Élections locales en Guinée : le rendez-vous manqué
Le scrutin local du 4 février a déçu nombre d’électeurs et d’observateurs, qui l’ont estimé trop politisé. Les partis vont-ils pour autant se remettre en question ?
La Guinée face au choc social
La croissance est forte et soutenue. Les revendications sociales le sont aussi en matière de pouvoir d’achat, d’accès aux services de base et, surtout, d’emploi des jeunes. Les Guinéens veulent du changement. Et ils le font savoir.
Les élections communales et communautaires, les premières depuis 2005, ont eu lieu le 4 février. Beaucoup voyaient dans ce scrutin de proximité, le seul ouvert aux candidatures indépendantes, l’occasion de dépasser les clivages bipartisans et de mobiliser les citoyens. Mais les 6 millions d’inscrits ne se sont pas bousculés pour élire les 342 conseils communaux (plus de 46 % d’abstention) ; pis, beaucoup se disent fiers de n’avoir pas voté.
Succession de danses, de défilés et d’accrochages partisans, la campagne a laissé peu de place aux débats de fond
La plupart regrettent que les deux semaines de campagne n’aient été qu’une succession de chants, de danses, de défilés et d’accrochages partisans, laissant peu de place aux débats de fond et aux projets de société des candidats, comme l’exprime Faya Millimouno, le président du Bloc libéral, qui estime que « l’abstention a été le plus grand gagnant de ces élections parce que la classe politique est déconnectée des réalités que vivent les populations » et, comme l’a souligné Sékou Koureissy Condé, de l’African Crisis Group, « parce qu’elle a donné une allure de présidentielle à ce scrutin local ».
Monopole du RPG et de l’UFDG
La vie politique reste bipolarisée autour du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG-Arc-en-ciel), du président Alpha Condé, et de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), de Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition. Le RPG s’est imposé dans son fief de Haute-Guinée (Est) et en Guinée forestière (Sud-Est). L’UFDG est victorieuse en Moyenne-Guinée (Centre).
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En Guinée maritime (Ouest), les résultats sont plus contrastés, les deux mastodontes se retrouvant au coude-à-coude dans plusieurs communes urbaines, dont Kindia et Boké, mais aussi Matoto (commune de Conakry). Pour obtenir une majorité au sein de ces conseils municipaux, leurs élus devront s’allier avec ceux de l’Union des forces républicaines (UFR), troisième parti politique du pays.
Quelques listes indépendantes ont mis à mal le monopole du RPG et de l’UFDG. Ainsi, celle conduite par Aminata Touré, la « fille de Sékou », s’est imposée à Kaloum, où elle obtient 11 sièges, devant le RPG (7), l’UFR (6) et l’UFDG (4). Saidouba Kissing Camara, ex-président de la Chambre des huissiers de Guinée, a gagné dans sa ville de Boffa.
Dans le Centre, à Faranah, le Mouvement indépendant pour le développement local de Faranah remporte 12 sièges, comme le RPG, et, plus au nord, à Dinguiraye, la liste Bhantal Dinguiraye décroche 9 sièges, autant que l’UFDG.
Après la contestation, la nécessité de réformer
Si les leaders et partisans de l’UFDG ont été les plus prompts et les plus virulents à contester le déroulement et les résultats du scrutin, ils ne sont pas les seuls. Alors qu’il s’est rapproché d’Alpha Condé (qui, début 2016, l’a nommé haut représentant du chef de l’État) et alors que son parti a présenté une liste commune avec le RPG à Dixinn, Sidya Touré a lui aussi demandé l’annulation du scrutin – tout en appelant au calme – après que les jeunes de l’UFR avaient interrompu l’assemblée du parti, le 17 février, protestant contre « le vol de [leurs] suffrages ». Dans la foulée, l’ancien Premier ministre leur a promis de restructurer les instances de l’UFR.
Beaucoup d’anomalies doivent être corrigées, et ce scrutin a un effet positif
Le RPG reconnaît aussi la nécessité de se réformer, travail qu’il a confié à une commission de réflexion. « Beaucoup d’anomalies doivent être corrigées, et ce scrutin a un effet positif. Chaque responsable local a pu tirer les leçons sur la façon dont le parti doit se mettre en ordre de bataille pour les législatives [prévues en septembre] et la présidentielle [en 2020] », conclut M’Bany Sangaré, secrétaire général de la jeunesse du RPG.
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