Madagascar : voyage au plus profond de la forêt avec Stefano Faravelli
Le dessinateur italien Stefano Faravelli a rapporté de Madagascar un carnet de croquis stupéfiant, accompagné d’un texte mêlant zoologie, mythologie et philosophie, témoignant de la richesse du lieu et de la détresse des espèces en voie de disparition.
Entrer dans une forêt, c’est s’immerger dans la magie. Et si cette forêt se trouve à Madagascar, il se pourrait que l’immersion ne soit que le début d’un voyage au-delà du connu, en des confins où se mêlent l’animal, le végétal et le minéral, où la mort et la vie se nourrissent. Philosophe-dessinateur, l’Italien Stefano Faravelli a vécu cette expérience, pinceaux à la main, à Betampona, « un bout de forêt primaire d’à peine 29,18 km², dans l’arrière-pays tropical du centre-est de Madagascar ».
Invité comme « peintre naturaliste » par une expédition erpétologique – c’est-à-dire ayant pour objet d’étude les amphibiens et les reptiles –, Faravelli est revenu avec un superbe carnet de croquis intitulé Madagascar, stupeur verte. Carnet d’un voyage en forêt équatoriale.
L’Europe compte 8 espèces de grenouilles, Madagascar en dénombre 300
Quelque 150 pages humides et vivantes où se meuvent toutes sortes de créatures représentatives de la riche biodiversité de la Grande Île : grenouilles, geckos, serpents, insectes, lémuriens dénichés le temps d’un croquis malgré les incroyables talents mimétiques qui leur permettent de se fondre dans l’entrelacs des racines et des feuilles.
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« Dans ces taches et dans ces bariolages, il y a le principe de la multiplicité bigarrée. Qui est également celui par lequel les forêts pluviales abritent 170 000 des 250 000 espèces de plantes connues. Celui par lequel si l’Europe compte 8 espèces de grenouilles, Madagascar en dénombre 300 », écrit l’artiste, qui est aussi diplômé en philosophie morale.
Témoin des espèces menacées d’extinction
Le récit qui accompagne ce carnet, s’il est parfois un peu abscons, ouvre de singuliers chemins de traverse, entre précision zoologique et questionnement sur la place de l’homme dans la nature. Faravelli a gardé les yeux de l’enfant fasciné par les frondaisons et les sous-bois habités de mystères.
L’hapalémur doré disparaîtra sans doute avant que les zoologistes comprennent le métabolisme de l’espèce
« Mon bungalow donne sur un hallier de bambous, où j’assiste au petit déjeuner matinal de l’hapalémur doré sur les immenses tiges du Volohosy, le bambou géant de Madagascar, une plante qui renferme une très forte concentration de cyanure. Ce prosimien est une des espèces de mammifères les plus menacées d’extinction. L’hapalémur doré disparaîtra sans doute avant que les zoologistes comprennent le métabolisme de l’espèce, qui ingère au quotidien une dose de poison douze fois supérieure à celle nécessaire pour tuer un homme, sans aucun dommage. »
Érudites, foisonnantes, les digressions de Faravelli hésitent sans gêne entre poésie, zoologie, mythologie, mysticisme. Il s’agit de littérature. Parce qu’une tragédie y tient en une seule phrase : « J’ai un autre souvenir sonore de Plethodontohyla : le cri déchirant, presque humain, d’une des leurs lentement avalée par un serpent… » Et plus simplement parce que « telle est la forêt de Madagascar : le lieu de l’imagination ».
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