Guinée : la fille de Sékou Touré entre en politique

La liste indépendante qu’elle conduisait dans l’une des plus stratégiques communes de la capitale est arrivée en tête aux municipales. Rencontre avec Aminata Touré.

Aminata Toure, à Conakry, en février 2018. © Youri Lenquette pour JA

Aminata Toure, à Conakry, en février 2018. © Youri Lenquette pour JA

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Publié le 5 mars 2018 Lecture : 3 minutes.

Un chauffeur de taxi à Conakry, e,n 2014. © Youri Lenquête pour Jeune Afrique.
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La Guinée face au choc social

La croissance est forte et soutenue. Les revendications sociales le sont aussi en matière de pouvoir d’achat, d’accès aux services de base et, surtout, d’emploi des jeunes. Les Guinéens veulent du changement. Et ils le font savoir.

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Cet article est issu de notre Grand Format « Guinée : le choc social », à lire dans le n°2982 de Jeune Afrique paru ce dimanche 4 mars

Elle est assise sur un canapé blanc, dans la cour d’un immeuble de Sandervalia. Des femmes vêtues et coiffées de pagnes aux couleurs chatoyantes se pressent autour d’elle. De nombreux jeunes tentent de se frayer un chemin pour la voir. Depuis un quart d’heure, des responsables du Parti démocratique de Guinée (PDG, ex-parti unique) se relaient pour la présenter, elle, « la fille de Sékou ». Sous les applaudissements, Aminata Touré se lève. Un verre tombe et se brise. Pour la petite foule désormais assise, c’est un signe. « Esprit Sékou, es-tu là ? » On regarde Aminata. Et on revoit Sékou. Même visage massif et « la peau bien noire », comme elle dit.

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Trente-quatre ans après la mort de Sékou Touré, l’aînée de ses trois enfants s’engage en politique, comme son cadet, Mohamed, qui a repris les rênes du PDG en 2010. Mais, à 64 ans, c’est à la tête d’une liste indépendante, Kaloum Yigui (« l’espoir de Kaloum »), qu’elle a choisi de se présenter aux communales et qu’elle s’est imposée.

Pendant plusieurs semaines, accompagnée de ses proches conseillères et fidèles amies, dont Mamakalas Traoré, sa « dir cab », elle a défendu son programme. Elle a passé un pacte social avec les Kaloumkas, leur promettant « une ville propre et moderne ». « Kaloum, c’était le quartier de Sékou Touré, celui où mon grand-père avait une concession, celui où j’ai grandi, au palais présidentiel, rappelle-t-elle. Je rêve qu’il redevienne ce qu’il était. »

Loin du brouhaha, dans son QG, près de la corniche, de vieux serviteurs de Sékou l’entourent, comme Anta Cheick Condé, coiffé du même calot blanc que celui qu’arborait le père de la nation. « Nous, nous l’appelons Sékou Aminata Touré, c’est sa digne héritière, une grande dame, elle ira loin », affirme-t-il.

L’Histoire jugera. Il faudra du temps pour savoir précisément ce qu’il s’est passé

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Comme son illustre père, qu’elle trouvait « beau dans ses grandes tenues blanches », Aminata Touré met un point d’honneur à être toujours élégante. Bien éloignées des discours marxistes-léninistes du Sékou des années 1960, ses idées correspondent plutôt à la phase libérale de la fin de son régime.

Cap sur Sékhoutouréya ?

« Je suis une femme de mon temps, réaliste. En tant que chef d’entreprise dans le BTP, je pense qu’il faut de la libre entreprise, mais il ne faut pas oublier le social, insiste-t-elle. C’est une fierté d’être la fille de celui qui a posé un acte fort le 2 octobre 1958, non seulement pour la Guinée, mais pour toute l’Afrique. » Et les purges, les disparus du camp Boiro ? « L’Histoire jugera. Il faudra du temps pour savoir précisément ce qu’il s’est passé. »

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Elle retient surtout les bons souvenirs, comme « les dîners en famille au palais, très tard le soir ». Ou cette fois où « j’étais très malade et c’est papa lui-même qui m’a emmenée à l’hôpital en me portant dans ses bras ». Aminata Touré dit avoir surtout gardé les valeurs « de travail, d’humilité, d’intégrité » qu’il lui avait enseignées.

« Mon père ne s’est jamais enrichi sur le dos des Guinéens. Quand nous étions petits, il nous obligeait, mes frères et moi, à aller à l’école à pied, on n’avait pas de chauffeur. Et on faisait des madeleines pour les enfants pauvres. »

Quant aux pires moments, les tentatives de putsch, la prison, puis les années d’exil aux États-Unis après le décès de son père, en 1984, elle préfère ne pas en parler et regarder devant. Certains verraient d’ailleurs bien la tête de liste de Kaloum Yigui devenir l’espoir de tout un pays et, pourquoi pas, revenir un jour au palais présidentiel de Sékhoutouréya, « chez Sékou Touré », en soussou.

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