Grande distribution : le gabonais Ceca-Gadis se modernise pour mieux résister
En difficulté depuis la chute des cours du brut, qui affecte la consommation des ménages, le distributeur se prépare à l’arrivée annoncée de Carrefour et d’Auchan.
Affluence autour du « point chaud » situé à l’arrière de la grande surface Géant CKdo de Libreville, le samedi 3 février. À quelques minutes de la fermeture de l’unique hypermarché de la Compagnie d’exploitations commerciales africaines – Gabonaise de distribution (Ceca-Gadis), des enfants font pression sur leurs parents afin d’emporter des crêpes et des sandwiches faits maison. Depuis son ouverture le 9 novembre, le succès ne se dément pas. « Cela était devenu une nécessité au regard des exigences de notre clientèle dont les habitudes évoluent avec le temps. Et nous nous adaptons », confie Michel Essonghe, son PDG.
Ce nouveau service illustre le virage pris par le leader gabonais de la grande distribution. Dans le cadre de sa nouvelle stratégie triennale, il va moderniser la majorité de ses points de vente, dont certains sont appelés à monter en gamme. C’est le cas de Gaboprix, dont les différents magasins devraient passer sous l’enseigne Cecado. Stratégie qui se traduira aussi par le développement du numérique dont le point d’orgue sera la mise en place d’une plateforme d’e-commerce maison. Pour l’heure, le groupe gabonais s’attelle à l’informatisation de ses magasins.
Nous continuons de garder la tête hors de l’eau grâce au non-alimentaire, où nous réalisons les marges les plus importantes
Quatrième groupe privé et premier acteur économique du pays hors secteurs pétrolier et minier, Ceca-Gadis n’est pas épargné par la crise économique qui frappe le Gabon, pourtant classé en 2015 parmi les marchés les plus prisés du continent pour le commerce de détail par le cabinet de conseil américain A.T. Kearney. La chute de la fréquentation des points de vente se situe en moyenne autour de 5 %, et plus encore à Port-Gentil, la deuxième ville du pays, qui subit de plein fouet les effets de la baisse des cours du pétrole.
Mauvaise passe
« Mais ce qui est le plus préoccupant est davantage la baisse de 10 % à 12 % du panier moyen [montant total des achats hebdomadaires rapporté au nombre de passages en caisse] », avoue Alain Rempanot Mepiat, le conseiller du patron. En recul de plus de 7 % par rapport à 2014, le chiffre d’affaires du groupe s’est établi à 216,5 milliards de F CFA (330 millions d’euros) en 2016.
Cette baisse touche à la fois l’alimentaire, qui représente 86 % de ses revenus, et le non-alimentaire (matériaux de construction et quincaillerie). « Nous continuons de garder la tête hors de l’eau grâce au non-alimentaire, où nous réalisons les marges les plus importantes », reconnaît Michel Essonghe.
Cette mauvaise passe n’a pas pour autant bridé les investissements – qui se sont élevés à plus de 30 milliards de F CFA ces trois dernières années – dans les magasins, la logistique et l’acquisition de logiciels pour la gestion des données et des entrepôts. Cependant, l’ouverture envisagée de trois nouveaux magasins, évalués à plus de 12 milliards de F CFA, est gelée et devra encore attendre le retour d’une conjoncture plus favorable.
2 000 employés, 150 magasins
En dépit de la perte de certains gros clients, comme Bouygues et Sodexo, qui ont plié bagage, le groupe octogénaire, qui compte plus de 2 000 employés, n’envisage aucun licenciement pour l’instant, mettant en avant une responsabilité « citoyenne ». En fait, il recherche même de nouveaux profils, plus en rapport avec la numérisation de ses métiers et de ses services, qu’il s’agisse de la vente et du conseil ou de la logistique et de la gestion des entrepôts.
Soutenu par l’État gabonais, qui a par exemple pu mettre des terrains à sa disposition, Ceca‑Gadis s’est par le passé implanté sur tout le territoire, au point de disposer de plus de 150 magasins. Une centaine, principalement des marques Gaboprix, Intergros et Cecado, étant sous la responsabilité de gérants mandataires dont la rémunération varie entre 2 % et 3,5 % du chiffre d’affaires et qui ont l’obligation de se fournir exclusivement au sein du groupe.
Nous considérons qu’apporter des produits modernes à nos compatriotes est une contribution qui n’a pas de prix
« C’est peut-être concevable dans une logique de positionnement de la marque. Car le groupe est connu dans les coins les plus reculés du pays. Mais peut-on être certain de la rentabilité d’une telle stratégie ? » s’interroge un concurrent. Ce que reconnaît du reste le management de Ceca-Gadis. « Nos implantations ne sont pas toutes rentables, mais la rentabilité globale est assurée. Nous considérons qu’apporter des produits modernes à nos compatriotes est une contribution qui n’a pas de prix », estime Michel Essonghe.
Concurrence accentuée sur le haut de gamme
Ce maillage territorial constitue l’un des atouts dont Ceca-Gadis compte tirer profit dans la perspective des arrivées annoncées de Carrefour et d’Auchan. Une nouvelle qui n’ébranle pas un groupe qui fut successivement géré par le français Optorg et le marocain ONA, avant de revenir à des institutions financières et à des privés gabonais en 1994. Des investisseurs dont les identités sont tenues confidentielles.
« Notre groupe a été pendant longtemps arrimé à un grand groupe international et a donc su capitaliser sur ces expériences, notamment au niveau de la rigueur apportée à notre gestion. Ce qui nous rend aptes aujourd’hui à nous déployer hors des frontières nationales et à affronter la concurrence internationale », ajoute Michel Essonghe, lui-même actionnaire du groupe. Ces futures entrées vont nécessairement accentuer la concurrence sur le haut de gamme, que Casino pratique déjà. « Nos fournisseurs sont référencés parmi les meilleurs du monde dans leurs domaines respectifs, et nous distribuons des marques parmi les plus connues, dans le monde francophone en particulier », rappelle le patron, que cette perspective ne semble pas inquiéter.
En plus de sa connaissance du terrain, Ceca-Gadis mise sur sa présence dans tous les segments du commerce. Outre le détail, il s’est positionné sur la vente en gros, grâce à l’enseigne Supergros, et dans le demi-gros, à travers la marque Intergros, qui dispose de douze magasins sur le sol gabonais. La future concurrence est prévenue.
Un développement sous-régional reporté
Au départ, l’aventure internationale de Ceca-Gadis repose sur un souhait. Alors président de São Tomé-et-Príncipe, Fradique de Menezes, qui fait régulièrement ses courses à Libreville, confie à Omar Bongo Ondimba qu’il aimerait voir ce type d’enseigne s’implanter dans son pays. L’information est très vite transmise à Michel Essonghe, patron du groupe et conseiller du chef de l’État gabonais. En octobre 2012, un supermarché Super Ckdo de 1 400 m2 ouvre ses portes sur l’île. À ce jour, il demeure la seule expérience internationale de Ceca-Gadis. « Nous avons réfléchi à notre extension dans d’autres pays de la sous-région, en nouant par exemple des partenariats avec des acteurs locaux. Mais, avec la crise, nous nous sommes recentrés sur notre marché », explique Michel Essonghe.
Trois acteurs majeurs
Le commerce général structuré au Gabon a pesé plus de 507 milliards de F CFA (773 millions d’euros) en 2016. Trois groupes se détachent du lot. Ceca-Gadis, avec plus de 150 magasins, détient le réseau le plus important. Face à lui, deux concurrents principaux. La société de distribution gabonaise (Sodigab, groupe Mercure International), gestionnaire de l’hypermarché Casino Mbolo et de deux supermarchés de la même enseigne à Libreville et à Port-Gentil, ainsi que le groupe Prix Import, fondé par le Gabonais d’origine libanaise Bernard Azzi Oyiba, détenteur de huit supermarchés dans la capitale.
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