RDC : Fridolin Ambongo, un archevêque rebelle pour succéder au cardinal Laurent Monsengwo

En nommant Mgr Fridolin Ambongo, un homme d’Église qui ne mâche pas ses mots, archevêque coadjuteur de Kinshasa, où il succédera au cardinal Laurent Monsengwo, le pape François adresse un message de fermeté au président Kabila.

Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l’ONU avec Mgr Fridolin Ambongo, à Kinshasa le 27 octobre 2017 © John Bompengo/AP/SIPA

Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l’ONU avec Mgr Fridolin Ambongo, à Kinshasa le 27 octobre 2017 © John Bompengo/AP/SIPA

Christophe Boisbouvier

Publié le 14 février 2018 Lecture : 4 minutes.

Nous sommes le 29 juillet 1984 à Bwamanda, actuelle province du Sud-Ubangi, dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo. Mobutu est candidat unique à sa réélection. Les Zaïrois n’ont le choix qu’entre deux bulletins : le vert pour le président-maréchal, et le rouge contre.

Trois étudiants s’exclament : « Où sont les bulletins rouges ? On ne les voit pas ! » Scandale dans le bureau de vote. Les perturbateurs sont expulsés, et Mobutu est réélu avec 99,16 % des voix. Mais un rebelle est né. Parmi les trois agitateurs se trouve en effet le jeune Fridolin Ambongo, 24 ans.

L’étudiant en philosophie est déjà une forte tête

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Fils d’un saigneur d’arbre à caoutchouc – chef d’équipe dans une plantation d’hévéas –, l’étudiant en philosophie est déjà une forte tête. « J’ai été formé par un religieux belge, Henri Evens, se souvient aujourd’hui l’archevêque.

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Dès cette époque, j’étais passionné par les questions de justice, de droit et de dignité de la personne. » En août 1988, il est ordonné prêtre à Kinshasa. Puis il part pour Rome, où il soutient une thèse de doctorat intitulée « La réhabilitation de l’humain, base du développement vrai au Zaïre ».

Bras de fer avec le régime de Joseph Kabila

Pendant la guerre civile de 1998-2002, le père Ambongo réside dans la zone que contrôle le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, toujours dans le nord-ouest de la RDC. En novembre 2004, le pape Jean-Paul II l’y nomme évêque du diocèse de Bokungu-Ikela.

Si j’ai un modèle dans ma vie, c’est Jean-Paul II

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On l’appelle « l’évêque à moto », car il aime circuler à deux-roues sur les routes crevassées. « Si j’ai un modèle dans ma vie, c’est Jean-Paul II, explique-t-il à Jeune Afrique. En Pologne, face au régime communiste, puis à Rome, il a fait progresser la cause de l’humanité. Mais j’apprécie aussi beaucoup le pape actuel pour son franc-parler. »

En 2008, c’est le déclic. À 48 ans, le prélat prend la présidence de la Commission justice et paix, l’organe politique de la très puissante Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui gouverne les âmes des quelque 35 millions de catholiques congolais. Le bras de fer avec le régime de Joseph Kabila commence.

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Paris, Bruxelles, New York… Sous la protection du cardinal Laurent Monsengwo, son aîné, le jeune évêque parcourt le monde et se fait remarquer par son langage sans fard. En octobre 2014, il s’enthousiasme pour la révolution burkinabè.

Il ne s’agit pas de dire : “On est pour ou contre Kabila”. L’enjeu, c’est le respect de la loi fondamentale

En janvier 2015, il s’indigne de la répression meurtrière contre les manifestants anti-Kabila : « J’étais à Kinshasa à ce moment-là. En tant que pasteurs, nous étions révoltés. » En décembre 2016, il est au cœur des négociations politiques qui aboutissent à l’accord de la Saint-Sylvestre. Un ministre lâche : « Au sein de la Cenco, c’est le plus proche de l’opposition. »

Partisan, Ambongo ? « Il ne s’agit pas de dire : “On est pour ou contre Kabila”, répond le prélat. L’enjeu, c’est le respect de la loi fondamentale, qui dit qu’au Congo on ne peut pas faire plus de deux mandats présidentiels. »

Épisode méconnu : en mai 2016, l’évêque accepte d’aller témoigner à La Haye, aux Pays-Bas, en faveur de Jean-Pierre Bemba. « À l’époque de la guerre civile, lance-t-il devant les juges de la Cour pénale internationale, le MLC a enfin permis à la population de se sentir libre, parce que ce mouvement est venu reconstruire tout ce qui avait été détruit. Je peine à comprendre comment Jean-Pierre Bemba a pu se transformer en monstre de l’autre côté de la frontière, en Centrafrique. »

Du bureau de vote de Bwamanda au tribunal de La Haye, Fridolin Ambongo garde la même franchise : « Je suis direct, c’est vrai. »

Succession

En désignant Mgr Ambongo archevêque coadjuteur de Kinshasa, le pape François fait un choix politique. À ce poste stratégique, qui ouvre la voie à la succession de Mgr Monsengwo, 78 ans, le souverain pontife aurait pu placer Mgr Marcel Utembi, l’actuel président de la Cenco, qui est beaucoup plus accommodant avec le régime.

Le pape François fait un choix politique : il veut sans doute adresser un message de fermeté à Joseph Kabila

Mais après la répression brutale des marches catholiques du 31 décembre 2017 et du 21 janvier dernier, le pape veut sans doute adresser un message de fermeté à Joseph Kabila. De bonne source, Laurent Monsengwo, le seul Africain du « C9 » – le comité des neuf cardinaux que consulte le pape tous les trois mois pour gouverner l’Église catholique –, a pesé dans ce choix.

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Kinshasa étant un siège cardinalice, tout laisse à penser que Fridolin Ambongo sera élevé, lui aussi, au rang de cardinal. À ce poste, le futur chef des catholiques congolais mettra-t-il de l’eau dans son vin de messe ?

« Je suis évêque depuis treize ans et je suis resté égal à moi-même. J’espère que mes nouvelles fonctions ne vont pas changer mon caractère. »

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