Musique : Dany Synthé, une nouvelle star

Compositeur tout-terrain, le musicien d’origine congolaise Dany Synthé est passé brusquement de l’ombre à la lumière. Il prépare un album avec MHD, Maître Gims, Davido et Fally Ipupa.

Dany Synthé, lors d’un concert, le 1er juin 2016. © CC/Wkipédia

Dany Synthé, lors d’un concert, le 1er juin 2016. © CC/Wkipédia

leo_pajon

Publié le 16 février 2018 Lecture : 6 minutes.

Le vrai gagnant n’est pas celui qui reçoit la médaille, c’est celui qui la donne. Dany Synthé – de son vrai nom Daniel Koueloukouenda – a tout compris. Hier inconnu du grand public, le musicien, compositeur et producteur de seulement 26 ans s’est brusquement invité sous le feu des projecteurs, en passant par la grande porte. Depuis le 1er novembre 2017, il fait partie des quatre membres du jury de Nouvelle Star, le télé-crochet de M6 qui rassemble chaque semaine près de 2 millions de téléspectateurs.

Il y a montré qu’il ne fallait surtout pas se fier à ses airs de grand frère, son sourire XXL et son allure décontractée jouant l’indémodable combo baskets-jean-sweat et casquette New York Yankees. Une fausse note, et Dany le doux devient dur. À un candidat peu convaincant, il assène fortissimo : « Mais si t’es pas chanteur, fallait pas chanter : pourquoi t’imposer ça à toi, pourquoi nous imposer ça à nous ? » Le musicien peut se permettre d’être tranchant, lui qui a su miser sur quelques-unes des plus grosses révélations de ces dernières années… et accompagner les succès de chanteurs confirmés.

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Ascension fulgurante

Difficile de citer tous ceux que ce stupéfiant pondeur de disques de platine a côtoyés durant son ascension fulgurante. Petit prodige de la compo, il prend des cours de piano à l’âge de 9 ans, concocte ses propres productions à 12, vend ses premiers sons à 14. D’abord à des artistes de son quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne, à l’est de Paris, dont le rappeur Nessbeal. « C’est lui qui m’a permis de rencontrer un autre rappeur, Orelsan, et son producteur, Skread. Je les ai accompagnés au clavier sur les tournées… ça devenait sérieux. »

Assis, le dos bien droit, dans les locaux de l’agence qui s’occupe de sa promo, Dany Synthé a des airs de bon élève. Son ton calme et posé détonne dans un milieu dopé à la punchline. Quand d’autres ne font « que du sale », il reste humble, et avoue en riant prendre « 50 000 douches » par jour. À l’heure des clashs, il ne dit jamais du mal d’un autre artiste. Et quand il revient sur la rapidité de son succès, il le fait sans vantardise. Comme si l’énorme travail abattu depuis qu’il composait dans le sous-sol de L’Escale, le centre socioculturel de sa commune, finissait simplement par payer. « J’avais un deal avec mes parents. Mon bac S en poche, je pouvais prendre une année sabbatique pour faire de la musique ou me lancer dans une licence de physique-chimie. La musique a gagné… J’ai très rapidement signé un contrat d’édition chez Warner. »

Une « machine à hits »

Ce touche‑à-tout est aussi à l’aise pour accompagner Natasha St-Pier que Disiz, pour composer avec la découverte de The Voice Louane qu’avec la star Shakira ou « tonton » Florent Pagny (leur album Le Présent d’abord est entré directement numéro un des ventes en France). Familier de la scène rap, il a décroché une Victoire de la musique aux côtés de Maître Gims pour Sapés comme jamais (aujourd’hui plus de 325 millions de vues sur YouTube). Mais il s’est surtout révélé en éminence noire de l’afrotrap (mélange de rap et de rythmiques africaines) en coréalisant le premier album de MHD. « C’est mon frérot ! Pour notre premier son ensemble, on s’est rencontrés via son producteur, et tout s’est fait très vite. Il était dans mon studio de Montreuil à 20 heures, on commençait à bosser à 20 h 30, à minuit la prod était finie ! »

Aujourd’hui il collabore avec des monuments, ceux qu’il a écoutés quand il était gosse… et qui l’écoutent aujourd’hui. Booba, par exemple, pour qui la « machine à hits » a composé deux titres parus dans le dernier album du Duc, Trône. « En ce moment on se parle presque tous les jours, glisse-t‑il. Je me suis rendu dans son studio, à Miami. Je me suis mis au clavier, lui posait sa voix. On a avancé comme ça, tout simplement, comme si on “jammait”, qu’on tentait des impros. »

Je suis capable de m’adapter à des univers très différents : rock, pop… Mais c’est l’afro qui me définit aujourd’hui

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Le gosse de banlieue en a fait du chemin du 94 à la Floride, des soirées « open mic » du cinéma Le Casino de Villiers jusqu’au prime time de M6, de sa confiance aveugle dans les artistes à la fondation de son label O-Vnee Music. Anne Cibron, également manager de Booba, gère ses affaires et fait partie de sa famille depuis sept ans. Mais il garde les pieds sur le « ter-ter ». Il passe souvent aux Hautes-Noues, au moins pour sa session de boxe du matin sur le ring de L’Escale. Et a acheté il y a un an une maison dans la commune toute proche et plus coquette de Champigny-sur-Marne. « Je vis avec mes parents, révèle-t‑il. Je ne vais pas faire pleurer avec un couplet mélo, mais j’ai grandi en HLM dans une famille surendettée. Quand j’ai commencé à toucher des droits d’auteur, l’argent servait déjà en grande partie aux miens. »

Il dit que ses parents, originaires du Congo-Brazzaville, lui ont transmis des valeurs… et du son. Il a autant pioché dans la discothèque familiale (Papa Wemba, Michael Jackson, Claude François) que dans la caverne d’Ali Baba du Net, entre vieilleries géniales (Sam Cooke) et nouveautés brûlantes (Wizkid, Drake). De quoi donner un prisme d’inspirations ultra-large au producteur 2.0, capable de passer de la guitare de rumba congolaise à la kora et aux synthés rétrofuturistes. Son noyau, cependant, reste résolument afro. « Je n’ai pas commencé par ça, et je suis capable de m’adapter à des univers très différents : rock, pop… Je n’ai pas d’appréhension. Mais c’est l’afro qui me définit aujourd’hui. »

Nouvelle Star, je l’ai fait pour trouver des pépites, des artistes que je peux emmener plus loin, pas pour me mettre en avant

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Annoncé depuis plusieurs mois, le premier album à son nom restera dans la lignée de cette pop métisse qu’il façonne de hit en hit. De la « musique commerciale », même si lui ne veut pas mettre trop de mots sur ce qu’il pianote. Commercial ou pas, il veut faire bouger les têtes et les hanches. L’exercice du projet personnel le force en tout cas à se demander qui il est vraiment, à retrouver son chemin au milieu d’une forêt d’influences.

Petit à petit, l’ex-producteur anonyme s’est fait un nom, et existe pour le grand public. « Aujourd’hui les gens me reconnaissent dans la rue », sourit-il. Mais il se défend de goûter à la célébrité. « Nouvelle Star, je l’ai fait pour trouver des pépites, des artistes que je peux emmener plus loin, pas pour me mettre en avant. Les artistes avec qui j’ai bossé en tournée, Orelsan ou Gims, m’ont toujours mis en avant. Je ne me suis jamais posé la question de l’ombre ou de la lumière. » Dany Synthé baisse la visière de sa casquette, tandis qu’aux murs de l’agence de com luisent ses disques de platine.

Avec Papa Wemba

« Je n’y ai pas cru quand on m’a dit que Papa Wemba voulait me rencontrer. C’était au début de 2016. On s’est vus dans un resto afro à Paris. Il est venu vers moi : « Je suis très honoré de te rencontrer. » Je lui ai répondu : « Non, c’est moi qui suis honoré de vous rencontrer ! » En général, je demande aux artistes dans quelle direction ils veulent travailler. Lui m’a dit que c’était à moi de lui donner une direction. Nous sommes entrés en studio une semaine après. Nous avons eu le temps d’enregistrer le titre Chacun pour soi. J’avais un autre son sur lequel il devait poser sa voix… mais il est parti avant. »

Un album poids lourd en 2018

La star nigériane Davido et la rappeuse belge Shaye réunies entre le studio de Dany et les rues de Los Angeles. En mettant en ligne fin octobre un clip de son premier titre (Too Good to You), le beatmaker a donné le ton. Et on a réussi à lui soutirer quelques infos sur l’album top secret qui doit suivre. L’ADN du disque, le premier à son nom, reste afro : « Ce genre de projet t’oblige à te recentrer sur tes influences et ce que tu as envie de défendre sur le moment », explique-t‑il. L’ambition est de regrouper, sur 12 à 14 titres, beaucoup de grosses pointures, dont au moins Fally Ipupa, Maître Gims et MHD, comme il nous l’a expliqué à demi-mot. Sortie prévue pour courant 2018. « Je suis à mi-chemin », lâche le producteur, qui doit composer avec les agendas des artistes… et les inimitiés.

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