Djibouti recherche opposition désespérément…
Les récentes élections législatives qui se sont tenues le 23 février à Djibouti – largement remportées par le parti au pouvoir – ont été une preuve supplémentaire de la prédominance du parti face à l’opposition. Pluraliste dans les textes, la démocratie y est incomplète et reste entre les mains de la majorité.
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Olivier Caslin
Spécialiste des transports et des questions économiques multilatérales. Il suit également l’actualité du Burundi, de Djibouti et de Maurice.
Publié le 13 mars 2018 Lecture : 3 minutes.
Tribune. « Je viens de transmettre au président, et à travers lui à la nation djiboutienne, mes félicitations pour l’ancrage de la démocratie dans le pays. » C’est, à quelques mots près, la teneur de la déclaration d’Anicet-Georges Dologuélé, le chef de la mission d’observation électorale envoyée par l’Union africaine pour suivre les législatives du 23 février, au sortir de son audience avec Ismaïl Omar Guelleh (IOG), le chef de l’État djiboutien, trois jours plus tard.
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La formule employée par l’ancien Premier ministre centrafricain semble certes des plus convenues, mais elle repose sur une réalité certaine à Djibouti. Depuis l’instauration du multipartisme intégral en 2002, les différents scrutins présidentiels, législatifs et même cantonaux rythment le calendrier politique dans le respect des échéances prévues par la Constitution.
Démocratie incomplète
Pourtant, la démocratie djiboutienne demeure bien incomplète. Si elle est pluraliste dans les textes, elle reste dans les faits entre les mains du parti majoritaire, qui, depuis quinze ans, truste les victoires électorales, collectant plus de 80 % des suffrages à chaque scrutin, comme cela a encore été le cas en février.
Si l’opposition reste marginale, elle le doit en grande partie à ses différents leaders
Le chef de l’État, qui maîtrise parfaitement les grands équilibres communautaires et claniques de la société djiboutienne, ne cesse bien sûr de diviser le camp adverse pour mieux le fragiliser. Mais si l’opposition reste marginale, elle le doit en grande partie à ses différents leaders. D’abord du fait de leur décision, jusqu’en 2013, de boycotter tous les rendez-vous électoraux. Ensuite parce qu’à partir de la présidentielle de 2016 ces mêmes leaders se sont présentés en ordre dispersé aux élections.
Entre ces deux périodes, Djibouti a connu une « embellie démocratique » durant laquelle, pour la première et unique fois depuis l’indépendance, l’opposition a fait front commun autour de ses meilleurs cadres sous la bannière de l’Union pour le salut national (USN). Au point de donner l’illusion de proposer une vraie alternative et de contester sérieusement le pouvoir dans les urnes, l’obligeant même à négocier un accord-cadre signé en décembre 2014.
>>> A LIRE – Djibouti : après la disparition d’Ismaïl Guedi Hared, l’opposition se divise
Cette union a volé en éclats deux ans plus tard, minée par la bataille d’ego entre ses chefs et les promesses de transparence non tenues du gouvernement. Aujourd’hui, l’USN semble vidée de toute substance, sans le sou et orpheline depuis la disparition de personnalités telles qu’Ahmed Youssouf Houmed et Ismaïl Guedi Hared, ou le retrait d’un dirigeant naturel comme Daher Ahmed Farah.
Fin de l’« embellie démocratique »
La parenthèse ouverte en 2013, vite refermée, a pourtant laissé des traces durables dans les mentalités, au sein de la population comme de la classe politique. Côté pile, elle introduit la culture du débat contradictoire, notamment à l’Assemblée nationale, qui accueille alors ses premiers députés issus de l’opposition. Côté face, elle provoque une profonde désillusion parmi les couches populaires, chez ceux qui s’estiment spoliés d’une victoire qui leur tendait les bras ou chez d’autres, déçus par des représentants politiques plus préoccupés d’eux-mêmes et de leur parti que du pays.
Si elles veulent pousser le pouvoir à rouvrir les négociations, les grandes figures de l’opposition auraient tout intérêt à s’entendre pour faire renaître l’USN de ses cendres
Résultat, alors que le scrutin de 2013 avait suscité un engouement sans précédent à travers la petite République, les électeurs se sont déplacés « au compte-gouttes » cinq ans plus tard, selon l’expression d’un observateur indépendant.
Les dernières décisions prises par IOG – quota de 25 % de femmes sur les listes électorales, soutien à la création d’une Commission nationale de la communication, inspirée du Conseil supérieur de l’audiovisuel français – devraient renforcer la démocratie.
Mais cette dernière reste largement perfectible, notamment sur la question du statut officiel de l’opposition, prévu par l’accord de 2014 et qui attend toujours d’être défini. Faute d’interlocuteur, le gouvernement a beau jeu d’enterrer les discussions. Si elles veulent pousser le pouvoir à rouvrir les négociations, les grandes figures de l’opposition auraient tout intérêt à s’entendre pour faire renaître l’USN de ses cendres.
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