Économie informelle en Tunisie – Alaa Talbi : « L’État lui-même déroge à la loi »

Si l’économie informelle représente 54 % du PIB tunisien, l’État lui-même est l’un des acteurs de ce secteur, analyse Alaa Talbi, directeur exécutif du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux.

alaa talbi, tunis, 24 février 2018 © Ons Abid pour ja

alaa talbi, tunis, 24 février 2018 © Ons Abid pour ja

Publié le 19 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Manque à gagner pour l’État, moyen de survie pour une partie de la population… L’économie informelle explose en Tunisie : elle représente 54 % du PIB. L’État lui-même participe à cette économie grise, selon Alaa Talbi, directeur exécutif du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux.

Jeune Afrique : Quelle est la place de l’informel en Tunisie ?

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Alaa Talbi : Il est partout. L’un de nos rapports a établi que l’État lui-même est un opérateur de l’informel. Il propose en effet des emplois précaires, notamment à des ouvriers, sans pour autant leur accorder une couverture sociale ni les déclarer.

À plus grande échelle, il agit de la même manière avec les vacataires qu’il emploie. Difficile pour l’État de demander que l’on respecte la loi si lui-même y déroge. Néanmoins, il faut reconnaître que ces situations deviennent de plus en plus exceptionnelles, même si elles perdurent dans certains secteurs comme l’agriculture et les métiers à forte pénibilité.

Peut-on imaginer la suppression de l’informel ?

Dans l’état actuel des choses, cela romprait des équilibres. Dans certaines régions, l’informel contrebalance l’absence ou la déficience de l’État. Quand il est dans l’incapacité de fournir des produits de première nécessité dans des zones démunies, dont celles aux frontières, l’informel y pourvoit. Cela crée une régulation et évite les fronts sociaux. C’est pourquoi le gouvernement tolère toujours une part d’activité parallèle. Jusqu’à présent, les différentes tentatives d’intégrer l’informel ont échoué, mais il faudra tôt ou tard réduire sa part dans l’économie du pays.

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Au moment du démantèlement du camp de réfugiés de Choucha [Sud] en 2013, le projet de créer une zone franche, comme en d’autres points du pays, a été mis à l’étude. Mais il n’a pas abouti. Aujourd’hui, il est question d’en créer une entre El Oued [Algérie] et Tozeur [Centre-Ouest]. On peut même considérer que certains souks, comme celui d’El Jem, sont des zones franches de fait.

Il faut trouver la bonne stratégie par rapport à l’informel, qui ne se réduit pas à la vente de produits de contrebande.

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Quelles sont les solutions ?

Il faut contourner l’exclusion et faire des acteurs de l’informel des interlocuteurs, au même titre que les instances nationales, pour établir un modèle de développement national qui puisse être reproduit au niveau régional. Cette concertation est nécessaire.

Jusqu’à présent, ces acteurs n’ont pas été entendus alors qu’ils ont une connaissance très fine de leur environnement et des besoins locaux. Même s’ils ne sont pas en conformité avec la loi, ce sont des opérateurs économiques qui comptent dans leur région, qui ont l’esprit d’entreprise et le sens de l’initiative.

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