Assurances : Moulay M’hamed Elalamy s’affirme
Intronisé à la tête de Saham Assurance l’année dernière, l’aîné de la fratrie est resté discret avant de refaire surface et de confirmer son statut de favori pour prendre à terme la succession de son père aux commandes du groupe.
À 28 ans, Moulay M’hamed Elalamy (MME) est le plus jeune directeur général d’une société marocaine cotée à la Bourse de Casablanca. Depuis un peu plus d’un an, il est à la tête de Saham Assurance, filiale du groupe Saham fondé il y a vingt-trois ans par son père, Moulay Hafid Elalamy (MHE). Il a succédé à Ahmed Mehdi Tazi, dont la démission avait pris tout le monde de court, avant que les projecteurs ne se braquent sur le nouveau patron. Ce dernier s’est montré très discret durant sa première année d’activité. « Je suis convaincu qu’il vaut mieux agir avant de parler plutôt que de faire le contraire », lance celui qui nous accueille dans son bureau sur le boulevard Zerktouni à Casablanca, en empruntant une citation chère à son père, ministre de l’Industrie depuis 2013.
Un silence d’autant plus naturel qu’aucune annonce importante n’est intervenue en dehors de la présentation des résultats annuels, deux mois à peine après son arrivée. Premier rendez-vous réussi pour le nouveau DG, qui avait dû justifier le redressement fiscal subi par l’entreprise devant un parterre de journalistes et d’analystes avides d’explications. « Contrairement à d’autres grandes fortunes du pays, MHE a probablement un bon successeur, il suffit de bien le préparer », estime un proche du groupe.
Au début de février, l’héritier du groupe Saham a repris la parole pour dévoiler l’un des plus gros chantiers enclenchés par la filiale assurance ces dernières années. Armé de son fidèle sourire et de son habituel costume bleu, MME a donné le coup d’envoi de la transformation numérique de la compagnie en présentant la Digital Factory : un centre de recherche nouvelle génération, étalé sur plus de 700 m², reprenant l’esthétique des start-up californiennes. Ici, on ne croise pas les cols blancs typiques du secteur des assurances, mais une quarantaine de geeks allongés sur de gros canapés avec un ordinateur entre les mains. Leur mission est simple : trouver un moyen efficace, technologique ou non, de séduire davantage de clients et surtout de pouvoir les garder le plus longtemps possible. « Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est grâce à la Digital Factory que nous avons réussi à rédiger le premier contrat d’assurance en arabe au Maroc, en plus de toutes les nouveautés que nous avons intégrées dans notre application », nous explique fièrement MME.
Avec cette plateforme, Saham Assurance entend creuser l’écart avec la concurrence. Outil de veille concurrentielle et d’expérimentation, le groupe marocain reprend une recette adoptée par Allianz il y a quelques années. L’objectif est par exemple de repérer au niveau mondial les innovations qui pourront être déclinées dans le royaume. Avec le lancement de la Digital Factory, le fils Elalamy entend imprimer sa marque dans un groupe bâti de toutes pièces par son père et insuffler un vent de nouveauté dans un secteur vieillissant.
Nouvelles technologies
« Mon père a fondé ce groupe, et son ADN est présent ici. C’est vrai qu’on fait les choses différemment, il est plus entrepreneur que moi, mais j’ai carte blanche pour la gestion », nous répond l’aîné de la famille Elalamy.
Pour s’imposer en interne, il a naturellement commencé par former son « cabinet » avec des profils sélectionnés par ses soins (lire encadré ci-contre). Les premiers mois n’ont pas été les plus faciles, comme il nous le confie. Il a fallu qu’il apprenne les ficelles du métier d’assureur tout en élaborant une vision stratégique pour l’une des filiales les plus performantes du groupe. « Ça m’a pris trois mois. L’entreprise était très bien gérée avant que j’arrive et, globalement, nous allons continuer sur la même lancée », confie MME, visiblement peu enclin à dévoiler son jeu. Sa principale priorité sera d’accroître la réactivité de ses équipes grâce aux nouvelles technologies.
« J’ai un président (Nadia Fettah Alaoui) à qui je dois rendre des comptes, ainsi qu’un conseil d’administration demandeur de rentabilité », précise MME, conscient que rien n’est acquis, tout fils du fondateur qu’il est.
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« Depuis la nomination d’Elalamy père à la tête du ministère de l’Industrie en octobre 2013, les équipes du groupe assistent à la montée en puissance de Moulay M’hamed pour qu’il devienne son digne successeur », nous livre ce proche du groupe. Une ascension en accéléré. MME a d’abord été nommé chargé de mission dans le cabinet de Saâd Bendidi, ex-PDG de l’ONA, alors directeur général délégué de Saham. Il n’avait à ce moment-là passé que quelques années au sein du cabinet de conseil Boston Consulting Group et de la société d’investissement Abraaj Capital.
Quelques mois plus tard, il a pris la direction générale de Saham Assistance, la plus petite filiale du groupe à l’époque, où il restera moins de deux ans. « Ma priorité a été d’accélérer le traitement des dossiers d’assistance », explique, fidèle à son credo, celui qui a décroché un bachelor en commerce à l’université de British Columbia au Canada. « Au sein de Saham Assistance, il a réalisé de très belles performances qui ont rassuré les collaborateurs les plus sceptiques », se rappelle notre source. Il s’est fait aussi remarquer en conseil d’administration en proposant la création de la filiale éducation de Saham. C’était suffisant pour qu’on pense à lui lorsque Ahmed Mehdi Tazi a déposé sa démission. « Son nom a sonné comme une évidence pour quelques proches, même si d’autres personnes ont été pressenties pour le poste », nous confie-t-on.
D’ici à quelques semaines, il passera un nouveau test lors de la présentation des résultats financiers de l’entreprise, les premiers dont il devra assumer l’entière responsabilité. Sans trahir de secret, il assure que « les voyants seront au vert ». Saham Assurance, qui contribue à hauteur de 40 % au CA du groupe, devrait donc faire mieux que les 4,39 milliards de dirhams (410 millions d’euros) de chiffre d’affaires et les 282 millions de dirhams de résultat net réalisés en 2016 par Ahmed Mehdi Tazi. « Qu’il fasse mieux ou pas, MME ne sera pas jugé sur une seule année. Il poursuit sa formation dans le métier historique du groupe », insiste cet ancien collaborateur du groupe, qui emploie quelque 660 personnes au Maroc. Pour Moulay M’hamed, la route semble toute tracée. Ce qui devrait inciter son père à poursuivre la sienne, en politique.
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