Formation : l’Afrique subsaharienne, une mauvaise élève ?
En Afrique subsaharienne, le niveau de l’enseignement est en baisse. Pourtant, les moyens existent pour y remédier.
Éducation : le match privé – public
Dans nombre de pays d’Afrique francophone et du Maghreb, l’éducation nationale est en crise. Les établissements privés sont convaincus de pouvoir prendre la relève. Est-ce le cas ? À vous de juger.
Pourquoi les Écoles normales ont-elles tant perdu de leur prestige ? Chacun sait que, pour former de bons élèves, il faut de bons enseignants. Au lendemain des indépendances, les États africains l’avaient si bien compris qu’ils avaient beaucoup investi dans les Écoles normales d’instituteurs (ENI) et les Écoles normales supérieures (ENS). Pour être admis dans ces établissements, il fallait être titulaire d’un BEPC, d’un baccalauréat ou, mieux, d’une licence.
À l’époque, élèves instituteurs et professeurs étaient choyés. On leur allouait des bourses, on mettait des moyens de transport à leur disposition, on les logeait et on les nourrissait. Après l’obtention de leur diplôme, ils étaient automatiquement recrutés par l’État. C’était l’époque où, dans leurs villages et leurs quartiers, profs et instits étaient des notables. « Oui, mais seule une petite partie de la population était alors scolarisée », nuance Jacques Marchand, le référent de la thématique éducation à l’Agence française de développement (AFD).
Nous sommes passés d’une formation des enseignants qualitative à une formation de masse, le ministre nigérien de l’Enseignement primaire
La donne commence à changer dans les années 1990. Brusquement, la croissance démographique explose, la demande de scolarisation aussi, alors que les États subsahariens endettés sont sommés par le FMI et la Banque mondiale d’assainir leurs finances. Ils n’ont d’autre choix que de tailler à la hache dans leurs budgets de l’éducation (notamment). Au Mali, au Togo, au Bénin ou au Niger, les recrutements d’enseignants sont gelés, de nombreuses Écoles normales ferment. Certaines rouvriront au début des années 2000, mais avec des méthodes et des équipements pédagogiques d’un autre temps.
« Nous sommes passés d’une formation [des enseignants] qualitative à une formation de masse », regrette Daouda Mamadou Marthé, le ministre nigérien de l’Enseignement primaire. Dans son pays comme dans bien d’autres, la durée des formations a été réduite afin de faire baisser les coûts. Le passage par une École normale a cessé d’être obligatoire, le recrutement se faisant désormais par le biais de concours très peu sélectifs.
Une situation alarmante
Résultat ? Une baisse quasi générale du niveau des enseignants et des enseignements. L’an dernier au Niger, un test d’évaluation des connaissances des instituteurs en français et en mathématiques a donné des résultats épouvantables. On a posé à 64 000 maîtres d’école contractuels (soit 76 % des instituteurs que compte le pays) des questions élémentaires comme : « Combien de minutes dans une heure, ou de mètres dans un kilomètre ? » Seul un tiers a obtenu la moyenne ! La situation est d’autant plus alarmante qu’une partie des enseignants ont été formés dans les onze Écoles normales d’instituteurs que compte encore le Niger.
« Depuis, nous avons lancé un programme visant à restaurer une éducation de qualité, assure le ministre. Nous avons relevé le niveau d’exigence des concours de recrutement et celui des Écoles normales (accès et obtention de diplôme) qui obtenaient jusqu’ici des scores soviétiques aux examens de fin de formation. »
Un salaire décent pour les instituteurs
« Les choses vont dans le bon sens dans la plupart des pays. Les formations initiale et continue des enseignants ont été réintroduites pour relever le niveau », explique pour sa part Jacques Marchand, de l’AFD. Reste une question : les États, qui consacrent déjà 20 % de leurs budgets à l’éducation, auront-ils les moyens d’améliorer la formation des enseignants et d’assurer une éducation pour tous ?
Toujours selon Marchand, cet objectif peut être atteint dans le primaire, dans nombre de pays de la zone CFA. À condition de verser aux instituteurs un salaire moyen égal à 3,5 fois le PIB par habitant, ce qui leur permettrait de vivre décemment sans plomber le budget de l’État. Au collège, c’est plus délicat, un prof coûtant beaucoup plus cher qu’un instit. Mais pourquoi ne pas tenter d’optimiser les ressources disponibles en luttant contre l’absentéisme et en demandant aux professeurs d’enseigner plusieurs disciplines ?
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