Guinée-Economie: une relance sous surveillance

Avec un nouveau plan stratégique, des dépenses maîtrisées et des investissements en forte hausse, la croissance est de retour et semble pérenne. Le grand défi, désormais, est qu’elle soit partagée.

Le port minier de Conakry en 2010 © Youri LENQUETTE pour Jeune Afrique

Le port minier de Conakry en 2010 © Youri LENQUETTE pour Jeune Afrique

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Publié le 14 mars 2018 Lecture : 5 minutes.

Un chauffeur de taxi à Conakry, e,n 2014. © Youri Lenquête pour Jeune Afrique.
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La Guinée face au choc social

La croissance est forte et soutenue. Les revendications sociales le sont aussi en matière de pouvoir d’achat, d’accès aux services de base et, surtout, d’emploi des jeunes. Les Guinéens veulent du changement. Et ils le font savoir.

Sommaire

Bitumage d’axes routiers, nouvelles infrastructures dans les secteurs de l’énergie, des mines et de la logistique, construction de tours de bureaux à Conakry… Les chantiers se multiplient dans la capitale comme à l’intérieur du pays, preuve que l’économie guinéenne se relève progressivement de l’épidémie d’Ebola et de la chute des prix des matières premières qui l’ont frappée de plein fouet en 2014 et 2015.

Le pays s’est doté d’un Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020, dont l’une des priorités est la transformation durable et inclusive de l’économie. Il mise en particulier sur l’énergie et l’agriculture, sur le capital humain, ainsi que sur le développement durable dans la gestion des ressources et du patrimoine naturels.

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Avec la hausse de la production de bauxite et d’or, la bonne résistance affichée par l’agriculture, ainsi que les investissements dans les infrastructures, la croissance a atteint 6,6 % du PIB en 2016 (au lieu des 5,2 % prévus) et devrait s’établir à 6,7 % en 2017 (au lieu de 5,4 %), selon les projections des services du FMI après leur mission à Conakry en août 2017 (voir tableau de bord). Quant à la situation des finances publiques, elle s’est redressée grâce à une plus forte mobilisation des recettes intérieures et à une réduction des dépenses publiques, qui a permis de réduire le déficit budgétaire.

Chiches en main-d’oeuvre

L’un des chantiers les plus emblématiques de cette relance est celui du barrage et de la centrale de Souapiti, dont la puissance installée sera de 550 MW. Sa mise en service partielle dès 2019 devrait permettre de résorber la totalité du déficit en électricité du pays, estimé à 400 MW, qui reste l’un des principaux handicaps à son développement économique et humain. Le chantier est réalisé pour un montant de 1,4 milliard de dollars (1,14 milliard d’euros) par China International Water and Electric Corporation, déjà maître d’œuvre du complexe hydroélectrique de Kaléta (240 MW), entré en service en 2015.

 © Infographie Jeune Afrique

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Dans le nord-ouest du pays, les investissements se multiplient aussi dans le développement, l’exploitation et, surtout, la transformation de la bauxite – l’industrialisation du secteur étant indispensable pour gagner en valeur ajoutée. C’est notamment le cas à Kamsar, dans la région de Boké, où Guinea Alumina Corporation, filiale guinéenne d’Emirates Global Aluminium, investit plus de 1,3 milliard de dollars dans son complexe minier de Sangarédi – dont les réserves sont estimées à 1,3 milliard de tonnes –, qui entrera en exploitation en 2019 et dont le volet logistique comprend le renforcement des installations ferroviaires de la Compagnie des bauxites de Guinée.

À la fin de novembre 2017, la Société minière de Boké  a annoncé un investissement de 3 milliards de dollars pour la construction d’une raffinerie d’alumine et d’une ligne de chemin de fer pour acheminer la bauxite vers le port de Dapilon d’ici à 2022. Le mois suivant, le groupe chinois TBEA signait avec Conakry un accord d’investissement de 2,89 milliards de dollars pour développer une chaîne de production intégrée (de la bauxite à l’alumine) dans les préfectures de Boffa, de Télimélé et de Boké.

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Il comprend la construction d’une mine, avec un démarrage d’exploitation attendu en juin 2019, pour une production de 10 millions de tonnes de bauxite par an, d’une raffinerie d’alumine (1 million de tonnes/an, opérationnelle à la mi-2021) et d’une fonderie d’aluminium (200 000 t/an, opérationnelle d’ici à la fin de 2024), mais aussi d’une centrale thermique (75 MW) et d’un complexe hydroélectrique à Amaria (300 MW). Si ces projets miniers contribuent à la croissance du PIB, cette dernière reste trop peu inclusive, les industries extractives étant chiches en main-d’œuvre (3 % des emplois).

Projets structurants

 © Infographie Jeune Afrique

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Alors que le chômage augmente, en particulier celui des jeunes, et que le pays n’exporte encore presque exclusivement que des matières premières non transformées du secteur minier, l’une des priorités est de diversifier l’économie en s’appuyant sur le redéploiement de l’agriculture. Le secteur emploie plus de 50 % de la population active, et son potentiel est d’autant plus important que le pays est gâté par la nature : bonne pluviométrie, impressionnant réseau hydrographique, immenses réserves de terres arables, etc.

Le total des dépenses nécessaires pour financer la cinquantaine de projets structurants inscrits dans le PNDES 2016-2020 a été fixé à 14,6 milliards de dollars (sur cinq ans), dont 32 % doivent être assurés par des investissements extérieurs…

Et force est de constater qu’ils affluent ces derniers mois. En septembre 2017, Conakry a obtenu un prêt de 20 milliards de dollars de la Chine, qui sera débloqué sur vingt ans en contrepartie de concessions minières (principalement dans la bauxite), dont un montant immédiatement disponible de 3 milliards de dollars.

 © Infographie Jeune Afrique

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L’une des difficultés majeures sera de maintenir une politique monétaire et une stratégie d’endettement prudentes

Fin octobre, l’Union européenne a octroyé 120 millions d’euros au gouvernement guinéen, dont 60 millions pour les villes de Conakry et de Kindia dans le cadre du Programme de développement et d’assainissement urbain (Sanita), et 60 autres millions pour le Programme d’appui à la consolidation de l’État.

Afin de mobiliser les bailleurs internationaux et partenaires privés, l’exécutif guinéen a par ailleurs organisé un groupe consultatif à Paris, les 16 et 17 novembre 2017, avec l’appui de la Banque mondiale, qui lui a permis de récolter 20 milliards de dollars de promesses de financement, bien au-delà des 4,5 milliards de dollars espérés.

Enfin, à la mi-décembre, le FMI a approuvé le nouvel accord triennal au titre de la facilité élargie de crédit, soit une enveloppe de prêts non concessionnels de 650 millions de dollars sur la période 2018-2020, pour permettre au pays d’atteindre une croissance plus élevée, de diversifier son économie, de réduire les inégalités et de renforcer les filets de protection sociale – plus de 55 % des Guinéens vivant encore sous le seuil de pauvreté.

Ces objectifs ne pourront être atteints que si l’État poursuit ses réformes pour améliorer le climat des affaires afin de favoriser le développement du secteur privé, et s’il continue d’accroître ses investissements publics dans les infrastructures. L’une des difficultés majeures sera de maintenir, dans le même temps, une politique monétaire et une stratégie d’endettement prudentes, afin que la dette reste viable, l’inflation modérée et que le système bancaire dispose des liquidités nécessaires à une croissance saine du crédit au secteur privé.

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