Pour conjurer la malédiction du pétrole

Les pays producteurs doivent relever le défi du partage équitable de la rente des hydrocarbures et en faire le pilier de leur développement, estime Gabriel Fal, fondateur de CGF Bourse et de CGF Gestion.

Un puits de pétrole (photo d’illustration). © CC0 Creative Commons

Un puits de pétrole (photo d’illustration). © CC0 Creative Commons

Gabriel FAL © Gabriel FAL, LEADER Président Directeur Général de CGF Bourse

Publié le 9 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Aujourd’hui, en 2018, l’Afrique ne représente qu’environ 8 % des réserves et un peu moins de 10 % de la production mondiale d’hydrocarbures. C’est peu, mais il faut savoir que pas moins de 30 % des découvertes de ces dix dernières années ont été faites en Afrique. De nouveaux producteurs sont apparus, comme le Tchad (gisement de Doba), en 2003, le Ghana (gisement de Jubilee), en 2010, ou le Niger (gisement d’Agadem), en 2011. Les découvertes gazières offshore au Mozambique (bassin de la Rovuma) mais aussi dans le bassin Mauritanie‑Sénégal (gisement de Grand-Tortue) devraient entrer en exploitation vers 2020 ou 2021.

Il s’agit pour ces nouveaux producteurs de relever le défi de la gestion et du partage équitable de la rente pétrolière, de faire du pétrole et du gaz les piliers du développement et de la diversification économique. Il faut éviter que la population soit écartée de la croissance, que les autres activités soient bloquées ou que l’élitisme et le clientélisme alimentent le fléau de la corruption à grande échelle. L’enjeu stratégique consiste à trouver la voie d’une croissance inclusive qui profite à l’économie nationale, mais surtout aux populations.

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Politiques de contenu local

Cette préoccupation a amené les gouvernements hôtes à mettre en place dans les pays producteurs un large éventail d’instruments législatifs et réglementaires pour stimuler une croissance généralisée à travers les activités extractives appelées à générer des revenus supplémentaires au-delà de la contribution directe de leurs valeurs ajoutées. C’est ce qu’on appelle la politique du contenu local (local content, en anglais).

Le Ghana, par exemple, a découpé son gisement Jubilee en petits blocs destinés à des sociétés d’exploration juniors considérées plus malléables que les majors dans l’optimisation du contenu local. Cette politique inclusive, qui est analysée comme étant parmi les plus efficaces en Afrique, a pour effet de garantir à Accra non seulement des royalties substantielles mais aussi des emplois et des revenus de biens et services pour la population et les PME locales.

Toutefois ces politiques de contenu local sont souvent limitées, parce que les industries extractives, celles des hydrocarbures en particulier, sont technologiquement complexes ; et les ressources disponibles localement peuvent avoir du mal à s’adapter à la demande des compagnies internationales de production pétrolière. Ainsi, il peut résulter d’une politique de contenu local trop contraignante des blocages et goulots d’étranglement susceptibles de ralentir la production ou de renchérir les coûts d’extraction.

L’industrie financière est un secteur que les gouvernements ont tendance à oublier dans l’élaboration de leur politique de contenu local. Les compagnies pétrolières ont des besoins financiers en dettes ou en capital qui peuvent être couverts par les banques, les épargnants et les investisseurs locaux.

Au Sénégal, l’opinion publique est effrayée à l’idée que la population puisse être exclue de la rente pétrolière ou que cette dernière ne soit accessible qu’à une certaine élite intellectuelle, politique et financière

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Pourquoi les compagnies de production ou de services pétroliers n’ouvriraient-elles pas leur capital (après une juste et équitable valorisation de leurs actifs nets qui tiendrait compte de tous les paramètres de risques) sous forme d’offres publiques de vente par appels publics à l’épargne ? Une partie de leurs investissements sont payables en monnaie locale, pourquoi ne pas émettre des obligations qui seraient souscrites par les investisseurs institutionnels locaux, telles les caisses de retraite, les banques ou les compagnies d’assurances ?

Fractionner les titres pour permettre un large actionnariat

Dans des pays comme le Sénégal, l’opinion publique est effrayée à l’idée que la population puisse être exclue de la rente pétrolière ou que cette dernière ne soit accessible qu’à une certaine élite intellectuelle, politique et financière. Quoi de plus adapté qu’un large actionnariat populaire, comme ce fut le cas pour Sonatel, Coris Bank ou Total, qui comptent des milliers d’actionnaires ?

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Il suffira de fractionner les titres pour réduire le cours de cession à un prix accessible, même aux plus humbles. Une société étrangère qui gère des ressources importantes dans un pays hôte devrait systématiquement mettre à la disposition de la population locale ne serait-ce que quelques pourcentages de son actionnariat. C’est mieux pour son ancrage local et sa protection politique voire juridique. Politique de contenu local, inclusion financière, actionnariat populaire sont donc appelés à se conjuguer intelligemment pour conjurer la prétendue malédiction du pétrole.

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