La Tunisie, un pivot régional pour la France

Après la Chine, c’est à la Tunisie qu’Emmanuel Macron a consacré sa deuxième visite d’État, les 31 janvier et 1er février. Un cadre solennel pour jeter les bases d’une relation rénovée et innovante entre la France et la Tunisie.

Le couple présidentiel français se promenant dans la médina de Tunis, le 1er février. © eric feferberg/ABC/Andia.fr

Le couple présidentiel français se promenant dans la médina de Tunis, le 1er février. © eric feferberg/ABC/Andia.fr

Publié le 19 février 2018 Lecture : 3 minutes.

Le président français Emmanuel Macron au palais de l’Elysée, le 21 décembre 2017 © Christophe Archambault/AP/SIPA
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Le président français veut refonder tous azimuts les relations entre Paris et les pays de la rive sud de la Méditerranée. Enquête sur une révolution diplomatique.

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« Nous ne vous aiderons pas en tant qu’ami ordinaire ou ami proche, nous vous aiderons en tant que frères et sœurs », a assuré Macron devant les députés tunisiens. Une fraternité qui a pour gènes communs des liens séculaires adossés à une histoire et à un espace euroméditerranéen. Elle se traduit par un soutien de 500 millions d’euros sur la période 2020-2022, en sus des 1,2 milliard mis à disposition de la Tunisie de 2016 à 2020 et d’un décaissement de 80 millions d’euros pour financer des projets, sans oublier 30 millions de reconversion de la dette en projets de développement.

Dans un moment de vulnérabilité politico-économique, les Tunisiens n’en attendaient pas moins de leur premier partenaire. Mais « l’élan compassionnel de la France envers la Tunisie ne s’est pas traduit en actes économiques concrets », déplore l’ancien ministre de l’Économie Hakim Ben Hammouda. L’économiste Ezzeddine Saïdane nuance : « Les chiffres présentés ne sont pas de l’investissement mais du financement. Le problème n’est pas dans les intentions mais dans les capacités de la Tunisie à mettre en œuvre les accords. »

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Un point d’ancrage au Maghreb

Pour Macron, il n’est pas question de chiffres mais de la coconstruction d’un rapport de confiance. Pas de promesses qui ne seront pas tenues, comme celle de la mise en place d’un Haut Conseil de coopération faite par Hollande ou d’un accord sur les migrations proposé par Nicolas Sarkozy, mais quatre feuilles de route bilatérales. Le chef de l’État français entend faire de la Tunisie, ce « modèle de démocratie », un coéquipier, un pivot régional. « À cette aune, on se serait attendu à une annonce forte sur un partenariat stratégique conférant un statut spécial à cette démocratie et qui se serait démarquée de l’agenda strictement européen », commente Mehdi Taje, professeur de géopolitique.

En effet, en axant son soutien sur la sécurité, l’éducation, les jeunes et le genre, Macron est dans le droit fil de la politique européenne en Tunisie. Il s’en fait le porte-drapeau. Conscient des menaces que projette la rive sud – les incertitudes algériennes, le trou noir libyen qui exacerbe les rivalités extra-européennes et européennes, notamment avec l’Italie –, Macron voit la Tunisie comme un point d’ancrage au Maghreb et dans l’espace euroméditerranéen.

Pour renforcer ce cap politique, il a reconnu que l’intervention de la coalition occidentale en Libye a été une erreur. La déstabilisation de la Libye a porté un préjudice considérable, notamment économique et sécuritaire, à la Tunisie. Et il le sait : « Notre sécurité dépend de votre avenir. »

L’omniprésente question de l’immigration

La problématique est devenue commune et prioritaire. Ce n’est pas un hasard s’il appelle à une stabilité régionale depuis le seul pays à n’avoir aucun différend avec les 53 autres pays africains et s’il met la Tunisie, qui agit par ailleurs avec l’Algérie et l’Égypte, dans la boucle des pourparlers onusiens pour la résolution du conflit libyen. Macron est en rupture avec les stratégies traditionnelles. Il s’est éloigné du schéma de l’Union pour la Méditerranée (UPM), promue par Nicolas Sarkozy, et propose une coopération méditerranéenne avec un nombre plus limité de pays, dont ceux du Maghreb, avec la participation de la société civile.

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Au cœur de cette construction d’un espace entre l’Europe et l’Afrique se trouve le couple franco-tunisien, « une relation fiable en Méditerranée ». En filigrane, la question de l’immigration est omniprésente. Le président français l’aborde sur le long terme et rompt avec les approches classiques qui consistent à donner des moyens pour surveiller les côtes et renforcer le contrôle aux frontières. Il mise sur la formation donnée aux nouvelles générations pour freiner la migration.

Un futur hub d’enseignement?

Avec la remise en selle de la langue française, la création d’une université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée, il entend faire de la Tunisie un hub d’enseignement, de formation et de culture, mais aussi un sas pour une émigration choisie qui ne dit pas son nom. Il fait reposer ce dispositif sur les capacités de la Tunisie en matière d’enseignement et de nouvelles technologies. Il rompt encore une fois avec les approches classiques, mise sur le partenariat public-privé et promeut une nouvelle génération de Tunisiens, dont celle issue du réseau de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge).

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En mettant en avant les capacités du secteur numérique, Emmanuel Macron projette la Tunisie dans le futur et en oublie le tissu industriel, essentiel à structurer le pays. Mais sa promenade dans les souks de Tunis aura été plus porteuse pour le tourisme que toutes les campagnes publicitaires et tous les discours sur la sécurité.

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