance présidentielle et des frustrés de l’ère Talon, elle est désormais menée par un groupe de 22 députés conduits par Garba Yaya et Issa Salifou.

Ce sont eux qui, en avril 2017, usant de leur minorité de blocage, ont fait échec au projet de révision constitutionnelle voulue par le président. Ils ont rejoint le Front pour le sursaut patriotique (FSP), créé en mars 2017 « afin de préserver les acquis démocratiques » et de lutter « contre toutes atteintes aux libertés fondamentales et toutes velléités de restauration de l’autocratie », selon son porte-parole, Jean Kokou Zounon.

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Éternel recommencement

Toutefois, sans véritable leader, le FSP peine à mobiliser. Certains opposants verraient bien Sébastien Ajavon, troisième homme de la présidentielle de 2016 et ancien allié de Talon, prendre la tête de l’opposition. Mais, empêtré dans des scandales politico-­judiciaires, l’homme d’affaires, qui a plus ou moins le même parcours que le président, se fait discret.

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Même prudence chez Candide Azannaï. L’ancien ministre de la Défense de Talon préfère laisser le soin à son suppléant, le jeune député Guy Dossou Mitokpè, de porter les critiques incisives contre le gouvernement.

D’autres pensent à Komi Koutché. Reste que l’ancien argentier de Yayi est aujourd’hui hors du pays, où il prépare son PHD en économie et sans doute son retour sur la scène politique béninoise. En attendant, un autre jeune, jadis proche de Yayi, est sur tous les fronts médiatiques : Léonce Houngbadji, président du Parti pour la libération du peuple (PLP).

Le fait qu’il n’existe pas une coalition forte contre le chef de l’État ne signifie pas que l’opposition soit morte

Et, tandis que Léhady Soglo, exclu de son parti, la RB, et destitué de la mairie de Cotonou, reste en exil en France, et que le syndicaliste Laurent Metognon demeure en prison pour placement présumé hasardeux de ressources publiques, Eugène Azatassou, coordonnateur des FCBE, tente de sauver une coalition qui n’existe plus que de nom.

Qu’en disent les anciens présidents Nicéphore Soglo et Boni Yayi ? Le premier est en conflit ouvert avec l’actuel chef de l’état. Le second ne s’est pas exprimé depuis 2016. « Il sait plus que quiconque qu’au Bénin de nombreuses personnalités ayant trempé d’une façon ou d’une autre dans des affaires seraient prêtes à tout pour que le pouvoir leur épargne des tracasseries judiciaires », indique un juriste.

Une opposition dans l’attente

Pour le moment, l’opposition attend un déclic, une erreur du pouvoir qui viendrait faire basculer l’opinion en sa faveur. « La météo politique est très imprévisible au Bénin, explique le député Nourénou Atchadé. Le fait qu’il n’existe pas une coalition forte contre le chef de l’État ne signifie pas que l’opposition soit morte. Dans ce pays, ce sont les grands enjeux qui font naître les grandes frondes contre le pouvoir. Chaque chose arrive en son temps. »

En attendant, l’exécutif, lui, renforce son organisation politique. Pour fédérer les soutiens au président Patrice Talon, Jean-Baptiste Hounguè, président de l’Alliance pour une alternative républicaine (AAR) et membre de la puissante Unité présidentielle de suivi des projets (UPS), rêve de diriger une large coalition au sein de « Bénin en route », créée en août 2017 et calquée sur les… FCBE. Au Bénin, l’histoire est un éternel recommencement.

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