Musiques – Ghana : Guy One, le berger du son au groove imparable

Hier éleveur, le chanteur et musicien Guy One a réussi à exporter son art en Afrique de l’Ouest et en Europe. Il vient de sortir « #1 », un premier album brillant.

L’artiste, aussi surnommé Second Jesus. © Sebastian Marggraf

L’artiste, aussi surnommé Second Jesus. © Sebastian Marggraf

leo_pajon

Publié le 9 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Il faut l’imaginer adolescent près de Bolgatanga, dans le nord du Ghana. À l’ombre d’un baobab, non loin de huttes en terre sèche, l’artiste en devenir pince les deux cordes d’un kologo artisanal, sorte de banjo qu’il a fabriqué avec un manche à balai et une boîte de conserve. Son seul public est alors son troupeau.

Frafra ? Un peuple, une langue, une musique

Aujourd’hui Guy One (« le mec numéro un ») comme le virtuose est surnommé dans sa communauté, se produit partout : au Ghana, mais aussi au Nigeria, au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire et jusqu’en Europe, où il assure des concerts depuis quatre ans.

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« En ce moment, notre tourneur nous appelle presque tous les jours avec une requête pour des dates supplémentaires, s’enthousiasme Max Weissenfeldt, producteur allemand à la tête du label Philophon, qui épaule l’artiste. J’estime que nous allons faire une quarantaine de concerts en Europe cette année. »

Deux artistes, Florence Adooni et Lizzy Amaliyenga, autres étoiles de la musique « frafra », se joindront au groupe. Frafra ? Le terme désigne la population à cheval entre le nord du Ghana et le sud du Burkina, mais aussi une langue et un style musical basé sur une gamme pentatonique (celle du blues) et des rythmes traditionnels comme le kpanlogo (proche de celui du highlife). Au-delà des termes techniques, Guy One s’impose par un groove imparable et des tourneries hypnotiques.

Second Jesus

À Berlin, incapable de communiquer verbalement, il y entame pourtant en studio avec les musiciens locaux de fructueuses sessions d’improvisation

Rien de plus facile pour un artiste qui a longtemps œuvré lors de cérémonies traditionnelles et qui peut, grâce à son kologo, convoquer le monde invisible des esprits. L’homme s’est d’abord forgé une solide réputation locale : « Certaines personnes âgées jurent que, si elles meurent, elles ne veulent pas que leur corps soit enterré avant que je puisse faire leur éloge funèbre », révèle celui qui est également surnommé chez lui Second Jesus.

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Gloire régionale, le musicien est devenu une figure nationale, la télé ghanéenne lui attribuant le prix de l’artiste traditionnel de l’année. Guy One a quitté pour la première fois son pays en 2013 pour atterrir à Francfort, avec en poche un bout de papier et quelques mots en anglais.

Arrivé à Berlin, incapable de communiquer verbalement, il y entame pourtant en studio avec les musiciens locaux de fructueuses sessions d’improvisation qui aboutiront à #1, sorti en ce début d’année.

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Le mérite de l’album est de réussir à puiser dans l’authenticité de la musique frafra tout en l’enrichissant d’arrangements somptueux et modernes convoquant cuivres, orgue, synthé ou chœurs. Entre prise live et postproduction savante, #1 est spontané et inventif avec ses clameurs de ville, ses flûtes lointaines noyées sous les effets de réverbération, l’apparition d’un vibraphone… Guy One nous fait partir loin, très loin, en bon berger du son.

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