Burkina Faso : Mahamadou Bonkoungou, « l’ami » des présidents

La réussite de l’entreprise de BTP Ebomaf a permis à son fondateur de tisser des liens étroits avec de nombreux chefs d’État d’Afrique de l’Ouest. Doté d’un solide carnet d’adresses, le patron burkinabè diversifie maintenant ses activités tous azimuts.

Le self-made-man a en octobre 2017 pris possession de 51 % du capital de la Banque de l’habitat du Burkina Faso © Hippolyte Sama

Le self-made-man a en octobre 2017 pris possession de 51 % du capital de la Banque de l’habitat du Burkina Faso © Hippolyte Sama

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Publié le 13 mars 2018 Lecture : 6 minutes.

Malgré lui, Mahamadou Bonkoungou se retrouve au centre de toutes les attentions. En 2016, l’homme d’affaires burkinabè a été en toute discrétion l’un des bailleurs de la campagne de Lionel Zinsou à la présidence du Bénin.

Deux ans se sont presque écoulés et, en dépit des multiples reconnaissances de dette de l’ex-candidat, l’entrepreneur n’a toujours pas réussi à se faire rembourser. Une décision du tribunal de grande instance de Paris vient de mettre l’affaire, pour laquelle plusieurs présidents ont tenté une médiation, sur la place publique.

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La somme n’est pas modeste : 22 millions d’euros. Voilà qui confirme ses liens étroits avec un certain nombre de dirigeants politiques africains, mais surtout la dimension prise par le patron du groupe Ebomaf, qui ne veut plus se limiter au BTP.

À la fin d’octobre 2017, la ministre burkinabè de l’Économie, Rosine Sori-Coulibaly, autorisait par arrêté la modification de l’actionnariat de Banque de l’habitat du Burkina Faso (BHBF). Mahamadou Bonkoungou, 51 ans, prenait alors possession, à côté d’autres petits porteurs, de 51 % du capital de l’établissement, jusque-là bras financier du gouvernement pour sa politique du logement.

Pour prendre le contrôle de BHBF, il a déboursé près de 7 milliards de F CFA (10,7 millions d’euros). Une opportunité créée par l’évolution de la réglementation dans l’Uemoa, qui impose désormais un capital minimal de 10 milliards de F CFA aux établissements bancaires, obligeant la Banque de l’habitat à se recapitaliser.

J’ai pris le contrôle de BHBF pour la transformer en véritable banque universelle

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« J’ai pris le contrôle de BHBF pour la transformer en véritable banque universelle. Nous comptons également appuyer le financement des logements sociaux et promouvoir les secteurs économiques clés au Burkina » , déclare alors Mahamadou Bonkoungou à Jeune Afrique.

BHBF restera donc un acteur financier majeur du plan de construction de 40 000 logements sociaux, estimé à 450 milliards de F CFA, lancé par le président Roch Marc Christian Kaboré et le Premier ministre Paul Kaba Thiéba. Le chef d’entreprise envisage déjà le développement régional de sa nouvelle acquisition.

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Commerce informel

Expansion et diversification sont les maîtres mots de l’homme d’affaires, qui a fait ses armes dans la construction après avoir débuté dans le commerce informel puis dans l’importation de véhicules d’occasion.

Une activité grâce à laquelle il est aujourd’hui présent au Burkina, au Togo, au Bénin, au Tchad, en Côte d’Ivoire et en Guinée. En Afrique de l’Ouest, Ebomaf, fondé en 1989, emploie quelque 7 000 collaborateurs, dont de nombreux Européens parmi ses managers et ses ingénieurs, indique le site internet du groupe. « Si ce succès peut inspirer la banque, nous prodiguerons les conseils nécessaires », confie le patron.

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Au Burkina Faso, le roi du BTP s’apprête aussi à se lancer dans la fabrication de boissons et d’huile grâce au rachat des unités de production aujourd’hui à l’arrêt La Savana et Jossira, spécialisées respectivement dans la transformation de la tomate et les jus de fruits, et dans les huiles alimentaires.

Installée à Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso, La Savana était au départ la propriété de l’homme d’affaires malien Cheickna Kagnassy, alors que Jossira, qui transforme des graines de coton en huile, appartenait à Pélagie Sanou-Moussa Gros, décédée en 2007.

Bonkoungou a récupéré ces dernières auprès d’Ecobank, qui en avait pris le contrôle à la suite de créances non remboursées. Des acquisitions dont les montants restent confidentiels. « Nous attendons les conclusions d’une étude pour déterminer les besoins d’investissement nécessaires à la reprise de leur activité », détaille Mahamadou Bonkoungou.

La route comme priorité

Expliquant vouloir déployer ses nouvelles activités cette année, il ne tourne pas le dos aux travaux routiers, qui demeurent son secteur de prédilection. L’homme, qui refuse toujours de donner le chiffre d’affaires de son groupe, détiendrait des actifs dans ce domaine jusqu’au Portugal. « Nous prospectons en ce moment au Liberia », avance l’homme d’affaires, qui a pris part à l’investiture du nouveau président libérien, George Weah, le 22 janvier à Monrovia.

L’une des clés de la réussite de Mahamadou Bonkoungou : savoir entretenir des liens avec de nombreux chefs d’État au-delà de son propre pays

C’est là l’une des clés de la réussite de cet autodidacte : savoir entretenir, comme le font les groupes internationaux, des liens avec de nombreux chefs d’État au-delà de son propre pays. Parmi ses relations haut placées, le président guinéen Alpha Condé, l’Ivoirien Alassane Ouattara ou le Béninois Patrice Talon (même après avoir soutenu Zinsou).

Une proximité avec les pouvoirs qui, selon ses détracteurs, expliquerait son ascension. Lorsque Blaise Compaoré occupait le palais de Kosyam, c’est le général Gilbert Diendéré, alors responsable des services de renseignements et chef d’état-major particulier du président, qui aurait favorisé ses affaires. Des allégations toujours démenties par l’intéressé.

Alors que le procès de l’ancien militaire pour son rôle dans le putsch manqué en septembre 2015 s’est ouvert à Ouagadougou le 27 février (avant d’être reporté à la mi-mars), Mahamadou Bonkoungou a en tout cas prouvé sa capacité à poursuivre son ascension sous le régime Kaboré. Avec ce dernier, il entretient des rapports privilégiés après avoir soutenu le Mouvement du peuple pour le progrès, au pouvoir, contre les putschistes.

Success-story

Dans un secteur où les grandes entreprises africaines sont rares, le fondateur d’Ebomaf a su proposer une alternative aux groupes occidentaux et chinois. En témoigne le marché de 176 milliards de F CFA décroché au Bénin à la fin de 2016.

Ce contrat attribué par Porto-Novo porte sur la réhabilitation du tronçon Djougou-Bassila-Savalou-Dassa avec les bretelles Bassila-Manigri-Kpèrèkètè et Bassila-frontière du Togo, soit une distance de 300 km. Ce chantier renforce la présence d’Ebomaf au Bénin, où l’entreprise exécute déjà des travaux similaires sur plusieurs tronçons.

Un pied en Côte d’Ivoire

En 2015, Ebomaf avait déjà pris pied sur le marché ivoirien, avec le contrat des travaux de réhabilitation de la route Ferkessédougou-Kong, dans le Nord. Grâce à son solide réseau, Mahamadou Bonkoungou finalise également un partenariat public-privé avec un pool bancaire dirigé par Société générale Burkina Faso, pour un financement de 83 milliards de F CFA de ces travaux.

Comme Coris Bank International pour la finance, Ebomaf est l’autre success-story burkinabè en matière de BTP

« Ebomaf a aujourd’hui une expertise avérée dans la construction des routes. Comme Coris Bank International pour la finance, Ebomaf est l’autre success-story burkinabè en matière de BTP », salue le président de la Chambre de commerce, Mahamadi Savadogo.

L’attrait du transport aérien

Outre une soixantaine de projets routiers, l’agroalimentaire et la banque, l’homme d’affaires a aussi investi le secteur du transport aérien, en installant à Ouagadougou, dès 2011, la compagnie Liza Transport International.

Elle possède six aéronefs, dont un Airbus A318, un Falcon 7X et un Falcon 900, affrétés notamment pour des clients miniers, des hommes d’affaires et des gouvernements. Idéal pour entretenir un carnet d’adresses déjà bien fourni…

Un management très centralisé

Sur sa gestion, le patron burkinabè est peu loquace. Tout tourne autour de lui ou presque. Agissant directement auprès des chefs d’État avec qui il conclut ses contrats, l’entrepreneur sollicite aussi régulièrement les conseils de banquiers, comme ceux d’Afreximbank ou de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao, ou ceux de l’avocat français Patrice Mouchon.

Mahamadou Bonkoungou sait aussi attirer les meilleurs ingénieurs pour superviser ses chantiers. Il peut en outre s’appuyer sur une équipe dévouée, composée notamment de sa fille Alizèta Kambou Bonkoungou, dont l’avis compte sur les dossiers stratégiques.

Autre figure du système Ebomaf : Adama Rouamba. Ancien directeur financier promu secrétaire général du groupe, ce fidèle parmi les fidèles coordonne en effet les activités d’Ebomaf dans les différents pays où le groupe est présent.

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