RDC : Mova en terrain mouvant au sein du parti de Kabila

À dix mois d’hypothétiques élections et dans un climat tendu, le président Kabila a nommé ce fidèle compagnon de route vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur.

Henri Mova Sakanyi. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Henri Mova Sakanyi. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

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Publié le 27 février 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est un rebondissement presque inespéré dans la carrière d’Henri Mova Sakanyi. Depuis plusieurs semaines, en effet, on ne donnait plus cher du secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), y compris dans son propre camp. À la mi-janvier, sa gestion de la formation au pouvoir avait été mise en cause dans un rapport interne, où lui était reproché son éloignement du terrain. Quelques jours plus tard, le poste qu’il occupait depuis mai 2015 avait carrément été supprimé des statuts révisés du PPRD, dont JA avait pris connaissance avant lui…

Pourtant, Henri Mova Sakanyi, 55 ans, avait encore des atouts dans sa manche. Le 20 février, il a été nommé vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur et de la Sécurité. Est-ce « pour assurer une sortie honorable » à ce Katangais, natif de Lubumbashi, comme le prétendent ses détracteurs ? Sans doute, mais pas seulement. Car, malgré les critiques acerbes auxquelles il est en butte, « Mova conserve la confiance du chef », reconnaît un haut responsable du parti présidentiel. De fait, dans sa famille politique, beaucoup ont oublié – peut-être un peu trop vite – que Mova Sakanyi est l’un des rares cadres du mouvement à pouvoir se prévaloir d’une proximité constante avec les Kabila père et fils. « Je suis un enfant du sérail », aime-t-il à se décrire à ses visiteurs du soir. En effet, ce brillant universitaire n’a jamais quitté le système depuis qu’il y est entré, il y a plus de vingt ans.

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Coup de théâtre

Le 11 avril 1997, il n’est encore que le représentant local de l’influente Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) quand il rencontre le jeune afande (« commandant » en swahili) Joseph Kabila. Quarante-huit heures plus tôt, Lubumbashi est tombé aux mains de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Le militant espère convaincre le rebelle de respecter les libertés fondamentales dans les territoires nouvellement « libérés ». Coup de théâtre : à l’issue de la rencontre, c’est Mova Sakanyi qui rejoint l’AFDL ! Avec une poignée d’autres intellectuels katangais, il est adoubé par le Mzee Laurent-Désiré Kabila, alors leader de la coalition armée, et intègre le comité restreint chargé de réfléchir aux « stratégies de la prise de Kinshasa ».

La suite est connue. Comme un fruit trop mûr, la capitale tombe un mois plus tard. Mova devient ministre au sein du premier gouvernement de l’après-Mobutu. Il se verra confier ensuite diverses responsabilités au sein de l’exécutif et des chancelleries congolaises à l’étranger. Après six années à Bruxelles, au poste clé d’ambassadeur près le Benelux et l’UE, il rentre au pays en 2015 pour prendre les rênes du PPRD.

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Aujourd’hui, Mova hérite d’un portefeuille régalien ultrasensible. Ses prédécesseurs, Évariste Boshab et Emmanuel Ramazani Shadary, sont tous deux sous le coup des sanctions de l’UE (gel de leurs avoirs, interdiction de voyager) et, depuis le 21 février, de la Suisse. Il leur est reproché d’avoir été, en leur « qualité de ministre de l’Intérieur, responsable[s] des arrestations de militants et de membres de l’opposition » ainsi que d’avoir fait un « usage disproportionné de la force ». Tenant d’une ligne dure au sein du PPRD, Mova sera-t-il le prochain sur la liste ? « Dans le contexte actuel, il faudra encore plus d’État », souligne prudemment son entourage.

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À dix mois de très hypothétiques élections, le climat est tendu. Depuis plusieurs semaines, un groupe de laïcs catholiques, fort du soutien de l’Église, appelle les chrétiens à manifester pour exiger l’application de l’accord politique de la Saint-Sylvestre 2016. Interdites par les autorités, ces marches anti-Kabila sont systématiquement réprimées dans le sang. « Des accusations non vérifiées, esquive Patrick Nkanga, conseiller du chef de l’État et proche de Mova. Nous avons désormais un ministre de l’Intérieur qui saura communiquer avec les ONG. Ce sont elles qui salissent l’image de nos forces de l’ordre ! »

Une chose est sûre : en plus de s’être vu renouveler la confiance du chef, Mova Sakanyi pourra compter sur le soutien d’un autre Katangais, Jean Mbuyu. Fraîchement désigné conseiller du président en matière de sécurité, ce dernier était l’un des rares caciques du PPRD à suivre assidûment les ateliers de réflexion mis sur pied par l’ex-secrétaire général. Qui a dit que Mova était seul ?

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