Israël – Iran : une guerre programmée ?

Le 10 février a marqué un tournant dans les relations entre Israël et l’Iran : pour la première fois depuis 30 ans, l’État hébreu a perdu un jet militaire, abattu par la DCA syrienne alors qu’il était en mission pour bombarder des positions iraniennes.

Les débris d’un F-16 israélien, abattu au dessus de la Syrie le 10 février 2018. © Rami Slush/AP/SIPA

Les débris d’un F-16 israélien, abattu au dessus de la Syrie le 10 février 2018. © Rami Slush/AP/SIPA

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Publié le 25 février 2018 Lecture : 5 minutes.

Édito. Ici même, à plus d’une reprise, j’ai évoqué le spectre d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Ce serait une vraie guerre dans laquelle seraient impliquées les puissances arabes de la région. Et les non arabes : Israël, Iran, Turquie. Toutes sont armées jusqu’aux dents ; les dirigeants de la plupart d’entre elles pensent qu’un affrontement entre leurs pays est devenu inévitable. Depuis ce 10 février, nous y sommes.

Ou bien nous y allons tout droit, car, ce jour-là, nous sommes passés des escarmouches à l’engagement guerrier : Israël a envoyé son aviation bombarder, en plusieurs vagues, des positions iraniennes en Syrie. Pour la première fois depuis plus de trente ans, l’État hébreu a perdu un appareil, un F16 abattu par la DCA syrienne.

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Un acte de guerre mûrement réfléchi

C’est là un acte de guerre mûrement réfléchi, jugé nécessaire et qui pourrait apparaître un jour comme celui qui a déclenché les hostilités. À tout le moins, il les annonce et l’on estime qu’un conflit armé peut s’engager cette année même.

Il nous faut donc regarder de plus près cette malheureuse région où les guerres se succèdent, voire se superposent. Deux grandes et étonnantes nouveautés apparaîtront au grand jour.

Pour la première fois, Israël ne se bat plus contre des pays arabes mal préparés

Pour la première fois depuis les soixante-dix ans de présence dans la région d’un Israël de plus en plus « sûr de lui et dominateur », ce pays ne se bat plus contre des pays arabes mal préparés.

Désormais, l’ennemi est l’Iran, une grande puissance régionale qu’Israël considère comme son principal adversaire. Au point que l’actuel Premier ministre de l’État hébreu, Benyamin Netanyahou, en a fait son idée fixe.

Le président iranien Hassan Rohani à Téhéran (Iran), le 3 juillet 2017. © Vahid Salemi/AP/SIPA

Le président iranien Hassan Rohani à Téhéran (Iran), le 3 juillet 2017. © Vahid Salemi/AP/SIPA

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D’anciens adversaires à alliés objectifs

L’Israël de 2018 a transformé d’anciens adversaires arabes, dont l’Égypte et l’Arabie saoudite, en alliés objectifs. L’Amérique de Donald Trump est le parrain de cette étrange alliance, et deux petits pays arabes, les Émirats et la Jordanie, se comportent en alliés périphériques.

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Devenu République islamique en 1979, l’Iran est une nation millénaire que personne, depuis l’empereur Alexandre, n’a jamais réussi à conquérir. Il n’est pas encore une puissance nucléaire, mais peut le devenir, alors qu’Israël l’est déjà depuis un demi-siècle ; l’État hébreu bénéficie en outre de son alliance permanente, militaire, diplomatique et financière, avec les États-Unis.

Dans sa guerre programmée contre l’Iran, il peut compter désormais sur ses nouveaux alliés arabes, dont certains sont très riches et plus décidés encore que lui à refouler l’Iran à l’intérieur de ses frontières.

L’encadré ci-dessous complète ces données et montre que l’Iran, qui n’a plus à sa frontière un Irak hostile, subirait des revers et pourrait même être contenu. Mais lui faire la guerre et diminuer son influence sera coûteux et non productif. Ne dispose-t-il pas déjà de missiles capables d’atteindre Israël ?

Iran-Israël en 2016 © JA

Iran-Israël en 2016 © JA

Mieux vaut lui faire une place dans la région, l’intégrer au Moyen-Orient et au monde, l’aider à évoluer : ce qu’avait entrepris de faire le président Obama. Éduquée, la jeunesse iranienne vient de montrer à son gouvernement et au monde qu’elle veut que ses aspirations à la modernité soient prises en compte.

L’Iran ne dispose-t-il pas déjà de missiles capables d’atteindre Israël ?

Une nouvelle guerre au Moyen-Orient confirmera que la Turquie n’est plus l’allié, ni d’Israël ni, bien que membre de l’Otan, des États-Unis. Mais elle fera surtout apparaître que la Russie a remplacé les États-Unis dans la région.

Une nouvelle puissance régionale

Depuis deux ans, la Russie intervient partout, jusqu’en Libye, sur la rive sud de la Méditerranée. Son aviation et ses forces spéciales agissent en Syrie, où elles ont sauvé le régime de la défaite. Sa diplomatie s’emploie à trouver une issue politique et négociée à la guerre civile syrienne.

Si les États-Unis « ont des plans mais pas de stratégie », les Russes ont pour objectif stratégique de dialoguer avec tout le monde, de s’ouvrir des portes et de veiller à ce qu’elles demeurent ouvertes.

>>> À LIRE – Enquête : comment Vladimir Poutine s’est rendu incontournable en Afrique du Nord et au Moyen-Orient

N’ont-ils pas conclu une alliance pétrolière avec l’Arabie saoudite, qui fait de Moscou et de Riyad– les deux premiers exportateurs du monde – deux des maîtres du prix du baril ? Les Russes n’ont-ils pas fait de Netanyahou, le Premier ministre d’Israël inféodé à Trump, l’un des visiteurs les plus assidus du Kremlin ?

N’ont-ils pas honoré le « maréchal » libyen Khalifa Haftar, supposé « agent de Washington », et n’interviennent-ils pas déjà, en force, dans ce pays africain qu’on supposait dans l’orbite occidentale ?

Quel est le pays qui, en 2018, parle à la fois à l’Iran, à la Syrie, à Israël, à l’Autorité palestinienne, à la Jordanie – qui a rétabli des liens avec l’Arabie saoudite –, a noué des liens avec le Qatar et a retourné la Turquie ? La Russie.

Quel est le pays qui parle à la fois à l’Iran, à la Syrie, à Israël, à l’Autorité palestinienne, à la Jordanie, a noué des liens avec le Qatar et a retourné la Turquie ? La Russie

Trente ans après la dislocation de l’URSS, Vladimir Poutine et son équipe font comme si leur pays n’avait pas, en 1990, perdu la guerre froide. Sous leur direction, la Russie a retrouvé, notamment au Moyen-Orient, une influence plus grande que celle de l’URSS à la fin du XXe siècle.

Et, partant, la fierté d’être redevenue une puissance mondiale, rôle que lui déniait Obama. Son objectif de constituer avec la Chine et les États-Unis le triumvirat qui dirigera le monde pourrait même apparaître comme accessible à moyen terme.

Le président russe Vladimir Poutine serre la main du président syrien Bachar el-Assad au Kremlin à Moscou (Russie), le 20 octobre 2015 © Alexei Druzhinin/AP/SIPA

Le président russe Vladimir Poutine serre la main du président syrien Bachar el-Assad au Kremlin à Moscou (Russie), le 20 octobre 2015 © Alexei Druzhinin/AP/SIPA

Une guerre Israël – Iran ?

La guerre civile syrienne, qui dure depuis sept ans et dont nous pensions qu’elle tirait à sa fin, risque de se transformer en guerre entre Israël et l’Iran sur le sol syrien.

Le premier acte de cette nouvelle guerre s’est joué le 10 février 2018

Le premier acte de cette nouvelle guerre s’est joué le 10 février 2018, lorsque l’aviation israélienne s’est attaquée à des positions iraniennes dans les faubourgs de Damas.

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